Pourquoi vous devriez vous reposer - beaucoup - si vous avez le COVID | Jamie Ducharme
Le seul moyen garanti d'éviter le COVID Long est de ne pas être infecté par le SARS-CoV-2. Mais si quelqu'un·e tombe malade, le repos est incroyablement important. Une grande partie des patient·es atteint·es de COVID Long sont des femmes qui travaillent et ont des familles, et qui ont dû reprendre le cours normal de leur vie le plus rapidement possible. Mais le repos est un conseil qui a des implications socio-économiques et politiques majeures.
Jamie Ducharme est correspondante santé au TIME. Elle couvre la pandémie de COVID-19, le COVID Long, la santé mentale, le vapotage et bien d’autres sujets. Son travail pour TIME a remporté des prix du Deadline Club, du New York Press Club et du Newswomen's Club of New York. Elle est l'autrice de Big Vape: The Incendiary Rise of Juul.
Jusqu'à récemment, la course à pied occupait une place importante dans la vie d'Emma Zimmerman. Cette journaliste indépendante et étudiante diplômée de 26 ans était une coureuse de fond de haut niveau à l'université et, même après l'obtention de son diplôme, elle parcourait environ 80 km par semaine. Elle a donc essayé timidement de reprendre sa routine de course à pied environ une semaine après un cas probable de COVID-19 en mars, en faisant de son mieux pour surmonter le malaise qui a suivi ses premiers symptômes de type allergique. Mais à chaque fois, "je restais clouée au lit pendant des jours avec un niveau élevé de fatigue paralysante", explique Mme Zimmerman.
Des mois plus tard, Zimmerman souffre toujours de problèmes de santé, notamment d'épuisement, de migraines, de brouillard cérébral, de nausées, d'engourdissements et de sensibilité aux écrans : une constellation de symptômes qui a conduit les médecins à lui diagnostiquer un COVID Long. Bien qu'elle n'en soit pas certaine, elle craint que les séances d'entraînement au début de son processus de guérison n'aient aggravé son état.
"Je ne savais absolument pas que je devais essayer de me reposer autant que possible", dit-elle.
Les histoires comme celle de Zimmernan - maladie, amélioration, exercice physique, effondrement - sont courantes dans le monde du COVID Long. Elles mettent en lumière ce que de nombreux·ses chercheur·euses, patient·es et associations considèrent comme l'un des outils les plus puissants pour gérer, voire prévenir, le COVID Long : le repos.
Le seul moyen garanti d'éviter le COVID Long est de ne pas être infecté par le SARS-CoV-2. Mais si quelqu'un·e tombe malade, "le repos est incroyablement important pour donner à votre corps et à votre système immunitaire une chance de combattre l'infection aiguë", déclare le Dr Janna Friedly, spécialiste de la réadaptation post-COVID à l'université de Washington, qui s'est elle-même rétablie d’un COVID Long. "Les gens se battent en quelque sorte en pensant que cela va disparaître en quelques jours et qu'iels iront mieux, et cela ne fonctionne pas vraiment avec le COVID."
Les chercheur·euses en apprennent encore beaucoup sur le COVID Long, et il est donc impossible de dire avec certitude si le repos peut réellement prévenir son développement ou, à l'inverse, si une activité prématurée entraîne des complications. Mais d'un point de vue anecdotique, Friedly affirme qu’une grande partie des patient·es atteint·es de COVID Long qu'elle voit sont des femmes qui travaillent et ont des familles, et qui ont dû reprendre le cours normal de leur vie le plus rapidement possible. Il est difficile de donner des conseils universels sur le temps de repos nécessaire, mais Friedly recommande à toute personne se remettant d'un COVID-19 d'éviter les exercices de haute intensité pendant au moins quelques semaines et de ne pas forcer sur la fatigue.
Pour les personnes qui ont déjà développé un COVID Long, le repos peut également être utile pour gérer les symptômes, notamment la fatigue et le malaise post-effort (MPE), ou les effondrements consécutifs à un effort physique, mental ou émotionnel. Les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis recommandent le "pacing", une stratégie de gestion de l'activité qui consiste à rationner l'activité et à l'entrecouper de repos afin d'éviter le surmenage et l'aggravation des symptômes.
