L'entraide et ses ambivalences | Alexia Arani
Les personnes trans et queer de couleur malades et handicapées disposent d'un vaste savoir expérientiel sur les manières de prendre soin d'elles-mêmes et des autres - savoir qui est plus important que jamais face à la pandémie en cours - mais beaucoup d'entre elles continuent à manquer de grandes plateformes publiques et de réseaux de soutien social. Le confinement a forcé les personnes valides à faire l'expérience de formes banales de souffrance auxquelles de nombreux·ses personnes malades et handicapé·es sont confronté·es quotidiennement dans une société qui isole, empêche l'accès et définit la valeur sociale en fonction de la capacité d'une personne à travailler.
Alexia Arani prépare un doctorat en anthropologie avec une spécialisation en études critiques de genre à l'Université de Californie, San Diego. Sa recherche doctorale porte sur les pratiques quotidiennes de soins parmi les activistes queer, trans et féministes en Californie du Sud. Elle s'intéresse aux politiques affectives, à l'éthique et aux épistémologies queer et féministes.
Des projets et des pratiques d'entraide ont vu le jour à travers les États-Unis en réponse au COVID-191. Des personnes organisent des ateliers de couture de masques, des livraisons de produits alimentaires, des guides pour demander aux propriétaires une réduction de loyer, l'échange de produits d'hygiène et une aide financière pour les personnes et les communautés touchées. Des revendications auparavant jugées trop radicales ou irréalistes - telles que le gel des loyers, les couvertures santé universelles, le dé-financement de la police et la libération de toutes les personnes incarcérées - sont désormais reconnues non seulement comme possibles, mais aussi comme des mesures nécessaires pour assurer la protection de chacun·e. Au milieu des manifestations nationales de Black Lives Matter, le conseil municipal du Minnesota a voté le démantèlement de ses forces de police, et le Minnesota Freedom Fund a reçu plus de 30 millions de dollars de 900 000 donateurs en quelques semaines seulement. Si les mobilisations des projets d'entraide, des organisations à but non lucratif et des gouvernements locaux et étatiques indiquent une volonté de restructurer la société pour donner la priorité aux soins et à l'accessibilité collective, paradoxalement, ces formes très visibles de soins amplifient leur absence pour cell·eux qui subissaient de multiples formes de marginalisation avant même la pandémie actuelle, la crise économique et les protestations contre les violences policières.
En effet, la prise en charge collective du soin actuellement mise en œuvre par le biais de l'entraide, de revendications politiques radicales et d'actes de service quotidiens a été défendue et organisée par les personnes de couleur trans et queer (TQPoC : Trans and Queer People of Color) malades et handicapées depuis des décennies2. Les personnes trans et queer de couleur malades et handicapées disposent d'un vaste savoir expérientiel sur les manières de prendre soin d'elles-mêmes et des autres - savoir qui est plus important que jamais face à la pandémie en cours - mais beaucoup d'entre elles continuent à manquer de grandes plateformes publiques et de réseaux de soutien social. Alors que les initiatives d'entraide se généralisent - gagnant en reconnaissance et en ressources mais faisant également face à la menace inévitable de la récupération - les besoins, les expériences et l'expertise des TQPoC malades et handicapées risquent d'être invisibilisés3. Ces contradictions créent des expériences très ambivalentes pour de nombreuses TQPoC malades et handicapées et pour cell·eux d'entre nous qui étaient déjà impliqués dans des actions d'entraide avant que la solidarité ne devienne un hashtag à la mode.
L'entraide et ses ambivalences
L'entraide est "une forme de participation politique dans laquelle les gens prennent la responsabilité de s'occuper les un·es des autres et de changer les conditions politiques en construisant réellement de nouvelles relations sociales qui sont plus soutenables"4. Contrairement à la charité et aux services sociaux étatiques, qui imputent souvent les problèmes sociaux aux défaillances morales des individus, l'entraide reconnaît que les institutions capitalistes et suprématistes sont responsables de la pauvreté, des inégalités et de la violence. L'entraide vise à construire des alternatives durables aux systèmes de soins étatiques en organisant des réseaux de soutien populaires qui soient réciproques, transparents et orientés par les ressources, les compétences et les connaissances des participant·es. Les projets d'entraide des Black Panthers, des Young Lords et des Zapatistes ont montré que, par des gestes de soins collectifs et de soutien mutuel, nous pouvons construire les mondes que nous voulons habiter - où la nourriture, le logement, les soins de santé, l'éducation et le soutien émotionnel sont accessibles à tous·tes5.
