Préparez-vous pour la peste éternelle | Andrew Nikiforuk
Voici donc la réalité inconfortable dont les autorités ne veulent pas parler mais à laquelle chacun·e se doit de prêter attention. La pandémie n'est pas terminée, et elle ne le sera probablement pas avant des années. Elle se propage dans l'air par aérosols comme une fumée virale. La maladie n'est pas bénigne. Une seule infection peut déstabiliser votre système immunitaire et le faire vieillir de 10 ans. Le risque de contracter un Covid Long augmente à chaque infection. Les réinfections nuisent au système immunitaire et augmentent les hospitalisations et les décès, même chez les personnes vaccinées. Oui, les gens ont été abandonnés.
Andrew Nikiforuk est journaliste, spécialiste des épidémies ainsi que des questions économiques et environnementales. Il a notamment publié les livres The Fourth Horseman, Pandemonium et Saboteurs. En français il a publié chez Écosociété Les sables bitumineux : la honte du Canada en 2010 et L'énergie des esclaves : le pétrole et la nouvelle servitude en 2015.
"Si vous cherchez la vérité, vous trouverez peut-être le confort à la fin ; si vous cherchez le confort, vous n'obtiendrez ni confort ni vérité, seulement du savon doux et des vœux pieux pour commencer, et à la fin, le désespoir." - C.S. Lewis
Alors que les sous-variants d'Omicron trouvent de nouveaux moyens d'échapper aux vaccins et de déstabiliser les systèmes immunitaires, une autre pandémie a submergé les responsables censé·es être en charge de la santé publique.
Appelons cela un fléau d'incompétence volontaire ou une épidémie de stupidité épidémiologique. Ou peut-être que le roman de José Saramago a pris vie et a ciblé les fonctionnaires d’un fléau de cécité.
Quoi qu'il en soit, le COVID, un nouveau virus qui peut causer des ravages dans les organes vitaux du corps, continue d'évoluer à un rythme effréné.
Pour toute réponse, les responsables ont largement abandonné les réponses cohérentes, y compris le port du masque, les tests, le traçage et même la collecte de données de base.
Oui, les gens ont été abandonnés.
Ne vous attendez donc pas à un retour à la "normale" dans votre hôpital, votre aéroport, votre pays, votre communauté ou votre vie de sitôt.
Bien que de nombreu·ses responsables de la santé publique continuent de considérer les infections par le COVID comme inévitables et même bénéfiques, un nombre croissant de données scientifiques montre que ce dogme à la mode est dangereusement erroné, si ce n'est une forme pure et simple de malversation.
Les réinfections, et 2022 est sûrement l'année des réinfections, ne font qu'accroître les dommages causés par le COVID, qui peuvent être profonds : dérèglement immunitaire, caillots sanguins, mort des cellules nerveuses, inflammation, lésions pulmonaires, insuffisance rénale et lésions cérébrales.
De nouvelles données scientifiques montrent qu'Omicron et ses variants parviennent de mieux en mieux à échapper aux défenses immunitaires induites par les vaccins ou par une infection naturelle. BA5, par exemple, est plus transmissible que toutes les variants précédents.
Par conséquent, il est désormais possible d'être réinfecté par un des variants d'Omicron toutes les deux ou trois semaines.
Les données montrent également que chaque réinfection confère une immunité si faible - parce que le système immunitaire est incapable de s'en souvenir - que nous devons faire appel à toutes les autres protections disponibles. Une infection estivale, par exemple, ne vous protégera pas contre une infection automnale. Mais chaque infection endommage votre système immunitaire, quelle que soit la légèreté des symptômes.
Commençons par une étude surprenante du ministère américain des anciens combattants, portant sur cinq millions de personnes.
Elle a examiné les conséquences sur la santé après une première, une deuxième et une troisième infection chez des personnes vaccinées et non vaccinées. Une deuxième infection, par exemple, doublait le risque de décès, de caillots sanguins et de lésions pulmonaires. Elle multipliait également par trois le risque d'hospitalisation. Chaque infection par le COVID augmentait le risque de conséquences négatives de manière graduelle.
Les personnes non vaccinées s'en sortaient moins bien que les personnes vaccinées. "La réduction de la charge globale de décès et de maladie due au SARS-CoV-2 nécessitera des stratégies de prévention des réinfections", note l'étude.
Il y a d'autres mauvaises nouvelles. Une infection antérieure par des variants plus anciens atténue la protection immunitaire au lieu de la renforcer, même chez les personnes ayant reçu trois vaccins. "Le fait que les antécédents d'infection par le SARS-CoV-2 puissent avoir un impact négatif aussi profond sur l'immunité protectrice ultérieure est une conséquence inattendue du COVID-19", notent les chercheur·euse·s dans Science.
