Le SARS-CoV-2 'endémique' et la mort de la santé publique | John Snow Project
Le niveau actuel de souffrance causé par le COVID-19 a été complètement normalisé alors qu'il aurait été impensable en 2019.
The John Snow Project est financé et géré par des bénévoles, dont beaucoup sont des travailleurs de la santé de première ligne qui ont soigné des patient·es tout au long de la pandémie. Sans ingérence politique ni conflit de financement, l'objectif de l'organisation est de fournir une analyse impartiale et experte des politiques de santé publique et de la science au sujet de la pandémie de SRAS-CoV-2. Voir la présentation des membres du groupe éditorial en suivant ce lien.
Le SARS-CoV-2 circule désormais de manière incontrôlée dans le monde entier. La seule limite importante à sa transmission est l'environnement immunitaire auquel le virus est confronté. La maladie qu'il provoque, le COVID-19, est désormais un risque auquel la plupart des gens sont exposés dans leur vie quotidienne.
Si certains sont meilleurs que d'autres, aucun gouvernement national ou régional ne prend d'initiatives sérieuses en matière de prévention et de contrôle des infections, et il semble probable que cette politique de laisser-faire se poursuivra dans les années à venir. Les forces sociales, politiques et économiques qui ont œuvré à la mise en place de cet environnement d'infection de masse peuvent se réjouir de leur succès.
Celleux qui ont fait des études en santé publique, en immunologie ou qui travaillent en première ligne dans le domaine de la santé savent que nous faisons face à un avenir incertain et que les implications des événements récents vont bien au-delà du SARS-CoV-2. Les changements intervenus dans les positons et les politiques de santé publique risquent de porter atteinte à un pilier essentiel qui constitue la base de la société civilisée moderne, bâtie au cours des deux derniers siècles : l'attente d'une trajectoire ascendante largement ininterrompue d'amélioration constante de la santé et de la qualité de vie, largement motivée par la réduction et l'élimination des maladies infectieuses qui ont tourmenté l'humanité pendant des milliers d'années. Au cours des trois dernières années, cette trajectoire s'est inversée.
L'amélioration de la santé publique au cours des deux derniers siècles
La lutte contre les maladies infectieuses a toujours été une priorité pour toutes les sociétés. La quarantaine est d'usage courant depuis l'âge du bronze au moins et constitue depuis lors la principale méthode de prévention de la propagation des maladies infectieuses. Le mot "quarantaine" lui-même dérive de la période d'isolement de 40 jours pour les navires et les équipages, mise en place en Europe à la fin du Moyen Âge pour empêcher l'introduction d'épidémies de peste bubonique dans les villes1.
La santé publique moderne trouve ses racines au milieu du 19e siècle grâce à des développements scientifiques convergents dans les sociétés en voie d'industrialisation :
La théorie des germes a été fermement établie au milieu du 19e siècle, en particulier après que Louis Pasteur a réfuté l'hypothèse de la génération spontanée. Si les maladies se propagent par des chaînes de transmission entre individus humains ou de l'environnement/animaux à l'homme, il s'ensuit que ces chaînes de transmission peuvent être interrompues et que la propagation peut être stoppée.
La science épidémiologique est apparue : sa naissance étant généralement associée à l'épidémie de choléra de Broad Street à Londres en 1854, au cours de laquelle le médecin britannique John Snow a identifié l'eau contaminée comme source du choléra, mettant en avant la nécessité d'améliorer l'assainissement pour mettre un terme aux épidémies de choléra.
La technologie de la vaccination a commencé à se développer, d'abord contre la variole, et les premières campagnes de vaccination obligatoire contre la variole ont débuté en Angleterre dans les années 1850.
Les premiers temps de l'ère industrielle ont engendré des conditions de travail et de vie épouvantables pour les classes ouvrières vivant dans les grandes villes industrielles, réduisant considérablement l'espérance et la qualité de vie (l'espérance de vie à la naissance dans les grandes villes industrielles au milieu du 19e siècle était souvent de l'ordre de 30 ans, voire moins2). Cela a conduit à la reconnaissance du fait que de tels facteurs environnementaux affectent la santé humaine et la durée de vie. La longue et âpre lutte pour les droits des travailleur·euses au cours des décennies suivantes a permis d'améliorer considérablement les conditions de travail, les règles de sécurité sur le lieu de travail et l'hygiène en général, et a entraîné une forte augmentation de l'espérance de vie et de la qualité de vie, ce qui a eu un impact positif sur la productivité et la richesse.
Florence Nightingale a de nouveau insisté sur le rôle de la ventilation dans la guérison et la prévention des maladies : "Le tout premier principe des soins infirmiers... : garder l'air qu'il respire aussi pur que l'air extérieur, sans le refroidir", une maxime qui a influencé la conception des bâtiments à l'époque.