Les TQPoC ont historiquement compté les un·es sur les autres pour la solidarité, les soins et les ressources. Pourtant, lorsqu'il s'agit de soins, nos communautés sont marquées par des tensions entre l'abondance et l'absence. Bien avant le COVID-19, de nombreuses TQPoC redistribuaient les richesses, partageaient les repas, proposaient des trajets et ouvraient leurs maisons, tout en luttant pour obtenir le soutien dont iels ont besoin face à la violence raciste et sexiste endémique et aux inégalités structurelles. Lors de mon travail ethnographique de terrain à San Diego en 2019, j'ai rencontré de nombreux exemples de ces failles au sein de mes communautés, qui n'ont fait que s'approfondir pendant la pandémie6. Par exemple, alors que les livraisons de produits alimentaires étaient organisées en masse dans les quartiers et les groupes communautaires, mon ami Chito, une personne trans et queer Latinx handicapée, a continué à avoir du mal à trouver des trajets pour se rendre à l'épicerie, à ses rendez-vous médicaux et à ses réunions de soutien, un problème auquel iel était confronté·e bien avant l'apparition du COVID-19. Récemment, les mesures de distanciation sociale ont encore restreint les réseaux de soins de Chito. Malgré l'apparition de nouveaux groupes d'entraide en ligne, Chito ne se sent pas toujours en sécurité lorsqu'iel accepte d'être conduit par des inconnu·es, en raison des multiples facteurs de précarité avec lesquels iel vit en tant que TQPoC handicapée.
Alors que les personnes blanches et de couleur non-noires se bousculent pour rejoindre les manifestations et s'informer sur le racisme anti-noir et la suprématie blanche, mon amie Vicky, une femme cisgenre queer noire, continue à s'organiser dans les communautés TQPoC comme elle le fait depuis des années. En même temps, elle doit faire face à une pathologie chronique qu'elle a développé, en partie, à cause du stress lié à une organisation sans soutien social adéquat. Bien que les actions en faveur de la justice raciale qui fleurissent dans la ville s'alignent sur celles que Vicky a organisées, elle se sent encore plus marginalisée par cet élan de solidarité envers les communautés noires, car peu de personnes l'ont contactée pour lui demander de collaborer ou offrir un appui à ses projets existants.
Lorsque les cours universitaires sont soudainement passés à l'apprentissage en ligne et que les départements ont redirigé les fonds provenant de conférences et d'événements annulés pour verser des allocations aux étudiant·es diplômé·es en difficulté, mon ami Krys Méndez, doctorant non binaire, queer et Latinx vivant avec une sclérose en plaques, se demandait encore s'il serait contraint d'abandonner son cursus en raison de la limite d'un an imposée par l'université pour les congés médicaux et du manque d'aménagements de poste appropriés pour les personnes atteintes de maladies chroniques7. En 2019, la santé de Krys s'est rapidement détériorée alors qu'il menait une bataille de neuf mois avec l'Université de Californie à San Diego pour obtenir des aménagements qui lui permettraient de travailler à distance8. L'aggravation de son état de santé et le manque d'opportunités économiques accessibles l'ont contraint à prendre un congé médical en 2020. Bien qu'il se remette d'une greffe de cellules souches, qu'il réapprenne à marcher et qu'il gère les complications de santé liées à une contamination par le COVID-19, son congé médical est sur le point d'expirer. La prolongation d'un semestre s'applique à toutes les échéances académiques, et les limites d'enseignement au début du COVID-19 n'ont eu aucun impact sur les aménagements de l'université pour le personnel et les étudiants malades et handicapés.
Ces exemples montrent que, bien que l'entraide soit imaginée comme une forme de soins plus autonome, plus digne et plus éthique que l'humanitarisme ou le développement, elle peut aussi être la proie de la même dynamique d'"exceptionnalisme". Les anthropologues de l'humanitaire soutiennent que les gens sont plus disposés à offrir de l'aide à la suite d'événements "exceptionnels" tels que les épidémies, les catastrophes "naturelles" et les guerres. Cette tendance à donner la priorité à des événements à court terme et ponctuels plutôt qu'à des formes plus "ordinaires" de souffrance ancrées dans la vie quotidienne - comme l'invalidité et la mort dues à la contamination de l'environnement, le manque de logement et l'insécurité alimentaire résultant de l'accaparement des ressources par les capitalistes, et la négligence ou la violence dans les prisons et les centres de détention par des officiers et des gardiens militarisés - est façonnée par la perception de ce qui constitue un sujet souffrant méritant9.
