Ce n’est pas parce qu’on en a marre de se protéger qu’un virus cesse de se propager.
Minuit Décousu, le 23h-00h de création sonore/documentaire sur Radio Canut tous les mardis soirs et en rediff’ sur Cause Commune à Paris/IDF et Radio Kipik en Ariège. En podcast sur Arte Radio ou sur toutes les autres applications de podcast.
// Note de Cabrioles : Nous sommes très heureu·ses de clôturer Cabrioles avec cet article des camarades de Minuit Décousu qui ont réunit une partie des excellentes émissions qu’iels ont consacré ces derniers mois et années au Covid, à l’autodéfense sanitaire, et plus largement au validisme. L’article se compose d’une petite introduction composée par leur soin, d’une sélection d’émissions, et du texte de l’introduction à l’émission sur l’autodéfense sanitaire ‘Ton masque, camarade !’. Et alors que la loi sur l’euthanasie et le suicide assisté, dont nous avons parlé plusieurs fois, revient devant l’assemblée nationale ce lundi 12 mai nous vous invitons tout particulièrement à écouter l’interview d’Elisa Rojas (30 minutes) qu’iels ont réalisé dans l’émission ‘Plutôt mort·es que vivant·es ?’. Et pour la suite et le point final de ce carnet de recherche, on essaie de vous en dire plus rapidement. //
Depuis octobre 2019, Minuit Décousu tient l'antenne le 23h-00h du mardi sur Radio Canut, radio associative libertaire qui émet à Lyon et alentours. Une heure hebdomadaire pour découdre des sujets qui vont du politique au sensible, avec des bidouilles de sons, de textes et de voix et toujours la volonté de laisser une place centrale à la parole des luttes marginalisées. Minuit Décousu, c'est une émission de personnes valides et handi·es qui réalisent leur émission en faisant des petits bruits parasites avec leur masques qu'iels portent toujours en studio et qui encouragent l'accessibilité et l'autodéfense sanitaire à Radio Canut et lors d'autres événements organisés à Lyon et ailleurs.
Comme émission participant des luttes autonomes et émancipatrices, la question du Covid-19 et de l'autodéfense sanitaire a pris une place centrale dans les réflexions que souhaite porter ses animateurices dans l'objectif pratique de proposer des outils pour le champ des luttes. Dans cette perspective, un certain nombre d'émissions ont été réalisées que nous vous proposons de centraliser ici, Cabrioles ayant été une plateforme plus qu'essentielle et précieuse dans nos propres réflexions autour de l'autodéfense sanitaire et de l'antivalidisme depuis le début de la pandémie.
# Ton masque, camarade ! (octobre 2024)
Un panorama large et historique de la lutte pour l'autodéfense sanitaire où l'on peut notamment entendre une membre du collectif Winslow Santé Publique expliquer leur lutte pour réhabiliter la santé publique et désinvisibiliser la question du Covid, mais aussi Gwen Fauchois, ancienne d'ActUp Paris dans les années 90, qui éclaire la lutte contre le Covid à la lumière de l'histoire de la lutte contre le Sida. Une émission qui parle également des générations d'enfants à la santé sacrifiées, qui analyse la question de la vulnérabilité et qui donne la part belle à l'auto-organisation pour la santé.
# Et surtout, la santé ! (mai 2023)
Une émission où l'on a notamment tendu notre micro à Alex / Antipatriarcame, qui nous raconte comment ael a développé un Covid-long après une première contamination sur son lieu de travail en 2020, les conséquences de la maladie sur sa vie, son travail et ses loisirs. Le documentaire s'ensuit d'une traversée radiophonique sur la thématique de la santé, qui va de l'entraide concrète des maraudes aux brevets des vaccins en passant par le self-care et santé en prison.
# Vies handies (décembre 2024)
Un long entretien réalisé avec Zig Blanquer, militant handi autonomiste. Zig est notamment auteur du livre "Nos existences handies" et importateur du terme "validisme" en France au début des années 2000. L’occasion précieuse d’échanger sur les vies handicapées, leur définition plus ou moins large, leurs rythmes, le rapport particulier au monde médical et bien sûr l’exclusion des vies sociales et politiques qui s'est rejouée de manière plus acerbe depuis 2020.
# Plutôt mort·es que vivant·es ? (novembre 2024)
Un entretien avec Elisa Rojas, avocate et militante pour le droit des personnes handicapées (notamment cofondatrice du Collectif Luttes et handicaps pour l’égalité et l’émancipation, CHLEE), sur le projet de loi dit de la "fin de vie", visant à introduire dans le droit français le suicide assisté et l'euthanasie, la hiérarchie des vies sur laquelle il se fonde et la menace qu'il représente pour les personnes malades ou handicapées dans un contexte de pandémie continue.
# ESAT : Handicapé·es à exploiter (novembre 2023)
Un témoignage de l'intérieur sur le fonctionnement des ESAT (Établissement et service d’aide par le travail), leurs « usager·es » et le manque de droit généralisé dans ces structures. Eddie revient sur l’exploitation des handicapé·es comme personnel sous-payé mais aussi sur la situation hallucinante qui conduit l’ESAT dans lequel il travaille à lui interdire de venir avec son chien d’assistance, pourtant nécessaire à son autonomie.