Ces tendances se sont poursuivies au XXe siècle, grâce aux progrès technologiques et scientifiques. De nombreuses maladies (diphtérie, coqueluche, hépatite B, polio, rougeole, oreillons, rubéole, etc.) ont été reléguées au passé grâce à des vaccinations quasi universelles et très efficaces, tandis que d'autres, autrefois courantes, ne sont plus aussi préoccupantes pour les pays hautement développés à climat tempéré (paludisme, typhus, typhoïde, lèpre, choléra, tuberculose, et bien d'autres) principalement grâce à l'amélioration de l'hygiène et à la mise en œuvre de mesures non pharmaceutiques pour les endiguer.
Par ailleurs, l'idée que les maladies infectieuses ne doivent pas seulement être réduites, mais définitivement éliminées, a commencé à être mise en pratique dans la seconde moitié du 20e siècle345 au niveau mondial, et bien plus tôt à des niveaux locaux. Ces programmes sont fondés sur l'idée évidente que si un agent infectieux tend à disparaitre, les dommages considérables causés à la santé des populations et à l'économie en général en raison de la persistance indéfinie des conséquences de la maladie seront eux aussi éliminés.
Cette ambition d'élimination locale a éconduit à une éradication mondiale de la variole, qui a été éliminée avec succès de la population humaine dans les années 19706 (ce qui avait déjà été réalisé localement à la fin du 19e siècle par certains pays), après des efforts acharnés pour trouver et contenir les derniers foyers infectieux78. L'autre succès complet a été l'éradication de la peste bovine chez les bovins910 au début du 21e siècle.
Lorsque la pandémie de COVID-19 a commencé, les programmes mondiaux d'éradication étaient sur le point d'aboutir pour deux autres maladies : la poliomyélite1112 et la dracunculose13. L'éradication est également poursuivie au niveau mondial pour d'autres maladies, telles que le pian1415, et au niveau régional pour de nombreuses autres, comme la filariose lymphatique1617, l'onchocercose1819, la rougeole et la rubéole2021222324252627282930. Les maladies les plus problématiques sont celles qui ont un réservoir externe à la population humaine, surtout si elles sont transmises par des insectes, et en particulier par des moustiques. Le paludisme en est le principal exemple, mais malgré ces difficultés, son éradication est depuis longtemps un objectif mondial de santé publique313233 et l'élimination a été réalisée dans les régions tempérées du globe3435, même si elle a nécessité l'application généralisée de pesticides chimiques polluants3637, destructeurs sur le plan écologique, afin de réduire les populations de vecteurs. L'élimination est également un objectif public pour d'autres maladies transmises par les insectes, telles que la trypanosomiase3839.
Parallèlement à la recherche d'une réduction maximale et, à terme, d'une éradication des maladies infectieuses endémiques existantes, l'humanité a également dû lutter contre de nouvelles maladies infectieuses40, qui sont apparues à un rythme accéléré au cours des dernières décennies414243. La plupart de ces maladies sont d'origine zoonotique, et le rythme auquel elles passent de la faune à l'homme s'accélère, en raison de l'empiètement croissant sur la faune dû à l'expansion des populations humaines et des infrastructures physiques associées à l'activité humaine, de la destruction continue des écosystèmes sauvages qui oblige les animaux sauvages à se rapprocher de l'homme, de l'essor du commerce des espèces sauvages, et d'autres tendances similaires.
Étant donné qu'il est beaucoup plus facile d'arrêter une épidémie lorsqu'elle en est encore à ses premiers stades de propagation dans la population que d'éradiquer un agent pathogène endémique, le principe directeur a été qu'aucune maladie infectieuse émergente ne devrait être autorisée à devenir endémique. Cet objectif a été poursuivi avec un succès raisonnable et sans controverse pendant de nombreuses décennies.
Les nouveaux agents pathogènes émergents les plus célèbres sont les filovirus (Ebola444546, Marburg4748), les coronavirus du SRAS et du MERS, et les paramyxovirus comme le Nipah4950. Ces derniers se sont fait connaître en raison de leur forte létalité et de leur potentiel de propagation interhumaine, mais ils ne sont que les exemples les plus notables parmi beaucoup d'autres.
Ces épidémies ont presque toujours fait l'objet d'une intervention énergique. En général, il s'est agit de petites épidémies, et comme les virus hautement pathogènes tels qu'Ebola provoquent des maladies très graves chez pratiquement toutes les personnes infectées, trouver et isoler les individus contagieux est une tâche plus facile à envisager. La plus grande épidémie de ce type a été celle d'Ebola en Afrique de l'Ouest entre 2013 et 2016, lorsqu'un filovirus s'est répandu massivement dans les grands centres urbains pour la première fois. L'endiguement de l'épidémie a nécessité une mobilisation conséquente, mais a néanmoins été possible, même s'il y a eu près de 30 000 infections et plus de 11 000 décès51.
Le SRAS a également été contenu et éradiqué de la population humaine en 2003-2004, et il en a été de même chaque fois que le MERS est passé du chameau à l'homme, ainsi que lors des épidémies de Nipah en Asie.
