Retrouver une boussole dans le désert du covid | Groupe L'émancipation sociale
La science comme potentiel anti-autoritaire
Sans la reconnaissance des apports des sciences pour éclairer la complexité du réel et armer notre critique, nous nous condamnons à tâtonner dans le noir en subissant les mensonges des dominants et le désastre qu’ils instaurent. Plutôt que de scier les branches sur lesquelles nous nous trouvons, ne vaudrait-il pas mieux défendre des sciences émancipées et émancipatrices, socialement et écologiquement pertinentes et enfin, les relayer horizontalement pour construire notre autonomie ?
« L’émancipation sociale » est un groupe de la Fédération Anarchiste basé dans les Côtes d’Armor (Bretagne)
· Cet article fait partie de notre dossier Science du 12 septembre 2022 ·
« Nous voulons pour tous le pain, la liberté, l'amour et la science » (Errico Malatesta, « Le Programme Anarchiste », 1920)
Ce texte1 est né d'une lassitude et d'une colère contenue depuis des mois, contre la gestion gouvernementale de la pandémie liée au Covid, mais aussi contre une certaine contestation de cette même gestion. Notre propos pourrait s'adresser à certains de nos proches, mais aussi à beaucoup de nos camarades. Des gens avec qui il n’est pas question de rompre un dialogue, malgré les crispations qu’attisent la situation sanitaire. Sous diverses formes plus ou moins nettes et assumées, un certain « déni », de la pandémie s’est installé…2 Un déni généralisé qui, loin d’être subversif, fait les affaires de l’État, bien content de ne pas avoir à rendre compte de décisions politiques impliquant plus de 137 000 morts, des covid long, des personnes à risques contraintes de réduire drastiquement leurs relations sociales, ou encore des travailleur.euse.s exposé.e.s chaque jour à la circulation d’un virus et de ses éventuels variants. Nous n’ignorons pas que de multiples facteurs, à la fois intimes et politiques3 favorisent cette appréhension de la pandémie, mais il nous semble que le rejet de la science y prend une place importante4. Il ne s'agit pas ici de porter des accusations ni d'enfermer définitivement quiconque dans des positions qui ne pourraient évoluer, car nous avons au contraire toujours l'espoir d'une autre organisation face au Covid-19... Mais, précisément, sur quelles bases fonder d’autres modes d'organisation ? Selon nous, la reconnaissance de la nécessité et de la pertinence d'une approche scientifique devrait être un préalable pour une critique radicale du gouvernement et la construction d’une autonomie, en matière de santé notamment.
La critique de « la science »5, une idée devenue consensuelle à « gauche »
Dans beaucoup de discours militants et pratiques politiques situés dans notre camp social au sens large (disons : écologistes, altermondialistes, libertaires, alternatifs, autonomes...), la science a plutôt mauvaise presse. C’est une critique développée par des figures philosophiques d’importance et perçues comme tenant un discours radical, notamment au sein de l’Université (on pense à Theodor W. Adorno, Michel Foucault ou encore à Bruno Latour). Dans une version commune, il est tenu pour évident que la lutte pour un monde meilleur – ou, versant révolutionnaire : pour un autre monde – ne pourrait pas être déliée d'un rejet de la science (quand ce n’est pas toute la raison qui est visée).
D’un côté, la science serait avant tout un instrument de domination toujours en passe de défendre un système oppressif, imposant ses vues, qui seraient elles-mêmes partielles et partiales. La science ne serait qu'un système de croyances ou de récits parmi d'autres. Elle n'aurait pas plus de validité pour décrire, expliquer, comprendre le réel, que, par exemple, des convictions plus ou moins partagées et étayées sur le monde, un texte sacré, ou tout simplement l'intuition. Cette position, participant d’un certain relativisme, apparaît souvent comme une preuve de tolérance et d'ouverture d'esprit, voire un préalable indispensable à toute approche anti-autoritaire. Concrètement, en disant : « le masque, je n’y arrive pas », « je ne crois pas qu’il serve à grand-chose » ou « après tout, si j'étais malade, je le saurais », ce serait à chacun, selon son opinion ou son confort, d'apprécier le port ou non d'un masque6. Il faudrait donc respecter cette liberté de point de vue sans discuter ce qui fonde cette intime conviction. Celle-ci est, par voie de fait, imposée à autrui, ce qui inclut des personnes fragilisé.e.s ou leurs proches, qui doivent alors, dans le meilleur des cas, se justifier7.