Comme beaucoup de mes interlocuteur·ices et ami·es TQPoC en ont fait l'expérience, les personnes pauvres, malades, handicapées, sans papiers et incarcérées sont souvent rendues responsables de leur propre souffrance. Par exemple, Chito doit constamment plaider pour obtenir des soins appropriés dans son centre de traitement de la douleur car les médecins doutent régulièrement de son handicap et minimisent la gravité de ses douleurs chroniques dans les dossiers médicaux et sur les formulaires d'allocations. Bien qu'iel soit en voie de rémission depuis plus de deux ans et qu'iel rencontre régulièrement saon parrain·e, saon conseiller·e en matière de drogues et d'alcool, saon thérapeute et des groupes de soutien à la rémission, iel est toujours traité·e comme un·e " drogué·e " qui s'est infligé ell·lui même des souffrances. Cette expérience n'est pas propre à Chito, elle est partagée par de nombreux·ses TQPoC, pauvres, malades et handicapé·es, et personnes en rétablissement qui sont obligé·es de naviguer dans des systèmes de soins bureaucratiques validistes et sanistes, classistes et cis-hétéropatriarcaux pour répondre à leurs besoins fondamentaux.
Alors que le COVID-19 a généralisé les situations dans lesquelles n'importe qui peut tomber malade, perdre son emploi ou avoir du mal à accéder à des ressources, sa propagation continue d'exposer certaines populations précaires à un risque accru de maladies, de handicaps et de décès évitables. Il était clair dès le départ que les personnes malades, immunodéprimées et âgées sont les plus exposées au risque d'hospitalisation ou de décès si elles contractent le virus. Dès avril 2020, des études ont commencé à confirmer que les communautés noires et latinx étaient touchées de manière disproportionnée par la pandémie, contractant le COVID-19 à des taux plus élevés que les Américain·nes blanc·hes10.
Bien qu'il n'existe pas encore de données exhaustives sur les taux de COVID-19 dans les communautés LGBTQ+ (ce qui est en soi une forme de marginalisation et d'effacement), de nombreuses personnes trans et queer ainsi que des expert·es en santé publique s'attendent à voir des disparités car les personnes LGBTQ+ sont plus susceptibles d'être sans domicile ou d'avoir un logement insalubre, d'être sans emploi ou sous-employées, de ne pas avoir d'assurance maladie ou de recevoir des soins de mauvaise qualité de la part des professionnel·les de santé11. Pour les TQPoC, ces facteurs d'exclusion sont considérablement aggravés et contribuent à des conséquences négatives sur la santé12. Malgré les tentatives déployées pour expliquer la distribution racialisée du COVID-19 par un racisme biologique et culturel, la vulnérabilité des communautés noires et brunes est bien plus probablement due à des déterminants sociaux, tels que le fait d'être contraint·e de travailler sans équipement de sécurité adéquat, l'absence de congés maladie payés, le fait de vivre et de se déplacer dans des espaces restreints et surpeuplés, le racisme environnemental et la discrimination au sein des systèmes de santé, qui se traduit par un accès réduit et des soins de faible qualité.
En bref, beaucoup de cell·eux qui ont le plus besoin de soins à la suite de l'épidémie de COVID-19 avaient également besoin de soins avant la pandémie. Les formes émergentes de soins qui sont adoptées par les projets d'entraide, les organisations à but non lucratif, les universités et les instances dirigeantes ont toujours été nécessaires, mais elles étaient considérées comme excessives, irréalistes ou ne valant pas la peine d'être investies. En d'autres termes, les formes "singulières" de souffrance devaient devenir "universelles" pour devenir dignes et mériter une réponse sociale collective. Pourtant, à mesure que ces idées sont intégrées au sens commun collectif, elles marginalisent simultanément de nombreuses personnes qui continuent de manquer d'un soutien cohérent et fiable. Les manifestations très visibles de solidarité, telles que les bannières Black Lives Matter accrochées dans les entreprises, les panneaux d'affichage remerciant les travailleur·euses essentiel·les pour leur service, ou les messages d'unité face au COVID-19, tombent à plat pour de nombreux·ses TQPoC malades et handicapé·es. En fait, ces messages peuvent avoir des effets négatifs : ils renforcent un sentiment d'aliénation vis-à-vis d'une société qui n'a pas pris la peine de ces problématiques jusqu'à ce moment contemporain, où la crise est devenue très visible.