Le VIH est le principal contre-exemple de l'implantation réussie d'un nouveau virus hautement pathogène dans la population humaine. Le VIH est un rétrovirus et, en tant que tel, il s'intègre dans le génome de l'hôte et est donc pratiquement impossible à éliminer du corps et à éradiquer de la population52 (à moins que toutes les personnes infectées ne soient identifiées et empêchées d'infecter d'autres personnes jusqu'à la fin de leur vie). Cependant, le VIH n'est pas un exemple d'abandon volontaire du principe d'endiguement, car le virus avait fait son saut zoonotique et s'était établi plusieurs décennies avant sa découverte53 et sa reconnaissance545556, et bien avant que n'existent les outils moléculaires qui auraient pu le détecter et potentiellement l'endiguer complètement.
Malgré tous ces succès en matière d'endiguement, l'émergence d'un nouvel agent pathogène à potentiel pandémique était une menace bien comprise et fréquemment débattue57585960, bien que les virus de la grippe plutôt que les coronavirus aient souvent été considérés comme les suspects les plus probables6162636465. L'apparition éventuelle du SARS-CoV-2 n'aurait donc pas dû être une énorme surprise et aurait dû donner lieu à une mobilisation totale des outils techniques et des principes fondamentaux de santé publique élaborés au cours des décennies précédentes.
Le contexte écologique
Une caractéristique frappante de nombreux agents pathogènes émergents est le nombre d'entre eux qui proviennent des chauves-souris. Bien que la question de savoir si les chauves-souris hébergent réellement plus de virus que les autres mammifères par rapport à la diversité de leurs propres espèces (qui est la deuxième plus grande parmi les mammifères après les rongeurs) ne soit pas encore totalement résolue66676869, de nombreux nouveaux virus proviennent effectivement des chauves-souris, et les caractéristiques écologiques et physiologiques des chauves-souris sont très intéressantes pour comprendre la situation dans laquelle se trouve actuellement l'Homo sapiens.
Une autre propriété étonnante des chauves-souris et de leurs virus est le fait que de nombreux virus de chauves-souris sont hautement pathogènes pour l'homme (et d'autres mammifères), alors que les chauves-souris elles-mêmes sont très peu affectées (seule la rage est connue pour causer de graves dommages aux chauves-souris68). La raison pour laquelle les chauves-souris semblent porter autant d'agents pathogènes et la manière dont elles se sont si bien adaptées pour coexister avec eux constitue une enigme depuis longtemps et, sans explication définitive, certaines tendances générales sont devenues évidentes.
Les chauves-souris sont les seuls mammifères véritablement volants, et ce depuis des millions d'années.
Le vol a entraîné un certain nombre d'adaptations spécifiques, l'une d'entre elles étant la tolérance à une température corporelle très élevée (souvent de l'ordre de 42-43ºC).
Les chauves-souris vivent souvent en colonies immenses, se touchant littéralement les unes les autres, et, là encore, elles ont vécu dans des conditions de très forte densité pendant des millions d'années. De telles densités sont rares chez les mammifères et ne correspondent pas aux conditions initiales des humains (la civilisation humaine et nos grandes villes denses sont un phénomène très récent sur l'échelle du temps de l'évolution).
Les chauves-souris ont également une durée de vie assez longue pour de si petits mammifères7071 - certaines chauves-souris frugivores peuvent vivre plus de 35 ans et même les petites espèces cavernicoles peuvent vivre une dizaine d'années.
Ce sont des caractéristiques qui ont pu, d'une part, faciliter l'évolution d'un ensemble considérable de virus associés aux populations de chauves-souris. Pour qu'un virus respiratoire non latent se maintienne, une taille de population minimale est nécessaire. Par exemple, on suppose que la rougeole nécessite une taille de population minimale de 250 à 300 000 individus72. Or, les chauves-souris existent depuis très longtemps dans un état de forte densité de population, ce qui pourrait expliquer la grande diversité des virus qu'elles portent. En outre, la longue durée de vie de nombreuses espèces de chauves-souris signifie que leurs virus peuvent avoir à développer des stratégies pour surmonter l'immunité adaptative et réinfecter fréquemment des individus précédemment infectés, contrairement à la situation des espèces à courte durée de vie dans lesquelles les populations se renouvellent rapidement (avec des individus immunologiquement naïfs remplaçant ceux qui meurent).
D'autre part, la pression sélective exercée par ces virus sur les chauves-souris peut avoir entraîné l'évolution de divers mécanismes de résistance et/ou de tolérance chez les chauves-souris elles-mêmes, qui ont à leur tour entraîné l'évolution de stratégies contraires chez leurs virus, ce qui les rend très virulents pour d'autres espèces. Les chauves-souris semblent en tout cas être physiologiquement plus tolérantes à l'égard de virus qui sont par ailleurs très virulents pour d'autres mammifères. Plusieurs explications de cette adaptation ont été proposées, notamment une immunité innée beaucoup plus puissante et une tolérance aux infections qui ne conduit pas au développement du type de réactions hyperinflammatoires observées chez les humains737475, la température corporelle élevée des chauves-souris en vol, et d'autres encore.
La force notable de l'immunité innée des chauves-souris est souvent expliquée par la réponse constitutivement active de l'interféron qui a été rapportée pour certaines espèces de chauves-souris767778. Il est possible qu'il ne s'agisse pas d'une caractéristique universelle de toutes les chauves-souris79 - seules quelques espèces ont été étudiées - mais elle constitue un mécanisme très intéressant pour expliquer à la fois comment les chauves-souris empêchent le développement d'infections virales systémiques graves dans leur corps et comment leurs virus auraient à leur tour développé des mécanismes puissants pour faire taire la réponse interféron, les rendant hautement pathogènes pour d'autres mammifères.