D’un autre côté, la science serait depuis son origine au service de l’économie libérale et de sa perpétuation infinie. Ce serait le bras armé de la production à la chaîne ou par ordinateur afin de mettre de nouveaux produits sur le marché, et là serait sa principale motivation. La conséquence de ce point de vue est, souvent, le rejet de la technique, de tout ce qui tire son origine d’un laboratoire, au profit de tout ce qui apparaît comme « naturel », que ce soit en termes alimentaire ou médical. Par exemple, parce que les vaccins contre le covid sont issus d'une technologie complexe et qu’ils profitent – hélas sans conteste en régime capitaliste -- à l'industrie pharmaceutique, il faudrait s'en tenir le plus éloigné possible. S'appuyer sur la science, ce serait donc nécessairement faire preuve d'autorité et défendre un ordre économique inégalitaire. Bref, que viennent faire des anarchistes – dont le cœur idéologique est effectivement la mise en cause de la hiérarchie et du capitalisme – dans la défense de la science ?
Bien-sûr, on ne pense pas que « la science » n’a jamais été compromise dans aucune oppression que ce soit. Mais il nous semble que, pour éviter toute confusion dans la discussion, il est nécessaire de préciser ce qui fait dans ces cas-là l’objet exact de la critique : s’agit-il d’une méthodologie particulière, de la communauté universitaire, de certains scientifiques, des institutions de recherche, des financements, des applications techniques, etc. ? On gagnerait à discuter à partir d’une distinction et d’une mise en relation de ces différentes réalités que recoupe parfois le mot science, et non d’une superposition a priori de l’ensemble. Car, quand bien même une certaine science a été compromise, faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ?
Le potentiel émancipateur de la science
Nous avons une conception bien plus positive de la science8, définie ici par l'ensemble des valeurs et des normes intellectuelles et morales qui président à cette activité éminemment sociale9. Lorsque ces lignes éthiques sont respectées, la démarche scientifique constitue un moyen à la fois puissant et non-autoritaire de connaître le réel, ne cherchant pas à imposer une vérité, mais à établir des faits à partir de procédures longuement construites et en amélioration permanente. Pour caractériser cette démarche, on identifie quatre dimensions interdépendantes qui sont certes théoriques mais qui devraient conduire selon nous à la défendre, elle et ses résultats :
1) La démarche scientifique est matérialiste. Cela signifie qu’elle ne peut concerner que des éléments matériels, c’est-à-dire mesurables et objectivables, favorisant des protocoles qui doivent être accessibles et reproductibles par d'autres équipes de recherche. Contrairement à un énoncé religieux ou pseudo-scientifique – qui exige une adhésion sur la conviction de la foi ou à partir de l’imitation d’une preuve, c’est-à-dire sur la base d’un rapport d’autorité –, il est donc possible de savoir pourquoi on tient telle connaissance pour acquise, en vérifiant la manière dont les données ont été produites. L’acceptation ou le rejet d’une proposition scientifique est alors de portée universelle. Ainsi, puisque la réplication des protocoles par d’autres équipes de recherche à l’international n’a pas donné la preuve de son efficacité, l'hydroxychloroquine n’est finalement pas considérée comme bénéfique pour le traitement du covid (à tel point que de nombreux soupçons de fraude ont été émis sur des expériences menées par Didier Raoult)10.
2) L’engagement dans une démarche scientifique suppose d’adopter un scepticisme organisé. En d’autres termes, on ne met pas tout en doute dès lors que les preuves sont solides, mais il faut être capable de réinterroger ses résultats. Production humaine, le savoir scientifique reste faillible et perfectible, et doit donc être abordé avec un regard critique. Tous les énoncés peuvent en effet être nuancés voire réfutés par la communauté, notamment lorsque de nouvelles données ou des méthodes de meilleures qualités sont découvertes. En ce sens, il s’agit d’une manière de connaître le réel qui est intrinsèquement non dogmatique. Par exemple, au début de la pandémie une large part de la communauté scientifique pensait que le virus du covid se transmettait seulement par gouttes-postillons, et non par voie aérienne. Depuis juillet 2020 et grâce à de nouvelles recherches, l'OMS a reconnu que les aérosols (que chacun.e émet en parlant et en respirant) jouaient un rôle important dans la transmission du virus, rendant caduc le port de la visière en plastique comme seule mesure de protection.
