Les infections au Covid-19 augmentent le risque de problèmes cérébraux à long terme
Les accidents vasculaires cérébraux, les crises d'épilepsie, les troubles de la mémoire et du mouvement font partie des problèmes qui apparaissent au cours de la première année suivant l'infection.
Kristina Sauerwein est autrice et ancienne journaliste pour le St. Louis Post-Dispatch et le Los Angeles Times. Elle travaille sur les questions de pédiatrie, de chirurgie, de l'enseignement médical et de la vie étudiante.
· Cet article fait partie de notre dossier Covid-19 du 12 octobre 2022 ·
Si vous avez eu le Covid-19 récemment, il se peut que votre cerveau soit encore affecté. Selon une nouvelle étude, les personnes qui ont été infectées par le virus courent un risque accru de développer une série de troubles neurologiques au cours de la première année suivant l’infection,. Ces complications inclues des accidents vasculaires cérébraux, des troubles cognitifs et de la mémoire, de la dépression, de l’anxiété et des migraines, selon une analyse complète des données sanitaires fédérales réalisée par des chercheur·euses de la faculté de médecine de l'université Washington à Saint-Louis et du système de santé des anciens combattants de Saint-Louis.
En outre, l'état du cerveau post-Covid est associé à des troubles du mouvement, qu'il s'agisse de tremblements, de contractions musculaires involontaires, de crises d'épilepsie, d'anomalies auditives et visuelles, de difficultés d'équilibre et de coordination ou d'autres symptômes similaires à ceux de la maladie de Parkinson.
Ces résultats ont été publiés le 22 septembre dans Nature Medicine.
"Notre étude fournit une évaluation complète des conséquences neurologiques à long terme du Covid-19", a déclaré l'auteur principal Ziyad Al-Aly, MD, épidémiologiste clinique à l'Université de Washington. "Les études antérieures ont examiné un ensemble plus restreint de conséquences neurologiques, principalement chez des patient·es hospitalisé·es. Nous avons évalué 44 troubles cérébraux et autres troubles neurologiques chez des patient·es non hospitalisé·es et hospitalisé·es, y compris cell·eux admis·es dans l'unité de soins intensifs. Les résultats montrent les effets dévastateurs à long terme du Covid-19. Ceux-ci font partie intégrante du Covid long. Le virus n'est pas toujours aussi bénin que certaines personnes le pensent".
Dans l'ensemble, le Covid-19 a contribué à plus de 40 millions de nouveaux cas de troubles neurologiques dans le monde, a déclaré Ziyad Al-Aly.
En dehors de l'infection par le Covid, les facteurs de risque spécifiques pour les problèmes neurologiques à long terme sont rares. "Nous constatons des problèmes cérébraux chez des individu·es auparavant en bonne santé et chez cell·eux qui ont eu des infections légères", a déclaré Al-Aly. " Peu importe votre âge, votre genre ou votre race. Peu importe que vous fumiez ou non, peu importe vos habitudes de vie ou votre état de santé antérieur."
Peu de personnes dans l'étude ont été vaccinées contre le Covid-19 parce que les vaccins n'étaient pas encore largement disponibles pendant la période de l'étude, de mars 2020 à début janvier 2021. Les données sont également antérieures à un certain nombre de variants dont delta et omicron.
Une étude précédente parue dans Nature Medicine et dirigée par Al-Aly avait montré que les vaccins réduisaient légèrement - d'environ 20 % - le risque de problèmes cérébraux à long terme. "Si il demeure très important de se faire vacciner, il est également important de comprendre que les vaccins n'offrent pas une protection complète contre ces troubles neurologiques à long terme", a déclaré Al-Aly.
Ces chercheur·euses ont analysé environ 14 millions de dossiers médicaux anonymisés dans une base de données gérée par le ministère américain des anciens combattants, le plus grand système de santé du pays. Les patient·es étaient de tous âges, races et sexes.
Iels ont créé une base de données contrôlée de 154 000 personnes qui avaient été testées positives au Covid-19 à un moment donné entre le 1er mars 2020 et le 15 janvier 2021, et qui avaient survécu aux 30 premiers jours après l'infection. Une modélisation statistique a été utilisée pour comparer les résultats neurologiques de la base de données Covid-19 avec deux autres groupes de personnes non infectées par le virus : un groupe contrôle de plus de 5,6 millions de patient·es qui n'ont pas été infecté·es par le Covid-19 au cours de la même période ; et un groupe de contrôle de plus de 5,8 millions de personnes de mars 2018 au 31 décembre 2019, bien avant que le virus n'infecte et ne tue des millions de personnes à travers le monde.