Cette tolérance aux infections pourrait être due à l'absence de certains éléments des cascades de signaux conduisant à des réactions hyperinflammatoires et à l'activité dinimuée d'autres éléments80.
Un parallèle écologique évident peut être établi entre les chauves-souris et les êtres humains : les chauves-souris vivent en colonies denses, tout comme les êtres humains modernes. Il se peut que nous soyons arrivé·es à un point critique de l'histoire de notre espèce, où notre empreinte écologique sans cesse croissante nous a mis en contact étroit avec les chauves-souris d'une manière qui était beaucoup plus rare dans le passé. Notre population est connectée d'une manière qui était inimaginable auparavant. Un nouveau virus peut faire le saut zoonotique quelque part en Asie du Sud-Est et un porteur de ce virus peut se retrouver à l'autre bout du monde à peine 24 heures plus tard, après avoir rencontré des milliers de personnes dans les aéroports et autres systèmes de transport de masse. Par conséquent, les agents pathogènes des chauves-souris sont maintenant transférés des populations de chauves-souris à la population humaine dans ce qui pourrait s'avérer être le deuxième événement zoonotique majeur après celui associé à la domestication du bétail et des animaux de compagnie il y a quelques milliers d'années.
Malheureusement pour nous, notre physiologie n'est pas adaptée pour tolérer ces nouveaux virus. Les chauves-souris se sont adaptées à ces virus pendant des millions d'années. Les humains n'ont pas subi le même type d'adaptation et ne peuvent pas le faire à une échelle de temps qui soit utile à celleux qui vivent aujourd'hui, ni à nos descendant·es immédiat·es.
En d'autres termes, les humains ne sont pas des chauves-souris, et l'existence continue et l'amélioration de ce que nous appelons aujourd'hui la "civilisation" dépendent de la même santé publique de base et du même contrôle des maladies infectieuses que ceux qui ont permis de plus que doubler l'espérance de vie dans les pays à revenu élevé pour qu'elle atteigne 85 ans. Il s'agit d'un défi qui ne fera que s'accroître dans les années à venir, car l'accélération du taux de transfert zoonotique des agents pathogènes va certainement persister.
Dans ce contexte, il est plus important que jamais de maintenir le principe de santé publique selon lequel aucun nouveau pathogène dangereux ne doit devenir endémique et que toutes les nouvelles épidémies de maladies infectieuses doivent être éliminées.
La mort de la santé publique et la fin de l'insouciance épidémiologique
C'est aussi dans ce contexte qu'apparaît la véritable gravité de ce qui s'est passé au cours des trois dernières années.
Après le VIH, le SARS-CoV-2 est désormais le deuxième agent infectieux le plus dangereux qui soit "endémique" pour la population humaine à l'échelle mondiale. Et pourtant, non seulement on l'a laissé devenir endémique, mais l'infection de masse a été ouvertement encouragée, y compris par les organismes officiels de santé publique de nombreux pays818283.
Les implications de ce phénomène n'ont pas été perçues par la plupart des gens, aussi faut-il les expliciter.
Il faut bien comprendre pourquoi l'endiguement du SARS-CoV-2 a été activement saboté et finalement abandonné. Cela n'a absolument rien à voir avec l'"impossibilité" d'y parvenir. En fait, le problème technique de l'endiguement d'un virus à propagation furtive tel que le SARS-CoV-2 est entièrement résolu, et cette solution a été appliquée avec succès en pratique pendant plusieurs années au cours de la pandémie.
La liste des pays qui ont complètement étouffé des poussées épidémiques, souvent à plusieurs reprises, inclut l'Australie, la Nouvelle-Zélande, Singapour, Taïwan, le Viêtnam, la Thaïlande, le Bhoutan, Cuba, la Chine et quelques autres, la Chine ayant réussi à contenir des centaines de foyers distincts, avant de finalement abandonner fin 2022.
L'algorithme d'endiguement est bien établi : interrompre passivement les chaînes de transmission par la mise en œuvre d'interventions non pharmaceutiques (INP) telles que la limitation des contacts humains, le port de masques respiratoires de haute qualité, la filtration et la ventilation de l'air intérieur et d'autres mesures, tout en recherchant agressivement les chaînes de transmission actives restantes par les méthodes traditionnelles de traçage et d'isolement des cas contacts, combinées aux tests de dépistage à l'échelle de la population, un nouvel outil puissant.
La compréhension de la transmission par voie aérienne et la mise en place de mesures d'atténuation, qui n'ont jusqu'à présent été utilisées dans aucun pays, faciliteront l'élimination, même avec les variants les plus récents et les plus transmissibles. Tout pays qui dispose des ressources nécessaires (ou qui les reçoit) peut parvenir à un endiguement total en l'espace de quelques mois. En fait, ce serait actuellement plus facile que jamais en raison de l'accumulation de multiples expositions récentes et généralisées au virus dans la population, qui réduit considérablement le nombre de reproduction effectif (Re). Depuis 18 mois environ, nous observons un plateau élevé et constant de cas avec des vagues ondulantes, mais pas les grandes explosions d'infections avec des Re atteignant 3-4 qui ont été associées à l'introduction initiale du virus en 2020 et à l'apparition des premièrs variants Omicron fin 2021.
