Le Covid affecte-t-il le système immunitaire et augmente-t-il le risque de contracter d'autres maladies infectieuses ? | Lara Herrero
Lara Herrero, Docteur en médecine et en philosophie, elle a une formation scientifique et médicale de chercheuse NHMRC et étudie la pathobiologie des virus émergents.
· Cet article fait partie de notre dossier Covid-19 du 12 octobre 2022 ·
Vous avez donc eu le Covid et vous êtes maintenant guéri·e. Vous n'avez pas de symptômes persistants et, heureusement, vous ne semblez pas avoir développé de Covid long.
Mais quel impact le Covid a-t-il eu sur votre système immunitaire global ?
Il est encore trop tôt pour le dire. Mais de plus en plus de preuves amènent les chercheur·euses à penser que votre système immunitaire aurait subi des altérations qui peuvent exposer à d'autres maladies infectieuses.
Voici ce que nous savons jusqu'à présent.
Une série d'infections virales
Au cours de l'hiver dernier, beaucoup d'entre nous ont eu ce qui semblait être une série continue de maladies virales. Il a put s'agir du Covid, de la grippe ou d'une infection par un virus respiratoire syncytial. Nous avons peut-être récupéré d'une infection pour en contracter une autre.
Nous avons également constaté la réapparition de maladies infectieuses dans le monde, comme la “variole du singe” ou la polio.
Ces phénomènes pourraient-ils être liés ? Le Covid affaiblit-il le système immunitaire d’une manière ou d’une autre, nous rendant plus vulnérables à d'autres maladies infectieuses ?
De nombreuses raisons peuvent expliquer l’apparition de maladies infectieuses dans de nouveaux endroits, après plusieurs décennies, ou dans de nouvelles populations. Nous ne pouvons donc pas conclure hâtivement que les infections par le Covid ont donné naissance à ces maladies et à d'autres infections virales.
Mais des preuves de l'impact négatif du Covid sur les systèmes immunitaire d’individu·es préalablement en bonne santé, plusieurs semaines après la disparition des symptômes, s’accumulent.
Que se passe-t-il lorsque l'on attrape un virus ?
Il y a trois issues possibles après une infection virale :
1) votre système immunitaire élimine l'infection et vous vous rétablissez (par exemple, avec le rhinovirus qui cause le rhume)
2) votre système immunitaire combat le virus pour le mettre en "latence" et vous vous rétablissez avec un virus dormant dans notre organisme (par exemple, le virus varicelle-zona, qui cause la varicelle).
3) votre système immunitaire se bat, et malgré tous les efforts, le virus reste "chronique", se répliquant à des niveaux très bas (cela peut se produire pour le virus de l'hépatite C).
Idéalement, nous souhaitons tous l'option 1, à savoir éliminer le virus. De fait, la plupart d'entre nous éliminent le SRAS-CoV-2, le virus qui cause le Covid. C'est un processus complexe qui fait appel à de nombreuses parties de notre système immunitaire.
Mais des données internationales tendent à montrer que les modifications de nos cellules immunitaires après une infection par le SRAS-CoV-2 pourraient avoir d'autres conséquences. Elles pourraient affecter notre capacité à combattre d'autres virus, ainsi que d'autres agents pathogènes, tels que des bactéries ou des champignons.
Que savons-nous ?
Une étude australienne a révélé que le SRAS-CoV-2 modifie l'équilibre des cellules immunitaires jusqu'à 24 semaines après la disparition de l'infection.
On a constaté des changements dans le nombre relatif et les types de cellules immunitaires entre les personnes qui s'étaient remises du Covid et les personnes en bonne santé qui n'avaient pas été infectées.
Il s'agissait notamment de modifications des cellules du système immunitaire inné (qui fournit une réponse immunitaire non spécifique) et du système immunitaire adaptatif (une réponse immunitaire spécifique, ciblant un élément étranger reconnu).
Une autre étude a porté spécifiquement sur les cellules dendritiques - les cellules immunitaires qui sont souvent considérées comme la "première ligne de défense" de l'organisme.
Les chercheur·euses ont constaté qu'il y avait moins de ces cellules en circulation après une infection et une rémission du Covid. Celles qui restaient étaient moins capables d'activer les globules blancs appelés lymphocytes T, une étape cruciale dans l'activation de l'immunité antivirale.
D'autres études ont révélé des effets différents sur les lymphocytes T et d'autres types de globules blancs appelés lymphocytes B (cellules impliquées dans la production d'anticorps).
Après une infection par le SRAS-CoV-2, une étude a mis en évidence que nombre de ces cellules avaient été activées et "épuisées". Cela suggère que les cellules sont dysfonctionnelles et qu'elles pourraient ne pas être en mesure de combattre adéquatement une infection ultérieure. En d'autres termes, l'activation soutenue de ces cellules immunitaires après une infection par le SRAS-CoV-2 pourrait avoir un impact sur d'autres maladies inflammatoires.
Une étude a révélé que les personnes qui s'étaient remises du Covid présentaient des changements dans différents types de cellules B. Ces changements comprenaient des modifications du métabolisme des cellules, ce qui pourrait avoir un impact sur le fonctionnement de ces cellules. Les cellules B étant essentielles à la production d'anticorps, nous ne sommes pas encore tout à fait sûr·es des implications que cela pourrait avoir.
Cela pourrait-il influencer la façon dont notre organisme produit des anticorps contre le SRAS-CoV-2 si nous le rencontrons à nouveau ? Ou cela pourrait-il avoir une incidence sur notre capacité à produire des anticorps contre des agents pathogènes de manière plus générale - contre d'autres virus, bactéries ou champignons ? L'étude ne dit rien.
Quel sera l'impact de ces changements ?
L'une des principales préoccupations est de savoir si ces changements peuvent avoir un impact sur la façon dont le système immunitaire réagit à d'autres infections, ou si ces changements peuvent aggraver ou provoquer d'autres maladies chroniques.
Il reste donc du travail à faire pour comprendre l'impact à long terme de l'infection par le SRAS-CoV-2 sur le système immunitaire d'une personne.
Par exemple, nous ne savons toujours pas combien de temps durent ces modifications du système immunitaire, ni si celui-ci se rétablit. Nous ne savons pas non plus si le SRAS-CoV-2 déclenche d'autres maladies chroniques, comme le syndrome de fatigue chronique (encéphalomyélite myalgique). Les recherches à ce sujet se poursuivent.
Ce que nous savons, c'est qu'avoir un système immunitaire fonctionnel et être vacciné·e (lorsqu'un vaccin a été mis au point) nous offrent de meilleures chances de combattre n’importe quelle infection.
Publication originale (18/09/2022) :
The Conversation
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