Protection collective pour tous·tes face à la pandémie de COVID | Alex Heffron
C'est le moment de faire pression pour obtenir non seulement des augmentations de salaire essentielles, mais aussi des environnements de travail plus sûrs. Il ne s'agit pas seulement d'une question de solidarité avec les collègues affaiblis par le virus - une seule infection peut vous faire passer de la catégorie de travailleur·euse à celle d'"excédentaire". Les syndicats doivent être tenus responsables de la représentation de leurs membres atteints de COVID long, de handicaps et immunodéprimé·es. C'est l'occasion de développer un mouvement politique plus large qui unit les travailleur·euses avec les millions de personnes malades et handicapées qui vivent dans la crainte d'une (ré)infection. Malgré les proclamations contraires, la pandémie est loin d'être terminée.
Alex Heffron est un agriculteur, père, étudiant et écrivain qui a développé un COVID Long en mars 2020.
· Cet article fait partie de notre dossier Travail du 12 février 2023 ·
En décembre, les infirmièr·es, surchargé·es de travail et sous-payé·es, ont lancé leur plus grande grève de l'histoire britannique. Les infirmièr·es et les ambulancièr·es sont déjà en grève, mais les médecins en formation et les sages-femmes devraient les rejoindre cette année, d'autres étant susceptibles de le faire. Leur principale revendication est l'amélioration des salaires, car les gouvernements du Royaume-Uni organisent des réductions du salaire réel des travailleur·euses du NHS.
Cette décision intervient alors que de plus en plus d'établissements du NHS doivent gérer des banques alimentaires pour le personnel qui a du mal à faire face à la hausse du coût de la vie. Une enquête récente a montré que près d'un tiers des infirmièr·es ont du mal à faire face à l'augmentation des frais de nourriture et de chauffage. Malheureusement, les applaudissements ne suffisent pas à payer les factures. Tout comme lors des grèves des travailleur·euses du NHS dans les années 1980, la solidarité doit se manifester au sein du mouvement syndical. Nous sommes tous·tes horrifié·es de voir aux informations des gens, des êtres chers, mourir parce qu'iels ne peuvent pas obtenir une ambulance ou des soins hospitaliers de base. Les grèves du NHS concernent notre protection collective. La destruction du NHS par les Tories tue des gens. Les retards dans l'accès aux soins d'urgence tuent jusqu'à 500 personnes par semaine. 335 000 personnes ont été tuées par l'austérité au Royaume-Uni depuis que les Tories sont revenus au pouvoir, et jusqu'à présent il y a eu 215 000 décès dus au COVID-19.
Plus de 40 000 infirmièr·es ont quitté le NHS l'année dernière et le NHS compte plus de 133 000 postes vacants. Les salaires et les conditions de travail médiocres poussent les infirmièr·es à se tourner vers le secteur privé ou à abandonner les soins infirmiers. Tout cela se produit alors que les coupes budgétaires continuent de saigner à blanc le NHS et de menacer la sûreté des patient·es. Il est clair que le sous-financement du NHS est la principale cause de son effondrement au cours de la dernière décennie, mais cela ne signifie pas que la pression exercée par le COVID-19 peut être ignorée. Ignorer le COVID-19 ne la fait pas disparaître et ne soulage pas la pression. Les hospitalisations ont encore augmenté au cours de la récente vague et il n'y a pas de fin en vue, car le SARS-CoV-2 continue de muter, loin de toute notion fantaisiste d'immunité durable.
La normalisation du COVID-19
La montée du militantisme ouvrier dans tout le pays offre également l'occasion de lutter pour une protection face au COVID sur les lieux de travail. Cela n’est nulle part plus urgent qu'au NHS lui-même, où les travailleur·euses ont été abandonné·es par leurs employeur·euses, bien que le SARS-CoV-2 soit un agent pathogène aéroporté qui provoque un nombre considérable de décès, d'invalidités et de handicaps. Les travailleur·euses du système hospitalier ne disposent toujours pas d'équipements de protection individuelle adéquats. Cela signifie qu'iels sont toujours exposé·es au virus de manière routinière et fortuite, et que les patient·es sont mis·es en danger. Les données de la fin de l'année dernière montrent que 40 % des personnes hospitalisées avec le COVID-19 l'ont contracté à l'hôpital, et que ce chiffre augmente de façon exponentielle. Il s'agit d'une preuve évidente que la politique ne répond pas aux besoins des patient·es, et ce après que plus de 2 100 travailleur·euses sociaux et de santé soient mort·es du Covid-19, en Angleterre et au Pays de Galles, au cours des deux premières années de la pandémie. Lorsqu'une personne entre dans un hôpital, elle devrait pouvoir le faire sans craindre de contracter le Covid. Cet environnement peu sûr constitue un danger pour les travailleur·euses comme pour les patient·es.