Il serait beaucoup plus facile d'utiliser les interventions non-pharmaceutiques pour faire descendre le Re bien en dessous de 1 et de le maintenir à ce niveau jusqu'à l'élimination lorsque l'on part d'un Re autour de 1,2-1,3 que lorsqu'il est supérieur à 3, et il faut profiter de cette occasion avant qu'un autre sérotype radicalement nouveau n'apparaisse et ne nous ramène à des situations bien plus déplaisantes. Il ne s'agit pas d'un problème technique, mais d'un problème de volonté politique et sociale. Tant que les dirigeants ne comprendront pas ou feront semblant de ne pas comprendre le lien entre l'augmentation de la mortalité et de la morbidité, la baisse des performances économiques et la libre transmission du SARS-CoV-2, l'élan manquera pour prendre les mesures nécessaires afin d'endiguer ce virus destructeur.
La volonté politique fait défaut parce que de puissants intérêts économiques et commerciaux ont poussé les décideurs politiques à laisser le virus se propager de manière largement incontrôlée dans la population depuis le tout début de la pandémie. Les raisons en sont simples. Premièrement, les INP nuisent à l'activité économique générale, même si ce n'est qu'à court terme, ce qui se traduit par des déficits dans les bilans. Deuxièmement, les mesures d'endiguement à grande échelle, telles que celles que nous avons brièvement observées au cours des premiers mois de la pandémie, requièrent une aide gouvernementale substantielle pour toutes les personnes qui doivent interrompre leur activité économique pendant la durée de ces actions. Un tel effort nécessite également des investissements financiers à grande échelle, par exemple pour la recherche des contacts et les infrastructures de tests de masse, ainsi que pour la distribution de masques de haute qualité. À une époque dominée par le dogme du laissez-faire économique, ce niveau d'investissement et d'organisation de l'État aurait créé trop de précédents inacceptables, si bien que dans de nombreux pays, on s'y est farouchement opposé, quelles que soient les conséquences pour l'humanité et l'économie.
Aucun de ces problèmes sociaux et économiques n'a été résolu. L'alliance officieuse entre les grandes entreprises et les pathogènes dangereux qui a été forgée au début de l'année 2020 est sortie victorieuse et considérablement renforcée de sa bataille contre la santé publique, et elle est prête à écraser les maigres oppositions qui subsisteront jusqu'à la fin de cette pandémie et au cours des pandémies à venir.
Les principes établis de longue date qui guidaient nos réponses aux nouvelles maladies infectieuses ont maintenant complètement changé : ce précédent a établi que les pathogènes émergents dangereux ne seront plus contenus, mais qu'ils seront au contraire autorisés à se répandre à grande échelle. L'intention de "laisser circuler" à l'avenir est désormais ouvertement communiquée84. Ce changement de politique s'accompagne d'une incertitude quant à la létalité acceptable. Quelle devra être la gravité d'une maladie infectieuse pour convaincre un gouvernement de mobiliser une intervention significative en matière de santé publique à l'échelle mondiale ?
Ce qui s'est passé lors de l'apparition initiale du "variant" Omicron (qui était en fait un nouveau sérotype8586) du SARS-CoV-2 nous donne quelques indices à ce sujet. Bien que des experts avaient prévenu qu'une approche exclusivement vaccinale était vouée à l'échec, les gouvernements ont tout misé sur cette approche. Ils ont alors été confrontés au fait brut de l'évolution virale qui a détruit leur stratégie lorsqu'un nouveau sérotype est apparu contre lequel les vaccins existants n'avaient que peu d'effet pour limiter les transmissions. Leur réaction n'a pas été de rétablir les INP, mais de les abandonner, apparemment sans se soucier des conséquences.
Ces conséquences étaient inconnues lorsque la politique de non-intervention a été adoptée dans les jours qui ont suivi l'apparition d'Omicron. Tous les nouveaux variants antérieurs du SARS-CoV-2 avaient été plus mortels que la souche originelle de Wuhan, notamment le variant Delta alors dominant à l'échelle mondiale et probablement quatre fois plus mortel87. Omicron s'est avéré être l'exception, mais là encore, on ne le savait pas avec certitude lorsqu'on l'a laissé se répandre dans les populations. Que se serait-il passé s'il avait suivi la même évolution que Delta ?