Krys, l'étudiant TQPoC en doctorat, malade chronique et handicapé, qui a mené une campagne d'un an contre son licenciement injuste et la discrimination à l'emploi par l'Université de Californie, San Diego, alors que, dans le même temps, il a collecté par crowdfunding plus de 60 000 dollars pour payer une opération chirurgicale qui lui a sauvé la vie, décrit ce sentiment d'aliénation dans un courriel du 16 avril 202013 :
Je ne sais toujours pas quoi penser de la situation actuelle sur le campus, mais je pense que le fait que l'UCSD ait étendu l'enseignement en ligne à tout le monde prouve que l'administration peut fournir les aménagements nécessaires lorsque la volonté politique est suffisante. L'année dernière, je n'étais même pas un cas hypothétique : devant mes pairs, ma mobilité et mes symptômes neurologiques se sont aggravés de manière évidente alors que je plaidais pour des aménagements raisonnables semaine après semaine. Un an plus tard, je suis toujours en train de réapprendre comment marcher et me déplacer de manière autonome. (je souligne)
Si le développement de l'enseignement en ligne peut sembler être une victoire pour les étudiant·es malades et handicapé·es ainsi que pour les enseignant·es qui peuvent bénéficier de la flexibilité offerte par le travail à distance, les conditions de cette victoire font que nombre d'entre ell·eux se sentent à la fois reconnaissant·es et pleins de ressentiment, inclu·es et ignoré·es14.
De la même manière, mon amie Liz, une femme blanche cisgenre, queer, malade chronique et handicapée, a posté sur sa page Facebook le 20 avril 2020 :
C'est une période très éprouvante pour nous et pour de nombreux groupes minorisés. Nous sommes très reconnaissant·es que (certaines) personnes prennent la quarantaine au sérieux pour nous garder en vie. Et pourtant... Les gens ouvrent virtuellement des espaces comme les musées, les bals et les choses de la vie pour lesquelles on nous avait dit qu'il n'était pas possible de nous inclure. Tout à coup, des membres de la famille et des ami·es nous contactent, alors qu'iels ne nous répondaient pas par le passé. Des ressources sont redirigées maintenant que les corps valides des personnes qui peuvent bénéficier du capitalisme sont maintenant touchées. (je souligne)
Le message de Liz met en évidence l'ambivalence qu'elle ressent à l'égard des formes de soins, d'accès et d'inclusion qui n'étaient tout simplement pas des priorités jusqu'à ce que les personnes valides aient besoin de ces aménagements15. Alors que Liz note l'émergence soudaine de préoccupations parmi ses ami·es et les membres de sa famille qui "ne réagissaient pas par le passé", d'autres personnes malades et handicapées ont plutôt relevé le silence de la famille et des ami·es qui ne prennent pas de leurs nouvelles, mais réconfortent d'autres personnes valides qui luttent pour s'adapter au nouveau paysage social créé par le COVID-19.
Alors que les personnes valides se plaignent des réalités vécues de mise en quarantaine et de leurs expériences affectives de l'ennui, de l'isolement et de la fatigue, mon amie Lana, une femme trans et queer latinx souffrant de dépression et d'anxiété, passait régulièrement des semaines sans sortir de chez elle, bien avant que des ordonnances de confinement ne soient émises dans tout l'État. Elle est actuellement en quarantaine dans un foyer où se trouvent des travailleur·euses de santé essentiel·les, elle lutte pour avoir accès à une thérapie par le biais de services financés par l'État et elle n'a eu qu'un contact minimal avec ses ami·es par le biais des réseaux sociaux et d'autres moyens virtuels. L'isolement qu'elle vit n'est pas nouveau, mais il est amplifié par les mesures de distanciation sociale qui ont mis à rude épreuve les quelques relations intimes sur lesquelles elle compte pour maintenir un lien social et un soutien émotionnel.
Le confinement a forcé les personnes valides à faire l'expérience de formes banales de souffrance auxquelles de nombreux·ses personnes malades et handicapé·es sont confronté·es quotidiennement dans une société qui isole, empêche l'accès et définit la valeur sociale en fonction de la capacité d'une personne à travailler. Si le chagrin et le deuil sont des réponses légitimes à la perte des pratiques quotidiennes dont jouissaient de nombreuses personnes valides avant le confinement, cette expérience n'a pas été également transformatrice pour tout le monde. Il y a de nombreuses personnes pour qui l'immobilité et l'isolement faisaient partie de la vie quotidienne avant le COVID-19 et d'autres qui n'ont jamais eu le privilège d’un confinement en raison des exigences professionnelles et des responsabilités sociales liées à la race, à la classe sociale et au genre.
