12 février 2023 · Travail
Bonjour,
Le 1er février dernier le gouvernement français a supprimé les dernières mesures de prévention face à la pandémie toujours en cours de COVID-19 : Les personnes positives au COVID ne sont plus obligées de s’isoler, elles sont même fortemement encouragées à continuer à se rendre au travail au mépris de la vie des personnes à hauts risques et de la réalité des conséquences médicales des infections. Les arrêts de travail dérogatoires, sans jour de carence, ayant égalemement été supprimés. Le dépistage des cas contact n’est lui aussi plus requis, finissant de nous aveugler sur l’évolution de la circulation virale. Ce même gouvernement nous informe par ailleurs que 29% des contaminations hors du domicile se font… au travail.
La planète entière avait accueuilli d’un immense éclat de rire la déclaration de Trump affirmant qu’“Avec moins de tests nous aurions moins de cas !”. C’est désormais l’axe de la politique sanitaire française.
Les classes populaires et racisées continuent quant à elles de par leurs conditions de travail d’être plus exposées au virus, d’en mourrir et d’être handicapées par le COVID-19. Et ce sont désormais des millions de personnes qui se retrouvent trop handicapées par le COVID pour pouvoir travailler. Etonnament seule la presse financière s’en inquiète depuis des mois, voyant la précieuse force de travail fondre comme neige au soleil. Ce qui est même suspecté par certains économistes d’être une des causes importantes de l’inflation. Il se pourrait bien que les rêveries autour de la Grande Démission ne soient finalement que l’image édulcorée d’un évènement handicapant de masse, le Grand Covid Long.
Pendant ce temps, dans le monde halluciné que partage la petite bourgeoisie agambenienne et le principal parti de gauche, la grippette est finie et le seul chevet sur lequel iels s’épenchent est celui des antivax.
Si le mouvemenent de 2016 contre la Loi Travail avait parlé de beaucoup de choses sauf du travail lui-même. Celui qui démarre actuellement contre la réforme des retraites ne parle que de ça. C’est le coeur du désastre capitaliste dont il s’agit, celui qui dirige toutes les politiques d’infection de masse depuis le début de la pandémie : l’expropriation continue de nos forces et de notre créativité en vue du profit, la mise au travail généralisé des êtres et des milieux vivants, jusqu’à épuisement, quoi qu’il en coûte.
La mécanique mutilante du travail produit ce que les auteur·ices de Health Communism appelle une “classe excédentaire”, une population socialement définie comme “jetable” pour mieux discipliner l’ensemble des travailleur·euses, quand elle n’est pas rendue corvéable dans des espaces de ségrégation échappant à tout droit du travail. Cela était vrai avant la pandémie, cela s’est intensifié depuis. Toute perspective émancipatrice se devra de briser ce mécanisme.
Le mouvement qui prend actuellement la rue se présente comme une rare occasion d’infléchir le cycle des défaites et la trajectoire fascisante qui l’accompagne. Pour nourrir son potentiel de rupture et trouver l’élan nécessaire il nous faut mettre en discussion des horizons stratégiques. Depuis bientot 20 ans que cet horizon se résume à l’invocation messianique du “blocage”, où quand “tout s’arrête” tout serait censé “commencer”, nous avons amèrement constaté que celui-ci ne suffit pas. Il nous faut le coup d’après. Celui qui ne nous fige pas dans une position défensive, mais créé une ouverture. Commence.
Le camarade Marx avait une suggestion. Il disait : “Exproprier les expropriateurs.”
“Expropriation”, ce geste qui animait les occupations massives de logements dans l’Italie des années 70 par des Comités de quartier auto-organisés. Celui que l’on retrouve quand les Youngs Lords réquisionnent un camion de radiologie pour faire eux-même le dépistage de la tuberculose et le rendre accessible à leurs voisin·es, ou occupent un hôpital. Quand des Zads soustraients des terres à des projets mortifères. Quand des collectifs grecs occupent des bâtiments pour en faire des dispensaires autogérés ou qu’une lutte voit fleurir ses Maisons du Peuple, et que les autoréductions de supermarché viennent alimenter les Brigades de Solidarité et les piquets de grève.
Multiplier les expropriations. Ce pourrait être un début, pour dans un même geste reprendre en main nos moyens de subsistance et désarmer les industries qui nous mènent au gouffre.
Nous n’avons aucune raison de laisser ceux qui se sont approriés nos vies nous entrainer dans leur chute. Et contre cela, il nous faut regarder la pandémie en cours, et ses conséquences, en face.
Très bonne lecture et
prenons soin de nos luttes,
Cabrioles
Carnet de recherche pour l’Autodéfense Sanitaire face au Covid19
Que se passera-t-il si le COVID Long rend de plus en plus de gens trop malades pour travailler ? | Daniel Sarah Karasik
Une politique de masse pour une époque où des masses de gens sont plus malades que jamais doit briser le lien entre la force de travail et le mérite, un piège idéologique lové au cœur du salaire, perceptible dès que l'on parle de "gagner" sa vie. Les immeubles d'habitation squattés, le Robin des Bois de l'allée du supermarché appartenant à un milliardaire, bien que les interventions individuelles ou de petits collectifs puissent préfigurer une redistribution plus large des biens amassés, sont souvent extrêmement vulnérables à la répression violente du capital et de l'État. Comment pourraient-elles s'étendre et persister ?