Aux États-Unis, par exemple, la pire vague de COVID-19 a été celle de l'hiver 2020-21, au cours de laquelle au moins 3 500 personnes sont mortes chaque jour (le chiffre réel est certainement plus élevé en raison d'une sous-estimation due à l'absence de tests et à des déclarations incorrectes). La première vague d'Omicron BA.1 s'est classée au deuxième rang des vagues les plus meurtrières, avec au moins 2 800 décès par jour à son apogée. Si Omicron avait été aussi intrinsèquement mortelle que Delta, nous aurions pu facilement observer un pic 4 à 5 fois plus élevé qu'en janvier 2021, c'est-à-dire de 12 à 15 000 personnes mourant par jour. Étant donné que nous n'avons disposé de données réelles sur la létalité intrinsèque d'Omicron qu'après que la gigantesque vague d'infections se soit déchaînée sur la population, nous devons conclure que 12 à 15 000 morts par jour est désormais un seuil qui n'obligera pas à mettre en œuvre des INP conséquentes pour le prochain sérotype préoccupant de COVID-19.
Il s'ensuit logiquement que ce seuil n'entraînera pas non plus la mise en œuvre d'INP pour d'autres agents pathogènes émergents. Car pourquoi le SARS-CoV-2 ferait-il exception ?
Nous ne pouvons qu'espérer ne jamais voir le jour où une telle épidémie nous frappera, mais l'expérience indique qu'un tel optimisme est infondé. Le niveau actuel de souffrance causé par le COVID-19 a été complètement normalisé alors qu'il aurait été impensable en 2019. Les populations sont largement inconscientes des dommages à long terme que le virus cause aux personnes infectées, de la charge qu'il fait peser sur les services de santé, de l'augmentation des handicaps, de la mortalité et de la réduction de l'espérance de vie. Une fois que les gouvernements du monde entier auront ignoré quelques épidémies encore plus meurtrières, le seuil de ce qui est considéré comme "acceptable" augmentera progressivement et des pertes encore plus inimaginables finiront par entrer dans la catégorie "acceptable". Il ne fait aucun doute que, du point de vue de la santé publique, nous sommes en train de régresser.
Nous avons eu un deuxième exemple réel, encore plus inquiétant, de ce que l'avenir nous réserve avec la propagation mondiale du virus MPX (anciennement connu sous le nom de "monkeypox" et désormais appelé "Mpox") en 2022. Le MPX est un proche parent du virus VARV de la variole et est endémique en Afrique centrale et occidentale, où ses hôtes naturels sont principalement diverses espèces de rongeurs, mais il arrive qu'il infecte également l'homme, le taux de transfert zoonotique ayant augmenté au cours des dernières décennies88. Il se caractérise généralement par une mortalité assez élevée, avec un taux de létalité de 3,6 % pour la souche qui circule au Nigeria et de 10 % pour celle de la région du Congo, soit une mortalité bien plus élevée que celle du SARS-CoV-2. En 2022, une épidémie mondiale inattendue de MPX s'est développée, avec des dizaines de milliers de cas confirmés dans des dizaines de pays8990. Normalement, il aurait fallu s'alarmer, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, la MPX elle-même est une maladie très dangereuse. Deuxièmement, la vaccination universelle contre la variole a pris fin il y a plusieurs décennies avec le succès du programme d'éradication, laissant la population née après cette date complètement dépourvue de protection. Troisièmement, la létalité des orthopoxvirus est en fait très variable : le VARV lui-même présentait une souche de variole majeure, avec un taux de létalité de ∼30 %, et une souche de variole mineure moins mortelle, avec un taux de létalité de ∼1 %, et il y avait également des variations considérables au sein de la souche de variole majeure. Il apparaît également qu'une pathogénicité élevée évolue souvent à partir de souches moins pathogènes par évolution réductrice (perte de certains gènes), ce qui peut se produire assez facilement, s'est sans doute produit à plusieurs reprises dans le passé et pourrait se reproduire à l'avenir, un scénario qui fait l'objet de mises en garde répétées depuis des décennies9192. Pour ces raisons, il était inimaginable de faire fi d'une épidémie massive de MPX, la maladie est déjà suffisamment grave, mais en la laissant devenir endémique, elle peut un jour évoluer vers une maladie dont l'impact est fonctionnellement équivalent à celui de la variole.
Et pourtant, c'est exactement ce qui s'est passé en 2022 : pratiquement aucune mesure n'a été prise pour contenir l'épidémie, et les pays ont simplement reclassé la MPX hors de la catégorie des "maladies infectieuses à lourdes conséquences"93 afin de repousser le problème, loin des yeux et des esprits. Par chance, il s'est avéré que cette épidémie spécifique n'a pas déclenché de pandémie mondiale et qu'elle s'est également caractérisée, pour des raisons mal comprises, par un taux de létalité exceptionnellement bas, avec très peu de décès9495. Mais encore une fois, ces informations n'étaient pas disponibles au début de l'épidémie, et alors qu'à l'époque de la santé publique interventionniste, des ressources auraient été mobilisées pour l'éradiquer dès ses débuts, elles ne l'ont pas été à l'ère du laissez-faire. MPX circule désormais dans le monde entier et représente une menace à venir de transmission incontrôlée qui entrainerait une adaptation virale permettant une propagation interhumaine hautement efficace, associée à une gravité beaucoup plus grande de la maladie.
C'est ce futur auparavant inconcevable dans lequel nous vivons désormais en termes d'approche des maladies infectieuses.