La forte prévalence mondiale des infections et des réinfections par le sous-variant Omicron " reflète probablement une altération considérable des capacités de reconnaissance immunitaire" au sein de la population, conclut l'étude.
Le Covid prépare le chemin à d’autres maladies
Le virus s'améliore donc pour déjouer les vaccins et échapper à l'immunité. Bien que la protection vaccinale contre les hospitalisations et les décès reste forte, elle est régulièrement érodée par les sous-variants d'Omicron. Parallèlement, la protection contre les formes graves de la maladie diminue à mesure que l'efficacité de nos vaccins s'amenuise.
L'immunologiste Anthony Leonardi, spécialiste des cellules T, qui jouent un rôle complexe dans la fonction immunitaire, avait prédit une telle évolution il y a près de deux ans. Il avait alors émis l'hypothèse que le COVID déstabilisait le système immunitaire en altérant la fonction des cellules T.
Et c'est exactement ce que de nombreu·ses chercheur·euses sont en train de découvrir.
Leonardi décrit sans détour l'état actuel des choses sur Twitter : "Il y a un dommage cumulatif dû aux réinfections du SARS-CoV-2, et les réinfections ne sont pas bénignes, le virus est intrinsèquement virulent. La mémoire immunitaire ne transforme pas un SARS en quelque chose comme une grippe. Il reste grave."
Donc, si chaque infection par le COVID épuise les cellules T et déstabilise la fonction immunitaire et que les dommages sont cumulatifs, alors les politiques qui permettent au virus de se déchaîner sur la population ne causeront pas seulement d'immenses souffrances mais éroderont la santé publique ainsi que la confiance dans le gouvernement. Le mot "diabolique" me vient à l'esprit. L'immunologiste britannique Danny Altmann compare la situation au fait d'être "piégé dans les montagnes russes d'un film d'horreur".
Les infections antérieures par le COVID jouent probablement aussi un rôle majeur dans les infections hépatiques mortelles pour des centaines d'enfants. Une étude chinoise a récemment exposé le mécanisme probable : " Comme les patient·es atteint·es par le VIH-1, les enfants précédemment infectés par le SARS-CoV-2 peuvent présenter une activation immunitaire chronique causée par l'existence relativement longue du SARS-CoV-2 dans le tractus gastro-intestinal... les enfants peuvent être sujets à des infections par d'autres virus, ce qui contribuerait au développement de l'hépatite aiguë."
Mais le COVID est devenu une force biologique si redoutable sur la planète qu'il affecte également l'écologie d'autres virus et d'autres espèces. On ne sait pas vraiment quel rôle jouent les infections immuno-déstabilisantes du COVID dans la progression rapide de la variole du singe ou dans l'épidémie mortelle de méningite en Floride.
Mais de nombreu·ses expert·es soupçonnent que les infections par le COVID, ainsi que le déclin de l'immunité face à la variole, jouent un rôle pervers. Les systèmes immunitaires mis à mal par le COVID ouvrent la porte à d'autres maladies infectieuses.
Chaque infection par le COVID laisse désormais un héritage non linéaire de conséquences imprévues sur la santé humaine. Une étude danoise, par exemple, a révélé que les personnes infectées par le COVID "présentaient un risque accru de maladie d'Alzheimer, de maladie de Parkinson et d'accident vasculaire cérébral ischémique". Le risque n'était pas négligeable : les personnes infectées avaient 3,5 fois plus de chances de se voir diagnostiquer la maladie d'Alzheimer et 2,5 fois plus de chances de se voir diagnostiquer la maladie de Parkinson.
“Un scénario cauchemardesque”
Laisser le virus se propager sans contrôle est donc une stratégie destinée à créer un tsunami de déficiences neurologiques et de maladies chroniques dans la population générale. C'est aussi une prescription nihiliste pour semer le chaos dans des sociétés occidentales qui dansent déjà le tango avec l'effondrement politique.
Laisser libre cours au virus favorise également un scénario cauchemardesque dans lequel les infections initiales désarment et sabotent les systèmes immunitaires, les rendant plus vulnérables aux infections futures et à de nouveaux agents pathogènes tels que la variole du singe.
Une pandémie qui affaiblit progressivement sa population hôte au fil des vagues successives est en définitive plus dangereuse qu'une pandémie qui élimine 10 % de la population puis disparaît.