3) Il s’agit d’un processus collectif. Quand ils ne sont pas mis en concurrence pour obtenir des financements, les chercheurs forment une communauté de coopération : ils se lisent, se critiquent, se corrigent et avancent ensemble. Les résultats scientifiques ne se construisent pas sur l’aura d’un scientifique isolé, se mettant en scène avec un ton péremptoire comme ont pu le faire, entre autres, Didier Raoult ou Christian Perronne… Cette vedettisation devrait même susciter plus de suspicion que d’adhésion. Le développement des vaccins à ARN sont à l’inverse le résultat de recherches qui se sont déroulées sur plus de 30 ans, rassemblant depuis le début de la pandémie plusieurs milliers de scientifiques.
4) Enfin c’est une activité désintéressée (dans ses résultats11). Un travail est tenu pour juste et se voit donc valorisé parce qu’il est reconnu par un système public de contrôle, et non en fonction d’une quelconque motivation (individuelle ou collective) pour tel résultat plutôt que pour tel autre. C’est, entre autres, le rôle de la revue par les pairs, elle-même imparfaite, et de la publicisation des études. Ainsi la validité des connaissances scientifiques ne devrait pas dépendre d’un intérêt économique, de la position sociale, des valeurs politiques, des préférences ou des rêves de gloire de celles et ceux qui les produisent. Que ça nous plaise ou non la terre n’est pas plate, le réchauffement climatique a des origines anthropiques, et le covid est un virus très contagieux et potentiellement mortel. En tant qu’anti-capitalistes, on aurait par exemple bien aimé que la molécule d’hydroxychloroquine puisse soigner le coronavirus, puisque cela aurait constitué un traitement peu coûteux et donc accessible au plus grand nombre, mais on ne tient pas à voir des résultats scientifiques truqués pour faire croire à son efficacité si tel n’est pas le cas.
Les connaissances ainsi acquises devraient constituer aussi un bien commun accessible à tou.te.s. Malgré tout cela, dans les faits, les inégalités constituent des barrières immenses à la pratique et au partage de la science et, sans une longue formation, sa compréhension s’avère souvent particulièrement ardue. Pour y voir plus clair dans le cas de la pandémie, faut-il alors s'en remettre à la parole d’État ? Évidemment, non. L'État, profondément irrationnel, ne peut pas être une boussole : ni comme exemple à suivre, ni comme exemple à fuir.
L'auto-défense intellectuelle, un des piliers de l'auto-défense sanitaire
Depuis le début de la pandémie, et même si certaines de ses affirmations sont exactes (comme sur le vaccin), l'État reste un grand pourvoyeur de mensonges. La porte-parole du gouvernement avait ouvert le bal en déclarant en mars 2020 les masques inutiles12 puis le ministre de la Santé a récidivé en janvier dernier en décrétant les masques FFP2 non nécessaires, et en niant la transmission aéroportée13. Hier, le nuage de Tchernobyl s’était arrêté à la frontière ; aujourd'hui, le virus s’est arrêté à la porte de l’école ! Le ministre de l’Éducation minimise à son tour les risques de contamination14. C’est qu’il ne faudrait surtout pas fermer les lieux d’apprentissage -- alors utilisés comme des garderies – sans quoi les parents ne pourraient plus continuer à travailler pour la croissance. Contrairement à ce qu'il fait croire, le gouvernement a régulièrement ignoré le consensus scientifique, prenant ses décisions en conseil de défense, au profit d'une gestion militaro-policière et managériale de la pandémie. Cette capacité à apporter des faits potentiellement contrariants pour les pouvoirs en place vaut d’ailleurs à la recherche scientifique d’être menacée15. Or, pour affirmer que l’État se moque des apports des sciences en privilégiant les intérêts des dominants, comme sur les questions climatiques, il faut bien se confronter aux avancées de la connaissance permises par les travaux de recherche. Comment faire alors lorsque, comme nous, l'on n'est pas épidémiologiste, virologue ou spécialiste de domaines afférents ?
On peut s’appuyer sur des sources qui respectent justement le cadre éthique évoqué plus haut. Pour rédiger ce texte nous avons notamment consulté les sites « Adios corona » et « Du côté de la science »16 : toutes les affirmations factuelles sur la pandémie du coronavirus (vaccins, masques, mode de transmission, etc.) rencontrées dans ce texte en sont issues. Créés par des scientifiques de différentes disciplines (cf. processus collectif), ils synthétisent et rendent accessibles aux non-spécialistes, de manière gratuite, les données sur le covid. Ce sont des initiatives indépendantes, sous licence “creative commons”, sans pub ni recherche de notoriété, la plupart des publications sont sans nom d'auteur et s’appuient sur de nombreux articles validés par des pairs, de manière internationale (cf. désintéressement et cf. objectivité et universalité permises par la méthodologie matérialiste). Ces ressources sont régulièrement mises à jour, proposant aussi des bulletins épidémiologiques (cf. scepticisme organisé).