Ce qui peut être contrôlé à la place, c'est l'information. Un autre enseignement de la pandémie est qu'en l'absence de tests et de rapports sur les cas et les décès, une grande quantité de souffrances humaines réelles peut être balayée avec succès sous le tapis. Au début de l'année 2020, de telles pratiques - déni flagrant de l'existence du virus dans certains territoires, falsification pure et simple des statistiques du COVID-19, voire recours aux INP par pur désespoir mais sous le faux prétexte que ce n'est pas à cause du COVID-19 - étaient l'apanage des États en déroute et des dictatures les moins développées96979899. Mais en 2023, la plupart des pays du monde ont adopté de telles pratiques - les tests sont limités, les rapports sont peu fréquents, voire complètement abandonnés - et il n'y a aucune raison de s'attendre à ce que cela change. Le contrôle de l'information a remplacé le contrôle de l'infection.
Dans quelque temps, il ne sera même plus possible d'évaluer l'impact de ce qui se passe en évaluant la surmortalité, qui est la seule véritable mesure qui ne soit pas sujette à diverses manipulations de données. Au fur et à mesure que nous nous éloignons des données de référence antérieures à la pandémie COVID-19 et que les premières années de la pandémie sont intégrées dans les données de référence pour le calcul de la surmortalité, cette dernière disparaîtra tout simplement par la magie des statistiques. Il est intéressant de noter que des pays comme le Royaume-Uni, qui a déjà intégré deux années de pandémie dans sa moyenne quinquennale, enregistrent toujours une surmortalité, ce qui indique que le virus est un problème persistant et croissant.
Il convient également de souligner que ce changement radical dans notre approche des maladies infectieuses émergentes n'est probablement que le début de l'anéantissement des conquêtes de santé publique obtenus de haute lutte au cours des 150 dernières années et plus. Cela devrait inquiéter sérieusement toutes les personnes et institutions concernées par les droits des travailleur·euses et des citoyen·nes.
Ce changement aura probablement un impact sur les politiques d'éradication et d'élimination existantes. Les derniers efforts seront-ils fournis pour mener à leur terme les diverses campagnes d'éradication mondiales énumérées ci-dessus ? Cela pourrait nécessiter des moyens importants impliquant des IPN et des mesures actives de santé publique, mais quel intérêt sera encore porté à ces gestes, après qu'ils aient été retirées de la boîte à outils contre le SARS-CoV-2 ?
Nous pouvons également nous attendre à ce que des maladies précédemment oubliées reviennent là où elles avaient été éradiquées avec succès au niveau local. Nous devons toujours garder à l'esprit que les maladies que nous contrôlons aujourd'hui grâce à la vaccination universelle des enfants n'ont pas été éradiquées au niveau mondial - elles ont disparu de nos vies parce que les taux de vaccination sont suffisamment élevés pour maintenir la société dans son ensemble au-dessus du seuil d'élimination des maladies, mais si les taux de vaccination diminuent, ces maladies, telle que la rougeole, reviendront en force.
Le mouvement anti-vaccin constituait déjà un problème sérieux avant le COVID-19, mais la stratégie malavisée contre le COVID-19, axée uniquement sur les vaccins, lui a donné un formidable tremplin. Les gouvernements et leurs conseillers experts respectifs ont surestimé l'efficacité imparfaite des vaccins COVID de première génération et ont simultanément minimisé les dommages du SARS-CoV-2, créant ainsi un clivage avec la réalité qui a permis à la rhétorique anti-vaccinale de prospérer. Il s'agit là d'un vaste sujet qui doit être approfondi séparément. On se contentera ici de dire que si les antivax étaient un mouvement marginal avant la pandémie, la "vaccination" en général représente aujourd'hui une idée dangereuse dans l'esprit d'une partie considérable de la population. Une conséquence logique de cette évolution est la diminution significative de la couverture vaccinale pour d'autres maladies comme pour le COVID-19.
Cette évolution est d'autant plus probable que les attitudes à l'égard des enfants ont changé. Le travail des enfants, la faible scolarisation et les familles nombreuses étaient caractéristiques des époques antérieures de mauvaise santé publique, marquées par des taux de natalité et de mortalité infantile élevés. Les attitudes ont radicalement changé au cours du 20e siècle et partout où la santé et la richesse ont progressé, la mortalité infantile a diminué et la transition s'est faite vers des familles de petite taille. La rareté a augmenté la valeur perçue et le bien-être des enfants est devenu une préoccupation centrale pour les parents et les soignant·es. L'arrivée du COVID-19 a changé la donne : certains gouvernements, conseillers, groupes de pression et parents ont insisté pour que les enfants soient exposés librement à un virus responsable de Syndromes Respiratoires Aigu Sévère afin d'"entraîner" leur système immunitaire.