Les problèmes de mémoire - parfois désignés par les termes "brouillard cérébral" - sont l'un des symptômes les plus courants affectant le cerveau suite à une infection par le Covid-19. Par rapport aux personnes des groupes témoins, les personnes ayant contracté le virus avaient un risque accru de 77 % de développer des problèmes de mémoire. "Ces problèmes se résorbent chez certaines personnes mais persistent chez beaucoup d'autres", a précisé le Dr Al-Aly. "À ce stade, on ne connaît pas la proportion de personnes qui vont mieux par rapport à celles qui ont des problèmes durables".
Fait notable, les chercheur·euses ont noté un risque accru de maladie d'Alzheimer chez les personnes infectées par le virus. Il y avait deux cas d'Alzheimer de plus pour 1 000 personnes atteintes du Covid-19 par rapport aux groupes témoins. "Il est peu probable que quelqu'un·e qui a été infecté par le Covid-19 contracte la maladie d'Alzheimer de façon tout à fait inattendue", a déclaré M. Al-Aly. "La maladie d'Alzheimer met des années à se manifester. Mais ce que nous soupçonnons, c'est que les personnes chez qui il éxiste une prédisposition à la maladie d'Alzheimer le Covid peut agir comme un déclencheur, ce qui signifie qu'elles peuvent développer plus rapidement la maladie. C'est rare mais préoccupant".
En outre, par rapport aux groupes témoins, les personnes touchées par le virus étaient 50 % plus susceptibles de souffrir d'un accident vasculaire cérébral ischémique, qui survient lorsqu'un caillot de sang ou une autre obstruction bloque la capacité d'une artère à fournir du sang et de l'oxygène au cerveau. Les AVC ischémiques représentent la majorité des AVC et peuvent entraîner des difficultés d'élocution, une confusion cognitive, des problèmes de vision, la perte de la sensibilité d'un côté du corps, des lésions cérébrales permanentes, la paralysie et la mort.
"Plusieurs études menées par d'autres chercheur·euses ont montré, chez la souris et chez l'homme, que le SRAS-CoV-2 peut attaquer la paroi des vaisseaux sanguins et déclencher ensuite un accident vasculaire cérébral ou une crise d'épilepsie", a déclaré Al-Aly. "Cela permet d'expliquer comment une personne ne présentant aucun facteur de risque peut soudainement avoir un accident vasculaire cérébral".
Globalement, par rapport aux personnes non infectées, les personnes ayant eu le Covid-19 étaient 80% plus susceptibles de souffrir d'épilepsie ou de crises d'épilepsie, 43% plus susceptibles de développer des troubles mentaux tels que l'anxiété ou la dépression, 35% plus susceptibles de souffrir de maux de tête légers à sévères, et 42% plus susceptibles de rencontrer des troubles du mouvement. Ces derniers comprennent des contractions musculaires involontaires, des tremblements et d'autres symptômes semblables à ceux de la maladie de Parkinson.
Les personnes infectées par le Covid-19 étaient également 30 % plus susceptibles de souffrir de problèmes oculaires tels qu'une vision floue, une sécheresse ou une inflammation de la rétine ; et elles étaient 22 % plus susceptibles de développer des anomalies auditives telles que des acouphènes ou des bourdonnements dans les oreilles.
"Notre étude s'ajoute à cet ensemble croissant de preuves en fournissant un compte rendu complet des conséquences neurologiques du Covid-19 un an après l'infection", a déclaré Al-Aly.
Les effets du Covid sur le cerveau et d'autres organes soulignent la nécessité pour les gouvernements et les systèmes de santé d'élaborer des politiques et des stratégies de santé publique et de prévention pour gérer la pandémie en cours et concevoir des plans pour un monde post-Covid, a déclaré Al-Aly. "Compte tenu de l'ampleur colossale de la pandémie, relever ces défis nécessite des stratégies urgentes et coordonnées - mais, jusqu'à présent, absentes - aux niveaux mondial, national et régional", a-t-il ajouté.
Publication originale (22/09/2022) :
Washington University School of Medicine
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