Des milliers d’infirmières souffrent de COVID Long, et cela n’est toujours pas reconnu comme une maladie professionnelle | Nursing Up
Selon une étude réalisée au niveau européen, le nombre moyen de professionnels de santé souffrant aujourd'hui des séquelles de l'infection est d'environ un sixième du nombre total de personnes infectées. En Italie, le chiffre est d'au moins 20 000 infirmières. Il est clair que les infirmières dans cet état ne peuvent plus exercer leur profession de manière appropriée, et il est clair que tout cela a un impact sur la santé des patient·es et sur la charge de travail des soignant·es en général. Pourquoi ce syndrome n’est-il pas reconnu comme une maladie professionnelle ?
Nursing Up est un syndicat italien représentant les professionnel·les de santé, né en 1997 de l'association d'un groupe d'infirmières.
Le COVID Long est par définition une série de troubles qui apparaissent et persistent suite à une infection par le virus du COVID-19, des symptômes qui peuvent être assimilés à ceux d'un stress professionnel. Parmi ces sympômes, décrit l'ISS [Istituto Superiore di Sanità, principal organisme national de santé italien], on trouve notamment : asthénie importante et persistante, faiblesse musculaire, fièvre récurrente, douleurs diffuses, myalgies et arthralgies, et une dégradation générale de la qualité de vie.
Certains symptômes du COVID Long semblent similaires à ceux du Syndrome de Fatigue Chronique [EM/SFC], mais le COVID Long se manifeste par un spectre de symptômes plus large.
La question se pose donc : pourquoi l'INAIL [Institut national d'assurance contre les accidents du travail, organisme public italien] ne reconnaît-il pas ce syndrome comme une maladie professionnelle ?
Le président du syndicat infirmier Nursing Up, Antonio de Palma, a récemment commenté la situation : « On estime qu'au moins 20 000 infirmièr·es italien·nes souffriraient encore de symptômes graves et délétères du COVID Long.
Troubles du sommeil, sautes d'humeur constantes, anxiété : autant de symptômes qui pourraient facilement être confondus, par les médecins traitant·es comme par ces professionnel·les de santé elleux-mêmes, avec des réactions psychophysiques découlant de quarts de travail épuisants et d'une profession, comme nous le répétons depuis des années, profondément usante comme la nôtre, où, entre les longues heures de travail, les quarts de nuit et la désorganisation structurelle désormais chronique des hôpitaux, exacerbée par le manque de personnel, le mal-être des infirmièr·es italien·nes est à l'ordre du jour.
N'oublions pas les coups de poing et de pied infligés dans les services et les traumatismes résultant des violences subies par le personnel de santé. Les plus touchées sont les femmes, les infirmières. Combien d'entre elles ont pu être touchées par des agressions résultant en de véritables traumatismes dont il est difficile de sortir et qui se manifestent par de véritables pathologies tant psychologiques que physiques ?
Malgré cela, dans des milliers de cas, nous pourrions être en présence de séquelles d'infections au COVID-19, des réactions que notre organisme accumule comme de véritables pathologies et que les expert·es classent dans la catégorie des COVID Longs.
Nous l'avons dénoncé bruyamment récemment, nous avons fourni à la communauté des chiffres alarmants, à commencer par ceux des infirmièr·es infecté·es, à partir des sources de l'INAIL. Aucune catégorie de travailleur·euses en Italie n'a payé le prix psychologique et physique de la pandémie si cher que les infirmièr·es.
Selon les données officielles de l'INAIL, pas moins de 320 000 infirmièr·es ont été infecté·es par le virus du COVID-19 depuis le début de la pandémie jusqu'à aujourd'hui. Mais combien d'entre elleux, nous devons nous le demander, souffrent des effets du COVID Long ?
Selon une étude précise au niveau européen, réalisée en collaboration avec le Satse, le syndicat espagnol des infirmièr·es, le nombre moyen de ces professionnel·les dans les pays de l'UE souffrant aujourd'hui des séquelles de l'infection est d'environ un sixième du nombre total de personnes infectées. En Italie, le chiffre est d'au moins 20 000 travailleur·euses de santé, pour la plupart des infirmièr·es, qui pourraient être aux prises avec ce qui est en fait une véritable maladie mais qui, hélas, n'est pas considérée comme telle.