Grâce aux mauvaises politiques publiques, la réalité effrayante d'une pandémie éternelle devient chaque jour plus probable.
Le Covid long, qui touche près de 300 000 Canadien·nes, s'accompagne d'une série de symptômes qui mettent la vie en danger et d'aucun traitement effectif. Ces symptômes peuvent inclure du brouillard mental, de la fatigue, des douleurs musculaires, une inflammation chronique, des caillots sanguins et une insuffisance rénale.
Les chercheur·euses soupçonnent maintenant que le virus peut persister pendant de longues périodes dans l'organisme (probablement dans l'intestin - des mois après l'infection, les personnes excrètent encore de l'ARN viral dans leurs selles). Cette persistance semble être en corrélation avec les pires symptômes du COVID long. Les chercheur·euses ne savent pas s'il s'agit d'un produit de l'activation immunitaire ou de la présence tenace d'un virus qui se réplique.
L'épidémiologiste britannique Deepti Gurdasani se demande depuis longtemps pourquoi tant de responsables de la santé publique se sont montré·es si indifférent·es à l'idée d'exposer des enfants à un nouveau virus pouvant entraîner des infections persistantes et des maladies chroniques. "Plus nous en apprenons sur le Covid Long, plus il semble que le SARS-CoV-2 ne soit pas seulement une infection aiguë, mais un virus persistant chez une proportion importante de personnes. Et il ne faut pas le prendre à la légère. Ce n'est pas la grippe".
Pendant ce temps, les variants continuent à avancer comme une vaste armée de fourmis amazoniennes déterminées à conquérir le monde. Leur succès actuel doit beaucoup au comportement des autorités de santé publique et des politicien·nes qui pensent que la société peut s'accommoder de chaînes d'approvisionnement perturbées, d'hôpitaux débordés, d'aéroports chaotiques et d'une main-d'œuvre au système immunitaire affaibli.
En abandonnant l'objectif crucial d'arrêter ou de réduire la transmission virale il y a environ un an, les autorités ont donné à l'évolution virale un avantage incroyable.
Plus le virus a d'occasions d'infecter des hôtes, plus il a d'occasions de muter et de produire des variants. Chaque individu infecté peut produire entre un milliard et 100 milliards de virions infectieux, ou particules virales, lors d'un pic d'infection.
Plus d'un milliard d'infections mondiales ont produit des trillions de virus au cours des deux dernières années sur une planète surpeuplée de huit milliards d'habitant·es. En l'absence de mesures de santé publique de bon sens, le COVID mène actuellement une orgie virale évolutive.
L'apparition rapide d'un plus grand nombre de variants dans des périodes de temps de plus en plus courtes entraîne des problèmes incalculables. De nombreu·ses chercheur·euses soupçonnent aujourd'hui que certains des variants sont apparus chez des patient·es immunodéprimés·e, sans véritables défenses, où les mutations peuvent évoluer à toute vitesse. "La possibilité que le SARS-CoV-2 développe une résistance aux thérapies existantes au cours de telles infections est réelle", avertit Ravindra Gupta, chercheur à Cambridge, dans une lettre publiée récemment dans le Lancet. "Par conséquent, la guérison des infections par le COVID-19 chez les personnes immunodéprimées est d'une importance cruciale car il est possible qu'un·e patient·e existant·e abrite le prochain variant, un nouveau variant hautement transmissible et préoccupant qui défie l'immunité et les propositions thérapeutiques existantes."
Face à une nouvelle et sombre réalité
Voici donc la réalité inconfortable dont les autorités ne veulent pas parler mais à laquelle chaque citoyen·ne se doit de prêter attention.
La pandémie n'est pas terminée, et elle ne le sera probablement pas avant des années. Elle se propage dans l'air par aérosols comme une fumée virale, à des distances supérieures à deux mètres. La maladie (une fièvre thrombotique) n'est pas bénigne. Une seule infection peut déstabiliser votre système immunitaire et le faire vieillir de 10 ans. Le risque de contracter un Covid Long augmente à chaque infection. Les réinfections nuisent au système immunitaire et augmentent les hospitalisations et les décès, même chez les personnes vaccinées. (Il suffit de regarder les données qui sortent actuellement en Angleterre et au Québec).
Pendant ce temps, le virus évolue maintenant à un rythme plus rapide que le développement de vaccins (trois vagues rien que cette année). Et l'efficacité des vaccins actuels est en train de diminuer. Mère Nature n'offre aucune garantie que le virus évoluera vers un état bénin ou endémique cette année ou la suivante. Entre-temps, les comportements humains ont aggravé le risque biologique au lieu de l'atténuer.