On fait souvent une fausse distinction entre celleux que l'on imagine être intrinsèquement vulnérables au COVID-19 et tous·tes les autres. Peut-être avez-vous bien supporté votre première infection, mais qu'en sera-t-il de votre cinquième ? Nous ne le savons pas encore, mais les recherches montrent que le COVID-19 peut causer des dommages à long terme à l'organisme. Il y a actuellement environ 2 200 000 personnes atteintes de COVID long, dont plus de la moitié depuis plus de 12 mois et un quart depuis plus de 2 ans. Environ 5 % des travailleur·euses de la santé au Royaume-Uni sont actuellement atteint·es, après avoir travaillé pour sauver la vie d'autres personnes. Il existe d'innombrables témoignages de travailleur·euses de la santé atteint·es de COVID long, abandonné·es par leur employeur et contraint·es à la pauvreté. Si les syndicats n'incluent pas dans leurs revendications leurs collègues qui souffrent de cette maladie, tous·tes les travailleur·euses sont vulnérables s'iels la développent.
S'organiser pour un monde plus sûr
En mai, le Trades Union Congress a mené une enquête auprès de ses membres et a constaté que seuls 29% des travailleur·euses (et seulement 14% des travailleur·euses handicapé·es) se sentaient en sécurité sur leur lieu de travail après la réduction des mesures de protection face au COVID-19 au début de l'année. 10 % des travailleur·euses ont été contraint·es de travailler alors qu'iels présentaient des signes d'infection par le COVID-19. Leur enquête a également révélé que les personnes atteintes de COVID-19 manquaient de soutien et n'étaient pas crues. Une étude publiée dans le Lancet a révélé que 22 % des personnes atteintes d'un COVID long étaient incapables de travailler, et que 45 % d'entre elles avaient besoin d'un " horaire de travail réduit par rapport à celui d'avant la maladie ". Une enquête récente de YouGov montre que 61 % des personnes interrogées sont favorables à la réintroduction du port du masque dans les transports publics, et 49 % dans les espaces publics intérieurs. Et ce, malgré le fait que depuis plus d'un an, les gouvernements et les médias britanniques nous disent qu'il n'y a aucun danger à "vivre avec le virus". Les travailleur·euses du NHS, cependant, sont particulièrement bien placé·es pour lutter contre la politique de réinfection forcée du gouvernement.
C'est le moment de faire pression pour obtenir non seulement des augmentations de salaire essentielles, mais aussi des environnements de travail plus sûrs. Il ne s'agit pas seulement d'une question de solidarité avec les collègues affaibli·es par le virus, une seule infection peut vous faire passer de la catégorie de travailleur·euse à celle d'"excédentaire". Ces grèves exigent que nous soyons tous·tes solidaires des travailleur·euses de la santé. Les syndicats doivent être tenus responsables de la représentation de leurs membres atteint·es de COVID long, de handicaps et immunodéprimé·es. Après tout, notre capacité à vivre avec les maladies imposées par le capitalisme dépend de la capacité du système de soin à être là pour nous lorsque nous sommes malades ou blessé·es. C'est l'occasion de développer un mouvement politique plus large qui unit les travailleur·euses de tout le pays avec les millions de personnes malades et handicapées (et leurs proches) qui sont toujours obligées de vivre dans la crainte d'une (ré)infection. Malgré les affirmations contraires, la pandémie est loin d'être terminée.
Si les syndicats de travailleur·euses de la santé ne mettent pas la protection face au COVID sur la table, qui le pourra ? Les travailleur·euses qui ont été les plus touché·es sont les mieux placé·es pour faire reculer la normalisation des morts, des invalidités et des handicaps continues du COVID-19. La pandémie en cours continue d'entraver les soins. Si les travailleur·euses de la santé s'opposaient à la politique de réinfection forcée du gouvernement, d'autres secteurs de la société pourraient suivre. Les travailleur·euses de la santé sont les mieux placé·es, avec nous tous dans une solidarité collective, pour résister au meurtre social et à la mutilation sociale en cours de l'austérité et de la pandémie, et améliorer la protection collective de tous·tes.
Publication originale (30/01/2023) :
Red Pepper
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