Il existe évidemment d’autres pistes : concrètement, des suivis hebdomadaires des conséquences politiques de la pandémie ont été publiés (Collectif politique autonome Silure17), un groupe de partage d’informations mêlant scientifiques et personnes en quête d’informations s’est constitué (Collectif Zéro covid solidaire18) tandis que d’autres ont pu monter un collectif de réflexion sur l’autodéfense sanitaire (collectif « Cabrioles »)19. Développer une démarche d’auto-défense intellectuelle pourrait passer plus fondamentalement par le partage des outils pour identifier la qualité d’une source, pour se familiariser avec les statistiques et les probabilités ou encore pour savoir repérer et réfuter les principaux sophismes – ces raisonnements en apparence rigoureux mais en réalité illogiques et non valides – que l’on peut rencontrer, autant dans les médias alternatifs que mainstream20. En somme ces ressources constituent de véritables antipoisons à des entreprises de désinformation comme France Soir et Reinfocovid, mais aussi au venin de la parole gouvernementale. Pas d’autodéfense sanitaire sans capacité collective à évaluer l’information.
Aujourd’hui, à minima et faute, comme nous, de compétences spécifiques en la matière, nous pouvons consulter et partager les travaux de ces collectifs afin de réfléchir ensemble aux réflexes simples de réduction des risques (au moins : FFP2, aération) et aux moyens de leur mise en œuvre. Comme des expériences passées et présentes ont pu le démontrer21, l’auto-défense intellectuelle est un pilier nécessaire à la construction d’une auto-défense sanitaire, sans quoi on ne peut définir ou estimer l’efficacité d’une pratique, en tout domaine d’ailleurs. Alors que la démarche scientifique représente la voie générale d’accès au réel la plus solide et cohérente, les connaissances ainsi établies constituent des bases partageables, car étayées par les un.e.s et vérifiables par les autres, qui nous aident à prendre en charge par nous-mêmes et pour nous-mêmes les moyens de notre santé, loin de tout arbitraire et de toute autorité.
Fonder notre autonomie
Il est vrai que l’activité scientifique est loin d’être parfaite : la recherche est régulièrement instrumentalisée à des fins libérales ou militaires, dévoyée sous l’effet de la compétition effrénée, menacée par des velléités autoritaires, en détruisant notamment l’Université, quand elle n'est pas complètement ignorée22. Notre position ne relève pas non plus du scientisme : nous ne pensons pas que les connaissances scientifiques doivent être prescriptives, qu'elles aient à nous dire ce qu'il faut faire, et encore moins que toutes les solutions puissent se résumer à une seule et même technique (p. ex., la vaccination). Les sciences donnent des directions possibles, pas des directives. Par exemple, sachant désormais que les masques FFP2 sont plus efficaces que les tissus, cela ne nous dit rien de la façon dont on (se) les rend accessibles : se retrouver isolé.e.s à les acheter en pharmacie ou en grande surface, ce n'est pas la même chose que de partager un réseau solidaire afin de les financer collectivement par des cagnottes, de les exiger du patronat ou encore de les "auto-réduire" (= se servir à plusieurs sans payer et les redistribuer). La science n’interrompt pas la discussion politique, et encore moins l’action.
Fondamentalement anti-autoritaires, les cadres éthiques de la démarche scientifique représentent selon nous un idéal à préserver et à défendre contre les menaces de privatisation, de marchandisation, ou de toute mise au pas de la recherche. Et si la démarche scientifique peut être compatible avec les forces progressistes, elle leur est même nécessaire, donnant une assise importante à une critique radicale des politiques qui, de fait, nous mettent en danger. Il n’est pas nécessaire de nier la réalité d'un virus dangereux et les effets positifs d'un vaccin pour porter une critique du capitalisme pharmaceutique et de la gestion autoritaire de la pandémie23. Alors que l'on s'accorde sur la réalité du réchauffement climatique à partir de travaux scientifiques, dont les rapports du GIEC24, pourquoi ne pas garder la même exigence logique sur d’autres sujets ? Sans la reconnaissance des apports des sciences pour éclairer la complexité du réel et armer notre critique, nous nous condamnons à tâtonner dans le noir en subissant les mensonges des dominants et le désastre qu’ils instaurent. Plutôt que de scier les branches sur lesquelles nous nous trouvons, ne vaudrait-il pas mieux défendre des sciences émancipées et émancipatrices, socialement et écologiquement pertinentes et enfin, les relayer horizontalement pour construire notre autonomie ?