En réalité, "vivre avec le virus" signifie vivre avec une normalisation des décès, des réinfections, des Covid Longs, des perturbations et l'épuisement des personnels soignants. Les gens ne voteraient jamais en faveur d'une détérioration de la qualité de vie et des risques, mais c'est pourtant ce à quoi nous conduisent les politiques publiques.
Les vaccinations sont bien sûr essentielles, mais elles n'ont pas permis et ne permettront pas de mettre fin à la pandémie à elles seules. Le médecin australien David Berger conseille judicieusement aux citoyen·nes de les considérer comme "un siège éjectable". Il pourrait "empêcher la mort effective si l'avion est en feu et que l'aile est tombée, mais ce n'est pas une garantie, et cela peut toujours se terminer par une invalidité. Je ne décide pas de faire une manœuvre risquée parce que j'ai le siège éjectable".
Comme l'a récemment fait remarquer un critique sur Twitter, le monde s'est divisé en deux groupes de personnes : "1) Ceux qui réalisent déjà que le SARS-CoV-2 cause des dommages neurologiques, vasculaires et au système immunitaire... et que les dommages causés par les réinfections sont cumulatifs. 2) Ceux qui sont sur le point de le découvrir".
Ou comme José Saramago aurait pu le dire, "la seule chose plus terrifiante que la cécité est d'être le seul à pouvoir voir".
Pour éviter la perspective d'une accélération de la pandémie et du chaos qui en découle, il faut de la souplesse, une action collective constante et un leadership courageux. Et par là, je n'entends pas des mesures de confinement, mais des actions stratégiques visant à arrêter ou à réduire la transmission du virus. La réduction de la transmission est le seul moyen de ralentir l'évolution virale.
Il n'y a pas de mystère dans cette approche. Elle signifie des masques FFP2/N95 gratuits pour toute la population et des masques appropriés pour les enfants. Elle implique l'installation d'une ventilation et d'une filtration appropriées (filtres HEPA) dans les écoles et sur les lieux de travail, ainsi que des détecteurs de CO2. Cela signifie des congés maladie payés pour les personnes infectées. Cela implique une collecte de données et des rapports transparents afin que les gens puissent évaluer le risque en constante évolution dans les espaces publics. Enfin, il faut communiquer la vérité sur cette pandémie, qui est par définition une urgence nouvelle et en constante évolution qui requiert toute notre attention.
Nous aurions pu éviter cette détérioration de la situation, comme l'a conseillé The Tyee à plusieurs reprises, en éliminant le COVID de nos communautés depuis plus d'un an.
L'élimination reste la seule stratégie partant de la base [bottom-up] et à long terme qui ait un sens en termes de réduction des risques. Elle est également réalisable immédiatement grâce à des tests adéquats, au port du masque, à la traçabilité, à des congés maladie renforcés et à des objectifs ciblés de réduction de la transmission.
Mais nos responsables de santé publique ont joué avec l'avenir et ont choisi un monde fantasmatique à la place. Aujourd'hui, le COVID est devenu un train fou aux conséquences biologiques inconnues.
Si quelqu'un·e a besoin de se rappeler que des actions simples et directes peuvent contrecarrer une offensive virale, il suffit de jeter un coup d'œil aux actions du peuple japonais. Bien qu'ayant l'une des populations les plus âgées du monde, iels ont réussi avec aplomb à faire mieux que la plupart des pays occidentaux en termes de décès et d'invalidité.
Iels l'ont fait, non pas par des mesures de confinement, mais en adoptant un véritable message de santé publique basé sur trois principes. Éviter les espaces fermés et mal ventilés. Éviter les espaces surpeuplés. Éviter les lieux de contact étroit avec les gens.
Et porter le masque.
Et c'est ce que feront désormais les personnes qui se soucient de l'avenir de nos enfants, de nos personnels de santé, de nos immunodéprimé·es et de nos personnes âgées.
Publication originale (04/07/2022) :
The Tyee
// Note de Cabrioles : Paru le 4 juillet 2022 sur le journal canadien The Tyee cet article est rapidement devenu viral, sucitant des centaine de milliers de vue ainsi que de vifs débats et critiques. L’auteur, Andrew Nikiforuk, a apporté une réponse à celles-ci le 8 juillet. Notre traduction de sa réponse est disponible ici : “Peste éternelle” : Andrew Nikiforuk répond aux critiques. Nous avons également apporté les quelques corrections annoncées dans la réponse. //