Nous faisons référence au fait que dans notre pays, comme en Espagne, les symptômes associés au COVID Long ne sont pas considérés comme une maladie professionnelle. Les absences directement liées à l'apparition d'un syndrome de COVID Long sont désormais assimilées, en Italie, à une maladie ordinaire, tant pour le traitement économique que réglementaire. Les certificats médicaux obligatoires, ainsi que les jours de carences et l’attention à notifier le plus rapidement possible l’employeur en cas d’absence sont donc entièrement à la charge des travailleur·euses concerné·es.
Dans un communiqué que nous avons publié au début de cette année, nous avons été les premier·es à signaler que, selon une étude de l'université de Zurich, un quart des patient·es ne sont pas complètement rétablis six mois après l'infection, et qu'environ 10 % d'entre elleux sont encore gravement handicapé·es dans leur vie quotidienne.
Il est clair que plus le nombre de personnes touchées est élevé, plus les effets sont évidents à tous les niveaux de la société : les personnes touchées sont absentes des familles, des associations et des lieux de travail.
Et qui, sinon les infirmièr·es, des personnes avant d’être des professionnel·les de santé, les plus exposé·es au risque, et d'ailleurs parmi les plus infecté·es, subissent encore aujourd'hui les conséquences du virus ?
Rien n’est fini. Cette situation et nos dénonciations paraîssent d’autant plus graves au regard du fonctionnement d’autres pays qui, loin d’être exemplaires, proposent au moins certaines politiques de santé plus prévoyantes que les nôtres, avec par exemple cette inittiative très récente aux Etats-Unis.
Aux États-Unis, un réseau de soutien a été créé : le Long Covid Doctors For Action (LCD4A), qui promeut une meilleure reconnaissance du COVID Long et de son impact sur la santé et la carrière des travailleur·euses de la santé.
Les membres de la LCD4A sont des professionnel·les de la santé ayant été licencié·es par leur employeur pour des raisons de handicap, ainsi que certain·es ayant demandé à prendre leur retraite pour des raisons de santé beaucoup plus tôt que prévu, et d'autres qui ont perdu leur place dans des programmes de formation.
Que font nos institutions politiques ? Comment le ministère de la santé se préoccupe-t-il d'enquêter et d'analyser le phénomène inquiétant des COVID Longs ? Lance-t-il des enquêtes approfondies auprès des infirmièr·es qui présentent les symptômes graves mentionnés ci-dessus et qui, incapables d'exercer leurs fonctions, manquent dans les équipes ?
Nous avons décidé de ne pas nous arrêter là, et nous avons pris contact avec les leaders de LCD4A pour voir s'il était possible en Italie de commencer à mettre en œuvre des programmes similaires, en initiant en fait une synergie entre nos professionnel·les de santé qui signalent ces symptômes alarmants et celleux qui, aux États-Unis, en souffrent déjà et ont créé ce groupe, où en fait des milliers de professionnel·les signalent que leur travail est compromis pour toujours.
L'objectif premier est donc de lancer, de notre côté, un rapport approfondi pour comprendre combien d'infirmièr·es italien·nes sont aujourd'hui sur le point de demander une retraite anticipée, combien ont démissionné ou envisagent de le faire, combien sont en congé maladie de longue durée, pesant par leur absence sur l'équilibre déjà précaire des salles d'urgence et des points névralgiques.
N'oublions pas que, dans les pires cas, les symptômes du COVID Long se traduisent par des risques de problèmes cardiaques, de migraines chroniques, de tremblements, mais aussi par ce que l'on appelle le "brouillard cognitif", qui entraîne des problèmes de mémoire d'une ampleur considérable.
Il est clair que les infirmièr·es dans cet état ne peuvent plus exercer leur profession de manière appropriée, et il est clair que tout cela a un impact sur la santé des patient·es et sur la charge de travail des soignant·es en général.
L'Italie a besoin d'infirmièr·es, nous ne cesserons jamais de le répéter : des infirmièr·es satisfait·es du point de vue de la valorisation économico-contractuelle dans leurs aspirations légitimes, des infirmièr·es en bonne santé, physique et psychique, non exposé·es au risque d'erreurs qui peuvent retomber sur les patient·es, en raison de l'anxiété, du stress, d'insomnies.
Le système sanitaire italien, déjà fébrile, ne peut se permettre de céder encore du terrain, et il est clair que notre ministère de la santé doit, en concertation avec l'Inail, évaluer la possibilité de classer les symptômes du COVID Long comme maladie professionnelle pour laquelle une indemnité devrait être prévue.
Sommes-nous, oui ou non, les professionnel·les qui, le plus souvent, au contact des malades, contractent l'infection sur leur lieu de travail ? Personne ne peut oser l’oublier. »
Publication originale (30/09/2023) :
Infermieri Italia