Les enfants ne sont pas censés mourir | Sean Kennedy
Quand allons-nous arrêter de laisser tomber les enfants ? (Par laisser tomber, je veux dire mourir)
La deuxième raison pour laquelle l'excuse du faible taux de mortalité est nulle est que, médicalement parlant, les enfants ne sont pas censé·es mourir. Cela ne devrait pas nécessiter d'explication, mais faisons-le quand même. Fondamentalement, vous devez comparer les taux pour les enfants aux taux pour les enfants, et non aux taux pour les adultes. Pourquoi ? Toutes les maladies infantiles tuent de petites proportions d'enfants aux États-Unis. Pourtant, vous ne nous voyez pas abandonner les enfants et fermer les hôpitaux pour enfants simplement parce que la plupart des enfants n'en auront pas besoin.
Sean Kennedy a étudié les politiques de santé publique et a travaillé dans ce domaine au sein du gouvernement fédéral pendant six ans.
· Cet article fait partie de notre dossier Enfants du 21 novembre 2022 ·
La vaccination et d'autres interventions, comme l'amélioration de la ventilation et le port du masque, peuvent fonctionner ensemble pour prévenir presque tous les décès d'enfants dus au COVID-19. Nous avons des modèles pour atteindre cet objectif grâce aux mesures de santé publique qui ont permis de lutter contre les épidémies passées, comme la polio. Alors, pourquoi les responsables politiques des États et de l'État fédéral ne font-iels pas davantage pour empêcher les enfants de mourir d'une mort évitable ?
Certain·es politicien·nes et responsables politiques et universitaires utilisent les faibles taux de mortalité comme excuse. Le 5 août 2020, le président Donald Trump a déclaré à Fox and Friends : "Si vous regardez les enfants, les enfants sont presque, je dirais presque définitivement, mais presque immunisés contre cette maladie. Si peu. Difficile à croire. Je ne sais pas comment vous vous sentez à ce sujet, mais ils ont des systèmes immunitaires beaucoup plus forts que nous en quelque sorte pour cela. Ils n'ont pas de problème."[sic]
Neeraj Sood et Jay Bhattacharya semblent être d'accord, du moins en partie. Dans leur tribune du 20 juillet 2021, intitulée "Le port obligatoire de masques pour les enfants est une mauvaise idée", ces professeurs de l'USC et de Stanford ont écrit que "les bénéfices des masques dans la prévention de maladies graves ou de décès dus au COVID-19 chez les enfants sont infiniment faibles. En même temps, ils perturbent l'apprentissage et la communication dans les salles de classe. Ils peuvent être partiellement efficaces pour protéger les adultes du COVID, mais depuis quand est-il éthique d'accabler les enfants au profit des adultes ?"
Oui, le nombre de décès par rapport au nombre de cas représente une faible proportion. Mais il y a deux raisons pour lesquelles ce n'est pas pertinent. Premièrement, nous devrions tous ressentir une urgence morale à protéger tous·tes nos enfants. Iels sont parmi les plus vulnérables.
La deuxième raison pour laquelle l'excuse du faible taux de mortalité est nulle est que, médicalement parlant, les enfants ne sont pas censé·es mourir. Cela ne devrait pas nécessiter d'explication, mais faisons-le quand même. Fondamentalement, vous devez comparer les taux pour les enfants aux taux pour les enfants, et non aux taux pour les adultes. Pourquoi ? Toutes les maladies infantiles tuent de petites proportions d'enfants aux États-Unis. Pourtant, vous ne nous voyez pas abandonner les enfants et fermer les hôpitaux pour enfants simplement parce que la plupart des enfants n'en auront pas besoin.
La polio aux États-Unis, ou quand la mort des enfants était moins acceptable.
Dès qu'un vaccin contre la polio a été mis au point, les enfants ont fait la queue dans les écoles pour être vacciné·es en masse, et les réactions politiques telles que les fermetures et les quarantaines étaient monnaie courante dans le même temps. Cette réponse était parfaitement justifiée. Les épidémies régulières de polio ont été l'une des principales causes de mortalité infantile pendant une grande partie de la première moitié du XXe siècle, tuant environ 3 000 enfants en 1952.
Bien sûr, il existe des différences essentielles entre le poliovirus et le SRAS-CoV-2. Il s'agit de deux virus très différents qui se propagent de manière différente. De plus, l'élimination et l'éradication sont possibles pour la polio, mais pas pour le coronavirus.