Février 2022,
« L’émancipation sociale »
groupe de la Fédération Anarchiste
· Cet article fait partie de notre dossier Science du 12 septembre 2022 ·
Ce texte est écrit en février 2022 et a été publié une première fois, dans une version très légèrement différente, dans un fanzine local. Nous parlons donc depuis la pandémie de Covid-19, version Omicron mais, entre autres choses, la crise écologique dont le régime capitaliste est responsable risque de conduire à la répétition de ces périodes de troubles qui bousculent nos existences au quotidien.
Sur cette question du déni de la pandémie en milieux militants, on pourra lire les textes écrits par d’autres camarades : « Alors, on te voit plus aux soirées ? Pour une santé communautaire », Toma, janvier 2022, Paris-Luttes.info ; « Face à la pandémie, le camp de la gauche doit sortir du déni », collectif Cabrioles, 27 janvier 2022, revue Jefklak.org.
Pour certains le déni peut être une manière de surmonter le stress, qu’il soit provoqué par un sentiment d’impuissance, des incertitudes, des difficultés économiques... Pour d’autres mieux lotis, c’est une manière de refuser de voir son train de vie bousculé par un fichu virus.
Nous avons choisi de nous focaliser sur cette question d’autant que les enjeux politiques du déni de la pandémie ont déjà été bien abordés. En plus des textes cités précédemment on pourra lire par exemple « Critiques de la gestion dite sanitaire et libéralisme militant », 15 janvier 2022, Paris-Luttes.info.
Nous reprenons volontairement cette expression dans un premier temps sans la définir. En effet, c’est ainsi qu’elle est souvent utilisée par les critiques, sans plus de précision sur ce qui est ciblé, ce qui conduit à notre sens à une incompréhension voire une confusion dans la discussion.
Il est pourtant désormais admis que mettre un masque sur la bouche et le nez peut endiguer l’épidémie, et donc protéger les autres, autrement exposés (directement ou indirectement).
Il est vrai que le pass sanitaire pose un véritable problème de contrôle, mais devoir se justifier en renseignant son historique de santé ou celui de ses proches pour que le port du masque soit simplement partagé n’est pas moins gênant. Ne pas prendre en compte autrui sur ce point c’est même une position de dominant, au sens où elle est éminemment validiste. Pour une perspective anti-validiste sur la pandémie : « Nos morts ne vous sont pas dues, Covid, suprématie validiste et interdépendance », Mia Mingus, 3 février 2022, Jef Klak.
On utilise le mot science au singulier pour désigner le socle commun de toutes les disciplines, de la physique à l’histoire en passant par la biologie et la psychologie. On aborde donc ici la démarche générale de connaissance du réel encadrée par une certaine éthique qui permet des résultats aussi robustes que possible. Cela dit, ne nous méprenons pas, les sciences se conjuguent surtout au pluriel : il existe en effet une grande diversité de disciplines et de méthodes qui ont elles-mêmes évoluées dans le temps et l’espace. Enfin, les sciences qui produisent des connaissances ne doivent pas non plus être confondues avec les individus qui la produisent ou avec les applications techniques qui lui sont liées.
Ce qui renvoie au concept d’éthos de la science, proposé par Robert K. Merton dans « The normative structure of science », 1942). Notre synthèse est une adaptation de cette tradition en sociologie des sciences et de leur prolongement récent par Arnaud Saint-Martin (Science, éditions Anamosa, 2021).
Faute de résultats concluants, l'OMS ne recommande pas l'hydroxychloroquine en tant que traitement contre la COVID-19. « Maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) : hydroxychloroquine », 30 avril 2021 sur le site de l’OMS. Consultable à l’adresse : https://www.who.int/fr/news-room/questions-and-answers/item/coronavirus-disease-(covid-19)-hydroxychloroquine]. Des soupçons de fraude pèsent sur le travail mené par D. Raoult : « Les équipes de Didier Raoult dénoncent les falsifications de leur patron sur l’hydroxychloroquine », Pascale Pascariello, 19 novembre 2021, Mediapart. Une suspicion renforcée par les conclusions de la récente inspection menée par l’Agence nationale de sécurité du médicament au sein de l’Institut hospitalo-universitaire dirigé par D. Raoult. « Les inspecteurs de l’Agence de sécurité du médicament épinglent les pratiques de Didier Raoult », Pascale Pascariello, 19 février 2022, Médiapart.