Conclusion
Bien que personne ne puisse deviner comment les choses vont évoluer dans les mois à venir ou quels impacts durables le COVID-19 pourrait avoir sur nos institutions et nos relations sociales, je me demande néanmoins : qui s'occupera encore de nous lorsque le confinement prendra fin, lorsque les traitements et les tests du COVID-19 seront largement disponibles, lorsque (certaines) personnes retourneront au travail et recevront leur salaire ? Qui se présentera pour les raccompagner, leur déposer des provisions, réaffecter des fonds, redistribuer la richesse et prendre des nouvelles des personnes de couleur malades, handicapées, trans et queer ? Quelles formes d'entraide seront maintenues lorsque le COVID-19 ne sera plus qu'un souvenir, que les manifestations se tairont et que d'autres injustices et abus domineront le cycle des actualités ?
L'entraide exige un soutien fiable, pérenne et à long terme. Il faut reconnaître que la crise dans les communautés handicapées, trans, queer et racisées est permanente. Quand j'ai demandé à Chito ce qu'iel voulait que les autres apprennent sur l'entraide, iel m'a répondu "la consistance". Lorsque Chito manque un rendez-vous médical parce qu'un·e membre de la communauté n'est pas venu lea chercher comme promis, iel doit payer à la clinique des frais de non-présentation qu'iel ne peut tout simplement pas se permettre avec son revenu mensuel de 449 $ provenant de son allocation handicap. En outre, iel peut être amené·e à retarder des procédures médicales essentielles qui réduisent considérablement ses douleurs chroniques, car les cliniques pour personnes à faibles revenus sont souvent surchargées et manquent de personnel. Chito, et de nombreux·ses autres TQPoC malades et handicapé·es, sont constamment laissé·es en plan par des systèmes étatiques négligents, des travailleur·euses sociales et des organisations à but non lucratif - l'entraide devrait combler ces brèches, et non les reproduire.
La consistance exige une connaissance intime de soi, une communication ouverte et honnête, et des discussions continues sur les capacités et les soins - des compétences que de nombreux TQPoC malades et handicapé·es ont apportées aux mouvements de justice sociale. La justice pour les personnes handicapées enseigne que la consistance n'est pas atteinte par le Sauveurisme, la conception coloniale et condescendante selon laquelle une seule personne ou un groupe de personnes peut soulager toutes les souffrances du monde en utilisant des connaissances et des ressources expertes. Au contraire, la consistance exige que nous connaissions nos limites, la manière dont nous avons besoin d'être nourri·es et les personnes à qui nous pouvons demander de l'aide. Ces réseaux de soins personnels et collectifs sont le coeur battant de l'entraide, ce qui différencie ce travail de l'humanitarisme et de la charité et ce qui assurera notre survie collective face aux menaces sans fin contre les vies et les moyens de subsistance des communautés malades et handicapées, trans, queer, racisées.
En terminant ce texte, je tiens à préciser que mon objectif n'est pas de blâmer les personnes qui viennent tout juste d'être appelées à l'action, d'apprendre l'entraide ou de réfléchir à la justice pour les personnes handicapées. J'espère que le moment actuel marque un éveil politique et un engagement à l'action directe parmi les personnes qui ont été largement absentes des soins communautaires jusqu'à présent. En même temps, j'espère que nous nous souviendrons que l'entraide n'est pas un phénomène nouveau, mais quelque chose sur lequel les TQPoC malades et handicapés se sont appuyés pour répondre à leurs besoins dans une société raciste, validiste, saniste et cis-hétéropatriarcale. Bien que les TQPoC malades et handicapé·es soient souvent les moins pris·es en charge par l'État, les institutions et nos communautés sociales au sens large, ce sont souvent ell·eux qui effectuent la majeure partie du travail de soins. Ce sont les besoins, les compétences et les connaissances des TQPoC malades et handicapé·es qui devraient être mis en avant maintenant, et toujours, même lorsque l’urgence s'estompe.
Publication originale (12/2020) :
Feminist Studies
// Note de Cabrioles : du fait de nos (très) faibles moyens nous n’avons pas encore eu le temps de traduire et traiter l’appareil de notes. Nous l’avons donc reproduit tel quel, en anglais, pour information. //
For a non-exhaustive list, see: “COVID-19 Mutual Aid,” It’s Going Down, https://itsgoingdown.org/c19-mutual-aid (accessed June 11, 2020).