Indépendamment de ces différences, il existe des similitudes importantes. 95 % des infections par la polio sont asymptomatiques, et moins de 1 à 2 % des cas entraînent une paralysie. Bien que ces statistiques soient moins élevées pour le COVID pédiatrique (proportions plus faibles d'infection asymptomatique et de maladie/incapacité/décès graves), ces différences restent difficiles à mettre en lien avec la différence de réaction du public face à ces deux maladies.
La réponse à la polio aux États-Unis a duré plusieurs décennies, avant et après l’arrivée des vaccins. Si le développement des vaccins a connu des hauts et des bas, ce qui est resté constant c'est l'action des dirigeant·es et des militant·es, et en particulier des militant·es noir·es des droits civiques. Iels ont contribué à façonner l'opinion publique pour soutenir les politiques de protection et la vaccination de masse. La création de la Marche des dix sous est peut-être l'exemple le plus connu de la lutte de la société civile et du gouvernement pour mettre fin à l'épidémie de polio.
En fin de compte, ce qui a largement motivé la demande de vaccin contre la polio, c'est l'horreur et la peur du public face aux blessures et à la mort des enfants. Si le souvenir du public des taux élevés de mortalité infantile a joué un rôle, il en est de même pour les dirigeant·es et les militant·es qui ont mené la riposte contre la maladie.
Comme dans le cas de la polio, nous savons comment protéger les enfants des conséquences les plus graves du COVID-19. Ce n'est pas un mystère médical : une vaccination massive et équitable accompagnée d'une meilleure ventilation (en particulier dans les écoles) et le port du masque comme moyen de transition jusqu'à ce que les deux premières mesures soient réalisées. (Les masques, bien sûr, doivent continuer à être portés dans les endroits où les personnes handicapées ou d'autres personnes plus vulnérables ont besoin d'une meilleure protection). Mais après seulement deux ans et demi de pandémie - malgré l'échec de l'amélioration de la ventilation dans la plupart des écoles et de l'administration de vaccins à la plupart des enfants - la plupart des politiques de protection des enfants ont disparu. Les politicien·nes et les responsables politiques ont déclaré au public que la mission était accomplie avant même de l'avoir menée à bien.
Le 18 septembre 2022, lorsque le président Joe Biden a déclaré que la pandémie était terminée, le sénateur Républicain John Cornyn s'en est réjoui, non pas parce que cela signifiait que les gens ne mouraient plus, mais parce que "si c'est terminé, alors je ne pense pas qu'ils aient besoin de plus d'argent." Le sénateur Richard Burr (Républicain) n'a pas laissé passer l'occasion ; il a profité de la déclaration de fin de partie de Biden pour remettre en question sur le champ toute demande de "financement d'urgence du Congrès, d'application des prescriptions en matière de vaccins et de maintien des déclarations d'urgence fédérales".
Suite aux paroles de Biden, à l'enthousiasme des Républicains à leur sujet, et à la levée des politiques de protection comme le port du masque, pourquoi les gens ne penseraient-ils pas que le COVID-19 ne représente plus une menace sérieuse ? Les dirigeant·es politiques façonnent l'opinion publique en disant au public quand les morts n'ont pas d'importance. Avec le COVID-19, au lieu de façonner l'opinion publique à propos des décès d'enfants d'une manière qui augmenterait le soutien à de meilleures politiques, nos dirigeant·es, en particulier au niveau fédéral, ont décidé de sauver de l'argent plutôt que des vies.
On peut miser sur la probabiblité que les futures vagues de COVID-19 entraîneront moins d’hospitalisation et tueront moins d'enfants. Cela est dû à la combinaison de la vaccination pour certain·es, ainsi qu'à un très couteux niveau d'immunité de la population conférée par l'infection. Mais même si ce bouclier immunitaire fonctionne et que les futurs variants présentaient un moindre échappement immunitaire, il y aura toujours des vulnérabilités. Les taux de vaccination sont tout simplement trop faibles, et toute autre politique de protection a, pour l'essentiel, disparu.
Près de 1 800 enfants sont mort·es jusqu'à présent dans cette pandémie, rien qu’aux Etats Unis. Nous avons besoin de faire émerger un nouveau sentiment public d'urgence morale par le biais d'une action collective. Parce qu'à l'heure actuelle, les pouvoirs en place laissent nos enfants mourir de morts évitables, et chaque mort d'enfant est une abomination morale.
Publication originale (24/10/2022) :
Peste Mag
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