Cela ne veut pas dire que toute la démarche scientifique soit désintéressée, et elle est au contraire très politique : le choix des questions en amont, les options éthiques, et les applications par exemple, sont directement liées à des intérêts, certains que nous rejetons (comme déposer un brevet sur un vaccin), d’autres que nous pourrions faire nôtre (comme exiger que les vaccins appartiennent au domaine public, à l’image du vaccin contre la poliomyélite).
Un mensonge bien commode pour justifier leur pénurie : « Masques, les preuves d’un mensonge d’État », Yann Philippin, Antton Rouget, Marine Turchi, 2 avril 2020, Mediapart.
Olivier Véran recommandait le port du masque FFP2 seulement à ceux « qui sont aujourd'hui considérés comme à risque parce qu'exposés à des gouttelettes » porteuses du virus. Une information contre-factuelle relayée sans mise en doute critique dans un article du Figaro : « Covid-19 : les autorités sanitaires défavorables à une généralisation des masques FFP2 selon Olivier Véran », 10 janvier 2022, Figaro.
Jean-Michel Blanquer a affirmé à plusieurs reprises qu’on « se contamine moins en milieu scolaire que dans le reste de la société » (Le 21 mars 2021 sur LCI, le 1er septembre 2021 sur France Inter…) Voir : « Jean-Michel Blanquer, les écoles et le Covid-19 : deux ans de déclarations approximatives », William Audureau, 27 janvier 2022, Le Monde.
A son entrée en fonction, l’administration de D. Trump avait par exemple réduit les financements de l’Agence de protection de l’environnement et nommé à sa tête un climato-sceptique notoire.
Ces sites sont consultables aux adresses adioscorona.org et ducotedelascience.org.
Collectif politique autonome basé à Genève qui propose un suivi hebdomadaire de la pandémie et de ses conséquences sociales et politiques : https://suivi.silure-ge.net/post_20220213
Collectif à l’origine d’une tribune en mars 2021 « Regagnons nos libertés par la stratégie Zéro Covid Solidaire! ». Pour accéder à l’ensemble des liens (site, réseaux sociaux) voir leur article « Covid 19 : faisons front pour construire l’autodéfense sanitaire et exiger des mesures solidaires », 14 février 2022, Paris-Luttes.info : https://paris-luttes.info/covid-19-faisons-front-pour-15723?lang=fr
Plus récemment le collectif Winslow Santé Publique s’est créé, militant pour une stratégie de diminution de la circulation virale : https://winslowsantepublique.wordpress.com/
Normand Baillargeon, Petit cours d’auto-défense intellectuelle, Lux, 2006.
On pense par exemple aux pratiques d’autodéfense sanitaire mises en place par les militants d’Act Up (« Coronavirus : La réduction des risques et la solidarité, c’est nous », Gwen Fauchois, 12 mars 2020 https://gwenfauchois.blogspot.com/2020/04/coronavirus-la-reduction-des-risques.html) ou par les zapatistes du Chiapas (« Communiqué de l’EZLN face à la menace du coronavirus » EZLN, 16 mars 2020, Dijoncter.info, https://dijoncter.info/communique-de-l-ezln-face-a-la-menace-du-coronavirus-1872 ).
Récemment c’est le Haut conseil de Santé publique qui s’est illustré en matière de déni scientifique en donnant un avis défavorable à l’élargissement du port du masque FFP2, en totale contradiction avec le consensus scientifique sur le sujet. Le collectif de chercheurs RoguesESR accuse le comité d’avoir ignoré la littérature scientifique primaire sur le sujet et de s’être seulement appuyé sur des sources secondaires, comme des documents de synthèse réalisés par un petit groupe de négateurs de la transmission aéroportée, occupant des positions stratégiques à l’Organisation Mondiale de la Santé. Voir : « FFP2 : reste-t-il quelqu’un dans l’appareil d’État capable de faire une bibliographie intègre ? », collectif RogueESR, 9 février 2022, https://rogueesr.fr/20220209/#FFP2 .
« Anti pass pas anti-vax », groupe Lamotte-Farinet de la Fédération Anarchiste 74, 18 octobre 2021, https://fa74.org/2021/10/18/anti-pass-pas-anti-vax/ .
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Depuis sa création en 1988 il a émis plusieurs rapports d’évaluation qui visent à établir une expertise collective scientifique sur le changement climatique.