Pourquoi la gauche a-t-elle dépriorisé le COVID ? | Raia Small
Le capitalisme assure sa propre survie en transformant les personnes handicapées inaptes au travail, ainsi que les autres chômeur·euses, en une population excédentaire dont l'existence contraint les travailleur·euses salarié·es à accepter de mauvaises conditions de travail et un faible salaire, de peur de tomber dans la pauvreté et l'exclusion qui caractérise cette population. Le travail sous le capitalisme est un processus handicapant, en raison de l'insécurité des lieux de travail, des blessures dues aux accidents ou au stress répétitif, et des conséquences mentales et psychologiques d'une culture du travail qui est presque universellement insoutenable. Contrairement à la plupart des syndicats d'aujourd'hui, les premiers mouvements syndicaux considéraient le handicap comme une composante du travail.
Protection collective pour tous·tes face à la pandémie de COVID | Alex Heffron
C'est le moment de faire pression pour obtenir non seulement des augmentations de salaire essentielles, mais aussi des environnements de travail plus sûrs. Il ne s'agit pas seulement d'une question de solidarité avec les collègues affaiblis par le virus - une seule infection peut vous faire passer de la catégorie de travailleur·euse à celle d'"excédentaire". Les syndicats doivent être tenus responsables de la représentation de leurs membres atteint·es de COVID Long, de handicaps et immunodéprimé·es. C'est l'occasion de développer un mouvement politique plus large qui unit les travailleur·euses avec les millions de personnes malades et handicapées qui vivent dans la crainte d'une (ré)infection. Malgré les proclamations contraires, la pandémie est loin d'être terminée.
Race, classe et Covid-19 | Notes from Below
Il est clair que la crise du Covid-19 a mis en évidence le lien direct entre la race, la pauvreté, le statut professionnel et l'exposition à la maladie. Les Noirs, les Asiatiques et les autres groupes racialisés sont surreprésentés dans les logements pauvres et surpeuplés ainsi que dans les emplois mal payés et très précaires. Le capitalisme a besoin de notre travail pour fonctionner et accumuler des richesses, même s'il nous tue.
Le Covid-19 est une maladie professionnelle qui se propage au travail | Justin Feldman
Les responsables politiques ont largement ignoré, voire complètement nié, le rôle central que joue la transmission sur les lieux de travail dans l'augmentation des taux de contamination au COVID-19. Dans tout le pays, les travailleur·euses ont organisé des grèves et d'autres actions syndicales depuis le début de la pandémie. Nombre d'entre elleux ont réclamé des mesures de protection plus strictes contre le COVID. Cependant, le succès de ces protestations s'est limité à un petit nombre de lieux de travail et, comme le déplorait Mike Davis, les États-Unis n'ont pas encore connu de mouvement de protestation national pour exiger une réponse plus forte à la pandémie.
Pourquoi les capitalistes sont coupables de meurtre social | Friedrich Engels
Lorsque la société place des centaines de prolétaires dans une position telle qu'iels rencontrent inévitablement une mort trop précoce et non naturelle, une mort qui est tout aussi bien une mort par violence que celle par l'épée ou la balle ; lorsqu'elle prive des milliers de personnes des nécessités vitales, les place dans des conditions où elles ne peuvent vivre, son acte est un meurtre aussi sûrement que l'acte de l'individu singulier ; un meurtre déguisé, malveillant, un meurtre contre lequel personne ne peut se défendre, qui ne semble pas être ce qu'il est, parce que personne ne voit le meurtrier, parce que la mort de la victime semble naturelle, parce que le délit est plus une omission qu'une commission. Mais le meurtre reste.
Le couteau sous la gorge | Phil A. Neel
Lorsque l'augmentation des coûts rend les conditions de vie intenables, de plus en plus de personnes trouvent des moyens alternatifs de se procurer les moyens de leur survie. Ces alternatives ne doivent pas être romancées, ni considérées comme une façon d'échapper aux limites du monde capitaliste. Mais ces failles grandissantes dans le statu quo révèlent également le potentiel de nouveaux modes de pouvoir prolétarien. De même, l'aspect le plus prometteur de toute dégradation du système des prix est le retour du spectre de l'expropriation, le trait le plus distinctif de la pratique politique communiste. Le potentiel de construction d'un pouvoir communiste est tout aussi visible dans l'intérêt populaire croissant pour la syndicalisation que dans les réseaux de pillage semi-improvisés et semi-organisés qui se sont développés lors du soulèvement de George Floyd. Si nous devions choisir un seul principe selon lequel les communistes pourraient s'orienter et évaluer le succès ou l'échec de leurs divers efforts, ce pourrait être quelque chose comme ceci : les petites expropriations doivent devenir grandes.
Re/Lire
Le Covid long fait perdre leur emploi à des millions de personnes | Fiona Lowenstein et Ryan Prior
Au lieu d'étudier l'impact des méfaits continus de la pandémie sur la main-d'œuvre, beaucoup se sont empressé·es de présenter la Grande Démission à travers des récits de cols blancs cherchant un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Pour une société censée vouloir tourner la page de la pandémie, le Covid long est une vérité qui dérange. En d'autres termes, la Grande Démission pourrait être le symptôme d'un événement handicapant de masse.
Pourquoi la presse financière fait-elle mieux que la gauche sur le COVID ? | Julia Doubleday
Pourquoi la gauche répète-t-elle la désinformation qui disculpe nos politicien·nes ? Pourquoi se rabat-elle sur une vision eugéniste du monde selon laquelle si vous n’êtes « pas en bonne santé », vous devez rester chez vous ou mourir ? Pourquoi parlons-nous des grèves et des congés de maladie, sans jamais oser mentionner la cause évidente de la pénurie permanente et généralisée de travailleur·euses de première ligne ?