Patty Berne, “Disability Justice — A Working Draft,” Sins Invalid, June 9, 2015, https://www.sinsinvalid.org/blog/disability-justice-a-working-draft-by-patty-berne; Leah Lakshmi Piepzna-Samarasinha, Care Work: Dreaming Disability Justice (Vancouver: Arsenal Pulp Press, 2018).
The Minnesota Freedom Fund, which raised more than $30 million in donations, has come under scrutiny for its predominantly white leadership. This pattern has been found across a range of NGOs and philanthropic organizations. See Jonah Engel Bromwich, “The Minnesota Freedom Fund Has $30Million and an Identity Crisis,” New York Times, June 16, 2020; and INCITE! Women of Color Against Violence, The Revolution Will Not Be Funded: Beyond the Non-Profit Industrial Complex (Durham, NC: Duke UniversityPress, 2017).
“What Is Mutual Aid?” Big Door Brigade, https://bigdoorbrigade.com/what-is-mutual-aid (accessed June 11, 2020).
Alondra Nelson, Body and Soul: The Black Panther Party and the Fight against Medical Discrimination (Minneapolis: University of Minnesota Press, 2011); Darrel Enck-Wanzer, ed., The Young Lords: A Reader (New York: New York University Press, 2010); Andrej Grubačić and Denis O’Hearn, Living at the Edges of Capitalism: Adventures in Exile and Mutual Aid (Oakland: University of California Press, 2016).
This research was funded by the Wenner-Gren Foundation’s Dissertation Fieldwork grant.
Krys requested that his real name be used to raise awareness about his experience with academic ableism at the University of California, San Diego.
Krys Méndez, “The University’s Inadequate System for Handling Disability Made Me Sicker,” The Triton, February 14, 2019, https://triton.news/2019/02/submission-universitys-inadequate-system-handling-disability-made-sicker-open-letter-vice-chancellor-pettit.
Didier Fassin and Richard Rechtman, The Empire of Trauma: An Inquiry into the Condition of Victimhood, trans. Rachel Gomme (Princeton, NJ: Princeton University Press, 2009); Erica Caple James, “The Political Economy of ‘Trauma’ in Haiti in the Democratic Era of Insecurity,” Culture, Medicineand Psychiatry 28 (2004): 127-49; Vinh-Kim Nguyen, The Republic of Therapy: Triage and Sovereignty in West Africa in the Time of AIDS (Durham, NC: Duke University Press, 2010); Miriam Ticktin, “Where Ethics and Politics Meet: The Violence of Humanitarianism in France,” American Ethnologist 33, no.1 (2006): 33-49.
“Health Equity Considerations and Racial and Ethnic Minority Groups,” Centers for Disease Control and Prevention, July 24, 2020, https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/need-extra-precautions/racial-ethnic-minorities.html.
Michelle Samuels, “A Snapshot of How COVID-19 Is Impacting the LGBTQ Community,” BU Today, June 12, 2020, http://www.bu.edu/articles/2020/how-covid-19-is-impacting-the-lgbtq-community.
“When Health Care Isn’t Caring: LGBT People of Color and People of Color Living with HIV,” Lambda Legal, 2010, https://www.lambdalegal.org/sites/default/files/publications/downloads/whcic-insert_lgbt-people-of-color.pdf.
“Help Krys Beat Multiple Sclerosis!” GoFundMe, May 18, 2018, https://www.gofundme.com/fkrys-beats-ms.
The situation may be different for sick and disabled students and faculty who are caregivers, lack safe housing, or have limited access to technology. Additionally, staff who cannot work remotely are facing cuts in pay, loss of benefits, and unemployment. Shortly after UC San Diego affirmed its “commitment to action on racial injustice and social inequality” via an email sent by the Division of Social Sciences, the university announced their decision to temporarily lay off workers in Housing, Dining, and Hospitality (HDH). While only 3 percent of UCSD’s students are Black and 22 percent are Latinx, much of the HDH staff is made up of Black and Latinx workers who are at increased risk of contracting COVID-19.
I follow Imani Barbarin and other disabled activists who use “abled” rather than “able-bodied” to describe not-yet disabled people. This terminology shifts the site of (dis)ability away from the body and toward the social environments that either enable or prevent ability and access. For more on the social model of disability, see Michael Oliver, Understanding Disability: From Theory to Practice (New York: St. Martin’s Press, 1996).