12 septembre 2022 · Science
Bonjour,
Bien qu’une huitième vague de Covid soit en train de repartir à cause de l’abandon complet de toute mesure de prévention, le dossier que nous vous proposons aujourd’hui ne traitera pas directement du Covid, dans sa grande majorité. Nous avons fait le choix de prendre un peu de recul et d’entamer cette rentrée studieusement en nous penchant sur la vaste question de “La Science”.
La pandémie a remis sur le devant de la scène la question - grandement négligée par les milieux militants - du rapport aux activités scientifiques. Et ce d’une manière fracassante. La faible culture scientifique au sein du camp des luttes, associée à une saine méfiance vis-à-vis du mythe autoritaire de la science pure - dont les complicités avec les entreprises de dévastation des milieux vivants et des communautés populaires sont désormais un lieu commun - ont amplement contribué à notre sidération. Cette incapacité à nous orienter et à manier les données scientifiques, à dépasser leur abstraction pour les lier au réel, nous a laissé désarmé·es pour produire une compréhension fine de l’évènement. Et a ouvert le chemin au développement de lectures “philosophiques” on ne peut plus hors-sol.
Par ailleurs la pandémie a montré à tous·tes que personne ne suit « la science », les connaissances scientifiques n’induisent aucune action en elle-même. On peut avoir un formation scientifique solide, savoir que le Covid-19 est aéroporté et qu’il provoque 200 morts par jours et de nombreuses séquelles graves, et trouver cela tout à fait acceptable. Et même bien plus désirable que de voir sa liberté individuelle contrainte par des mesures de protections collectives, même si cela induit que des millions de personnes immunodéprimées se retrouvent en danger dans l’espace public, au travail, dans les lieux d’étude. Ce sont des scientifiques et des médecins réputés qui ont massivement propagés la désinformation et le covidonégationnisme. Donc les données scientifiques sont une chose, mais ce que l’on en fait dépend d’une tout autre dimension : un positionnement éthique et politique.
Néanmoins il nous semble que la nécessaire critique du scientisme en vient finalement à conforter ce mythe autoritaire de « la science » lorsqu’elle rejette l’ensemble des pratiques et connaissances scientifiques de manière unilatérale. Les forces capitalistes elle-même ne reculent devant rien pour étouffer toutes recherches, découvertes et connaissances scientifiques qui vont à l’encontre de leur course au profit. La négation du bouleversement climatique nous l’a appris de longue date.
Il nous semble donc nécessaire de tenir deux mouvements dans un même geste : il nous faut d’une part reconstruire une culture scientifique populaire et militante, provoquer des rencontres et nouer des alliances avec le monde scientifique, et d’autre part assumer des pratiques des sciences qui soient éminément impures car tournées vers les communautés et les luttes populaires. C’est ce geste que nous avons essayé de reparcourir à travers notamment les histoires de Science for the People, Act Up, le mouvement de santé des femmes et l’ensemble du Radical Science Movement.
Très bonne lecture et
prenons soin de nos luttes,
Cabrioles
Carnet de recherche pour l’Autodéfense Sanitaire face au Covid19
Se réapproprier la science | Camille Rullán
L'affirmation selon laquelle "la science est neutre" est en soi une déclaration politique, qui s'aligne sur les intérêts de la classe dominante. Ce qui est qualifié de politique est ce qui remet en question l'idéologie invisible et hégémonique. D'où la nécessité de comprendre les manières dont le capital et le pouvoir influencent la production, les usages, ainsi que la nature de la science et, de manière plus critique, de réinventer les manières dont nous pratiquons la science. Il n'y a pas de héros qui puisse nous donner cela. Le seul moyen d'avancer est l'action collective.
Les malades, expert·es de la maladie | Act Up-Paris
Notre revendication d’un droit d’ingérence dans les processus de recherche se fonde à la fois politiquement et scientifiquement. Elle se fonde politiquement sur le fait de transformer enfin le rapport des malades à la recherche médicale : rappeler sans cesse aux chercheur·euses et aux médecins que les malades doivent être le seul horizon de leurs travaux ; leur rappeler que la recherche médicale n’a pas a céder au mythe de la « science désintéressée » puisqu’elle est au contraire éminemment « interessée » et que c’est aux malades de définir et de préciser cet intérêt. Les activistes sida ont ainsi contribué et contribuent encore, par leurs interventions, à modifier les procédures scientifiques, en les assortissant de considération éthiques, sociologique et politiques.
Retrouver une boussole dans le désert du covid | Groupe L'émancipation sociale
Sans la reconnaissance des apports des sciences pour éclairer la complexité du réel et armer notre critique, nous nous condamnons à tâtonner dans le noir en subissant les mensonges des dominants et le désastre qu’ils instaurent. Plutôt que de scier les branches sur lesquelles nous nous trouvons, ne vaudrait-il pas mieux défendre des sciences émancipées et émancipatrices, socialement et écologiquement pertinentes et enfin, les relayer horizontalement pour construire notre autonomie ?
Des lycéen·nes enquêtent sur la qualité de l'air dans leur communauté | Tony Marks-Block
Lorsque nous avons commencé, l'(in)justice environnementale ne faisait pas partie de leur vocabulaire, mais elle faisait partie de leur expérience. Mon défi était d'aider les élèves à relier leur compréhension viscérale de l'injustice raciale à un processus scientifique qui pourrait être utilisé pour développer des connaissances plus approfondies sur la santé communautaire et la pollution atmosphérique.
Un Mouvement de Science Radical se lève à nouveau pour combattre le régime de Trump | Alexis Takahashi
Science for the People s'est occupée d'un large éventail de travaux allant de la lutte contre l'agriculture industrielle dans les pays du Sud à la fourniture d'une assistance technique à des organisations alliées telles que les Black Panthers, les Young Lords et l’organisation anti-nucléaire Alliance Clamshell. Mais le sujet pour lequel Science for the People est probablement le plus connu est celui de la génétique et la lutte contre la sociobiologie.
La main, la tête et le cœur : une épistémologie féministe | Hilary Rose
Le projet théorique émancipateur de Sohn Rethel se situe toujours dans le cadre de la production de marchandises. Il cherche l'unité de la main et de la tête mais exclu le cœur. Une reconnaissance théorique du travail de soins reproductifs féminin est nécessaire pour toute analyse matérialiste adéquate de la science et est une condition préalable cruciale pour une épistémologie et une méthode alternatives. La relation dialectique entre ces deux systèmes de production - production de choses et production de personnes - explique non seulement pourquoi il y a si peu de femmes dans les sciences, mais aussi, et surtout, pourquoi la connaissance produite par la science est si abstraite et dépersonnalisée. Une épistémologie féministe implique la création d'une pratique du sentir, de la pensée et de l'écriture qui s'oppose à l'abstraction de la pensée scientifique masculine et bourgeoise.
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Critique de la désinformation antivax "de gauche" | Clifford D. Conner
La prémisse du syllogisme selon laquelle Big Pharma est corrompue par la recherche du profit ne justifie pas la conclusion que ses produits sont forcément frauduleux. La leçon essentielle de l’Opération Warp Speed n'est pas que les vaccins et les programmes de santé publique associés étaient frauduleux, mais qu'il n'y avait aucune raison matérielle de faire transiter tout cet argent par des sociétés privées.