L'infection, plutôt que la vaccination, a été la voie privilégiée par de nombreux acteur·ices de la santé publique en 2020, et l'est encore en 2023, malgré tout ce que l'on sait sur la propension de ce virus à endommager tous les organes internes, le système immunitaire et le cerveau, et les inconnues concernant les séquelles post-infectieuses. Ceci est particulièrement flagrant chez les nourrissons, dont le statut immunitaire naïf peut être l'une des raisons pour lesquelles ils ont un taux d'hospitalisation relativement élevé. Certains commentateur·ices tentent de justifier l'absence de protection des personnes âgées et vulnérables par une question de coût. Nous nous demandons comment justifier l'absence de protection des nouveau-nés et des nourrissons, en particulier dans le cadre des soins de santé, alors que l'expérience acquise avec d'autres virus montre que les enfants ont de meilleurs pronostics lorsqu'ils sont exposés tardivement aux maladies100. Si nous ne sommes pas prêt·es à protéger les enfants contre un virus SARS très virulent, pourquoi devrions-nous nous protéger contre d'autres virus ? Nous devons nous attendre à un changement d'attitude en matière de santé publique, car l'"endémicité" signifie qu'il n'y a aucune raison de considérer le SARS-CoV-2 comme quelque chose d'unique et d'exceptionnel.
Nous pouvons également nous attendre à une dégradation générale des protocoles et des normes de prévention sur les lieux de travail, ce qui revient à remettre en cause des décennies d'acquis obtenus de haute lutte. Au cours de la pandémie de COVID-19, à l'exception de quelques groupes privilégiés qui travaillent à domicile, les gens ont été ramenés sur leur lieu de travail sans mesures de préventions minimales, telles que la distribution de masques et l'amélioration de la ventilation et de la qualité de l'air à l'intérieur des bâtiments, alors qu'un dangereux agent pathogène aéroporté se propageait.
Peut-on réellement s'attendre à ce que les gestes et réglementations existantes en matière de prévention survivent une fois ce précédent créé ? Pouvons-nous nous attendre à ce que les organismes de santé publique et les agences de réglementation, dont le travail consiste à faire respecter ces normes, se battent pour la sécurité sur les lieux de travail, compte tenu de ce qu'ils ont fait pendant la pandémie ? On peut en douter. Après tout, ils ont obstinément refusé d'admettre que le SARS-CoV-2 est transmissible par l'air (aujourd’hui encore le fameux tweet de l'Organisation mondiale de la santé "FACT : #COVID19 is NOT airborne" du 28 mars 2020 est toujours affiché dans sa forme originale101), et il n'est pas difficile de comprendre pourquoi - la mise en œuvre de mesures de prévention de la transmission par l'air sur les lieux de travail, dans les écoles et dans d'autres espaces publics entraînerait un coût pour les employeurs et les gouvernements ; un coût qu'ils peuvent éviter s'ils nient tout simplement la nécessité de prendre de telles mesures de prévention. Mais la réflexion à court terme engendre des coûts à long terme pour ces mêmes organisations, en raison de la crise des effectifs et du tsunami de handicap qui ne cesse de s'amplifier. Le même principe s'applique à toutes les autres mesures de prévention existantes.
Pire, nous sommes maintenant entré·es dans la phase d'abandon des mesures de protection respiratoire, même dans les hôpitaux. La conséquence naturelle du fait que le personnel et les patient·es non masqué·es, même celleux dont on sait qu'iels sont positif·ves au SARS-CoV-2, se mélangent librement dans des hôpitaux surpeuplés est la propagation rampante d'infections nosocomiales, souvent parmi les groupes démographiques les plus vulnérables. On considérait il n'y a encore pas si longtemps que c'était une mauvaise chose. Qu'en sera-t-il à l'avenir ? Si personne ne prend de mesures pour enrayer cette infection nosocomiale très dangereuse, pourquoi se soucierait-on de toutes les autres, qui ne sont souvent pas plus faciles à prévenir ? Et si les normes de soins sont tombées si bas en ce qui concerne COVID-19, pourquoi se soucierait-on de fournir les meilleurs soins possibles pour d'autres affections ? Il s'agit d'une dégradation à sens unique du système de santé qui va en se poursuivant.
Enfin, les fondements intellectuels mêmes des avancées du dernier siècle et demi s'érodent. Le principal d'entre eux est la théorie des germes des maladies infectieuses, qui permet d'isoler et de briser les chaînes de transmission. La théorie alternative, celle de la génération spontanée des agents pathogènes, implique qu'il n'y a pas de chaînes à briser. Aujourd'hui, on nous dit qu'il est impossible de contenir le SARS-CoV-2 et que nous devons "vivre avec", comme si la théorie des germes n'était plus valable. L'argument selon lequel la propagation du SARS-CoV-2 à la faune sauvage102 rend l'endiguement impossible illustre encore ces contradictions : le SARS-CoV-2 provient de la faune sauvage, comme toutes les autres infections zoonotiques, alors en quoi le fait que le virus se répande dans la faune sauvage change-t-il quoi que ce soit en termes de protocole de santé publique ? Mais si l'on a décidé qu'à partir de maintenant, aucun effort ne sera fait pour briser les chaînes de transmission parce que c'est trop coûteux pour les quelques privilégiés de la société, alors on trouvera toujours des excuses pour justifier le laisser-faire.
Et cela n'augure rien de bon pour l'avenir à court et moyen terme de l'espèce humaine sur la planète Terre.
Publication originale (06/11/2023) :
The John Snow Project
Re/Lire
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