# Désinstitutionnalisation, 20 ans après (février 2025)
À l’occasion des 20 ans de la loi dite d’ « inclusion du handicap » de 2005, une heure d’émission sur l’institutionnalisation et l’enfermement des personnes fols et handies. On y revient sur le rôle néfaste des associations gestionnaires des institutions. On écoute le récit de Violette, sur le validisme qu’elle a subie à la fois en famille (en particulier sa mise sous curatelle), en foyer, en CAT (Centre d'aide par le travail aujourd'hui ESAT). On expose comment l’école est une institution d’aiguillage et de pathologisation du handicap. On se demande ce que serait un syndicalisme antivalidiste. Et on entend le témoignage de Max, passé par une unité pour malades difficiles en psychiatrie.
Intro de l’émission Ton masque, camarade ! (octobre 2024) :
·· Ça ne se voit pas, ça s’entend à peine si on tend l’oreille, mais à Minuit Décousu, on se masque. Toutes les personnes présentes en direct durant notre émission dans le studio portent des FFP2. C’est aussi une pratique qu’on défend lors des réunions collectives de Radio Canut. Et quand on nous ne demande d’expliquer pourquoi, on parle d’autodéfense sanitaire.
L’expression “autodéfense sanitaire” a émergé dans les courants de gauche radicale dès le début de la pandémie de Covid-19 en 2020. Quatre ans plus tard, ses formes se sont diversifiées au point que l’exercice de la définition est un passage obligé pour bien comprendre de quoi il retourne. Premièrement, une position commune de l’autodéfense sanitaire consiste à reconnaître le caractère politique de la pandémie et les inégalités qu’elle fait apparaître : les personnes racisées, psychiatrisées, handicapées, détenues, marginalisées ont payé le plus lourd tribut à la pandémie. Deuxièmement, l’objectif de l’autodéfense sanitaire est d’adapter au Covid, une maladie qui se transmet par l’air partagé, les concepts de réduction des risques et de santé communautaire. Ce qui conduit à inventer des pratiques solidaires et pragmatiques adaptées au contexte social et aux connaissances scientifiques : porter des masques, ventiler et purifier l’air, privilégier l’extérieur quand c’est possible. Troisièmement, l’autodéfense sanitaire prend acte du fait que ce n’est pas parce qu’on en a marre de se protéger qu’un virus cesse de se propager.
C’est à partir de ces trois principes qu’on retrouve aujourd’hui l’autodéfense sanitaire au sein des luttes révolutionnaires comme de mouvements institutionnels en passant par les luttes transpédégouines et féministes, elle demeure fort rare, mal comprise et souvent mal acceptée.
Avec le déni pandémique qui s’est installé dans l’ensemble des pays européens et plus largement occidentaux, il est nécessaire de rappeler la raison du développement de l’autodéfense sanitaire. Contrairement aux discours véhiculés par le rouleau compresseur médiatique et gouvernemental depuis 2020, le Covid-19 est loin d’être une simple grippe. Ce n’est pas non plus une maladie pulmonaire, mais une maladie systémique qui peut toucher plusieurs organes vitaux et qui s’attaque notamment au système cardiovasculaire. Et elle peut induire des anomalies cérébrales et des troubles cognitifs persistants, même après une forme apparemment non grave de la maladie. La banalisation des discours sur le lavage de main et sur les gouttelettes contaminantes ont complètement rendue opaque la transmission de la maladie, qui se transmet par aérosols, c’est-à-dire lorsque l’on respire les particules virales en suspension dans l’air. Le virus remplit une pièce non aérée et s’y maintient en suspension plusieurs heures après le départ de la personne malade. Pour faire simple, l’aérosolisation fonctionne comme la fumée d’une clope : dehors elle s’évade vite mais dans une pièce close, au hasard un studio de radio, c’est l’enfer.
En France comme ailleurs, le discours du « vivre avec » le virus s’est largement imposé, plus grand monde ne cherche à combattre un virus dont on a tout fait pour minimiser les effets délétères. Pourtant, l’épidémie ne s’est jamais arrêtée en 4 ans et n’a toujours rien de saisonnier. Depuis 2022 on compte globalement une vague de covid tous les 3 mois en Europe de l’Ouest. Et si ça tousse un max autour de vous actuellement, c’est normal, le nombre de cas a explosé depuis la rentrée scolaire. Derrière le choix de la contamination massive depuis le « retour à la normale » de 2022, le Covid tue toujours de manière directe et indirecte, et invalide de nombreux autres corps sous des formes longues encore peu connues. Au total dans le monde, ce sont 15 millions de personnes dont les morts ont été attribuées au virus, sans compter les 10% de personnes invalidées à la suite d’une contamination (un chiffre probablement beaucoup plus élevé en raison du peu de cas documentés).
Ce soir dans Minuit Décousu, on va découdre ensemble cette question de l’autodéfense sanitaire, en revenant sur les moments pivots de ces quatre dernières années, en donnant la parole à des personnes en lutte sur la question, en cherchant dans l’histoire de la santé publique et de la lutte contre le sida des réponses à nos interrogations.
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