Dans une étude internationale publiée l'année dernière, des chercheur·euses ont interrogé plus de 3 700 patient·es COVID Longs sur leurs symptômes. Près de la moitié d'entre elleux ont déclaré qu'iels trouvaient le pacing au moins un peu utile pour la gestion des symptômes. En revanche, lorsque d'autres chercheur·euses ont interrogé quelque 500 patient·es COVID Longs dans le cadre d'une étude publiée en avril, la grande majorité d'entre elleux ont déclaré que l'activité physique aggravait leurs symptômes, n'avait pas d'effet ou donnait des résultats mitigés. Cela pourrait s'expliquer par le fait que les personnes atteintes de COVID Long présentent des déficiences au niveau des mitochondries, qui produisent l'énergie que les cellules peuvent utiliser, comme le montrent des recherches récentes.
Avant que le COVID Long n'existe, les chercheur·euses et les patient·es encourageaient le repos et le pacing dans la prise en charge de l'encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique (EM/SFC). Les symptômes caractéristiques de cette maladie comprennent le malaise post-effort (MPE) et une fatigue conséquente et durable : des critères diagnostiques auxquels répondent aujourd'hui de nombreuses personnes atteintes du COVID Long. Une étude portant sur plus de 200 personnes atteintes de COVID Long, publiée en janvier, montre que 71 % d'entre elles souffrent de fatigue chronique et que près de 60 % d'entre elles sont atteintes de MPE.
Pendant des années, les clinicien·nes ont essayé de traiter les patient·es atteint·es d'EM/SFC en augmentant progressivement leur niveau d'activité physique. Mais cette pratique s'est révélée non seulement inefficace, mais souvent nuisible, car les personnes atteintes d'EM/SFC "ont une réaction unique et [pathologique] au surmenage" en raison d'un dysfonctionnement cellulaire, explique Jaime Seltzer, directrice de la sensibilisation scientifique et médicale au sein du groupe de défense MEAction. La plupart des personnes atteintes d'EM/SFC préfèrent le pacing à la thérapie basée sur l'exercice, selon une étude réalisée en 2019.
Pour utiliser le pacing de manière efficace, les gens doivent apprendre à repérer les signes indiquant qu'iels en font trop et à désapprendre les idées ancrées sur la productivité, explique Seltzer. "Si vous faites la lessive, par exemple, rien ne dit que vous devez plier tous les vêtements en une seule fois", dit-elle. Le fractionnement des tâches peut sembler étrange, mais il peut s'avérer crucial pour préserver l'énergie.
Les personnes présentant de nouveaux symptômes du COVID Long devraient tenir un journal de leur alimentation, de leur activité, de leur sommeil et de leurs symptômes pendant quelques semaines afin de connaître leurs déclencheurs, dit Friedly. Pour celleux qui peuvent se le permettre, un bracelet d’activité ou un autre dispositif portable peut également être utile pour évaluer l'intensité de l'effort, dit Seltzer. Une fois qu'une personne a une idée des comportements qui améliorent ou aggravent les symptômes, elle peut utiliser ces informations pour planifier ses journées et diviser les activités en tranches gérables.
Cependant, pour de nombreuses personnes dont le test de dépistage du COVID-19 est positif, le simple fait de prendre quelques jours de congé pour s'isoler représente un défi financier et logistique. Beaucoup n'ont d'autre choix que de reprendre dès que possible un travail physiquement éprouvant ou des responsabilités telles que la garde d'enfants. "Le repos est un conseil qui a des implications socio-économiques et politiques importantes", explique Seltzer.
Les personnes atteintes de COVID Long ou d'EM/SFC devraient être en mesure d'obtenir des aménagements de leur lieu de travail, tels que le travail à domicile, l'attribution d'un poste qui peut être occupé en position assise plutôt qu'en position debout, ou la demande d'une invalidité si nécessaire. Seltzer suggère également de s'appuyer sur des ami·es ou des réseaux d'entraide pour obtenir de l'aide dans certaines tâches. Friedly recommande en outre de chercher des moyens créatifs de consommer moins d'énergie tout au long de la journée. Lorsqu'elle vivait avec les symptômes du COVID Long, elle achetait de nombreuses paires de chaussettes identiques afin de ne jamais perdre de temps et d'efforts à trouver une paire.
Ce genre de choses "peut sembler anodin", dit-elle, "mais si vous les additionnez tout au long de la journée, elles font une grande différence en termes de quantité d'énergie dépensée".
Publication originale (23/09/2022) :
TIME