L'autoreproduction et la Commune de Oaxaca | Barucha Peller
La contradiction centrale de la Commune de Oaxaca était basée sur les questions sociales, politiques et stratégiques qui se posaient lorsque les hommes tentaient de maintenir la division genrée du travail et de forcer les femmes à retourner à la maison. Les barricades qui composaient le paysage urbain de la Commune de Oaxaca n'étaient pas seulement des lieux de défense physique contre les attaques militaires, elles abritaient également une myriade d'activités reproductives dans lesquelles le travail historiquement féminisé devenait la base de relations sociales transformées. Révolutionner la vie quotidienne en expropriant les espaces et les ressources de leurs formes marchandisées et privatisées était un principe central de la Commune de Oaxaca.
Barucha Peller est une écrivaine et photographe californienne qui a participé à des mouvements sociaux dans le monde entier et les a documentés pendant de nombreuses années. Avant de rejoindre la Commune de Oaxaca en 2006, elle a documenté la guerre israélo-libanaise. En tant qu'organisatrice de mouvements, elle a participé à Occupy Oakland, aux grèves des étudiant·es californien·nes et à Black Lives Matter.
· Cet article fait partie de notre dossier Communisme du soin du 21 mai 2023 ·
En 2006, un soulèvement populaire de masse a balayé l'État de Oaxaca, au sud du Mexique, galvanisant des centaines de milliers de participant·es dans toute la région et chassant le pouvoir de l'État de la capitale et de dizaines d'autres municipalités. Pendant près de six mois, il n'y a pas eu de police dans la ville de Oaxaca et, à un moment donné, le paysage urbain a été transformé par près de 3 000 barricades.
Après des années de régime répressif et autoritaire aux mains du Partido Revolucionario Institucional (PRI) et du gouverneur Ulises Ruiz, le soulèvement a été déclenché par l'expulsion violente d'un campement d'enseignant·es sur une place centrale au cours d'une grève annuelle du syndicat Section 22, le 14 juin. Des milliers d'habitant·es de Oaxaca sont descendu·es dans la rue pour reprendre la place à la police, et une insurrection spontanée s'est développée, au cours de laquelle les autorités de l'État ont été physiquement chassées et les places, les bâtiments gouvernementaux, les médias et les bus de la ville ont été pris d'assaut par les manifestant·es.
Le mouvement a formé un organe central d'organisation horizontal, l'Assemblée populaire du peuple de Oaxaca (APPO), qui a exigé l'éviction d'Ulises Ruiz. Pendant sept mois, l'un des États les plus pauvres du Mexique a tenté de réorganiser la société sans gouvernance étatique ni institutions sociales capitalistes. Lorsque les émissions des stations de radio occupées ont commencé à se terminer par le slogan "Emis depuis la Commune de Oaxaca", les comparaisons avec l'historique Commune de Paris ont été accueillies par cette réponse : "La Commune de Paris a duré 70 jours. Nous avons duré plus de 100 jours ! "
La Commune de Oaxaca a pris fin le 25 novembre 2006 après que le mouvement ait perdu la bataille des rues face à un siège violent et brutal de la police fédérale et des paramilitaires soutenus par le gouvernement. À la fin du soulèvement, des centaines de personnes ont été arrêtées et des dizaines ont disparu ou ont été assassinées.
La vie quotidienne sur les barricades
La formation de la Commune ne peut être séparée de l'organisation sociale de son activité quotidienne. La Commune de Oaxaca a été élaborée non pas à partir des moyens du soulèvement - les barricades, les occupations - mais à partir des relations sociales créées par l'organisation de la vie quotidienne pour reproduire ces moyens. Plutôt que d'être atomisée dans les foyers, la reproduction de la vie quotidienne a été réorganisée pour désavouer la logique capitaliste de la division sociale genrée du travail et pour laisser la place au ravitaillement, à l'appartenance et à la vie communals comme terrains de lutte.
Alors que l'APPO constituait une alternative formelle à la gouvernance de l'État en tant qu'organe politique, l'incroyable longévité du soulèvement de Oaxaca et la prise de contrôle de la capitale par le mouvement signifiaient que les questions de la vie quotidienne et de l'économie informelle devenaient des terrains de contestation essentiels et une activité de l'imagination politique à part entière. Pendant le soulèvement, le mouvement des femmes a soulevé directement certaines de ces questions et a également prouvé qu'une confrontation consciente avec la division sociale du travail est nécessaire pour construire une commune qui défie réellement le pouvoir de l'État par la démarchandisation des ressources communes et la déprivatisation du travail domestique et reproductif.
La contradiction centrale de la Commune de Oaxaca, comme nous le verrons, était donc basée sur les questions sociales, politiques et stratégiques qui se posaient lorsque les hommes tentaient de maintenir la division genrée du travail et de forcer les femmes à retourner à la maison.
Les barricades qui composaient le paysage urbain de la Commune de Oaxaca n'étaient pas seulement des lieux de défense physique contre les attaques militaires, elles abritaient également une myriade d'activités reproductives dans lesquelles le travail historiquement féminisé devenait la base de relations sociales transformées. Les barricades étaient des lieux où les habitant·es de Oaxaca dormaient, cuisinaient et partageaient la nourriture, avaient des relations sexuelles, échangeaient des nouvelles et se réunissaient à la fin de la journée. Les ressources telles que la nourriture, l'eau, l'essence et les fournitures médicales ont été réappropriées et redistribuées, et de la même manière, le travail reproductif a été extrait de la sphère spécialisée du foyer et est devenu le moyen le plus important de réimaginer une vie sociale et des liens collectifs.
Plutôt que de rentrer chez elleux le soir et d'allumer la télévision, les habitant·es de Oaxaca retournaient aux barricades et écoutaient ensemble les transmissions des stations de radio occupées avant de se coucher sur des lits de fortune faits de carton et de couvertures. À toute heure de la journée, le café sortait des maisons ou des entreprises et était préparé sur les feux des barricades avant d'être distribué. Des messages romantiques et des appels étaient envoyés entre les participant·es des différentes barricades par l'intermédiaire de la radio occupée.
Les événements quotidiens aux barricades, de la distribution de nourriture avec un camion Doritos réapproprié après son immobilisation sur l'autoroute à l'organisation d'ateliers éducatifs, ont recréé une infrastructure communautaire qui est habituellement naturalisée sous la forme du travail des femmes à la maison et dans les quartiers. Les gens appartenaient à la Commune simplement parce qu'iels prenaient part à cette reproduction de la vie quotidienne - en cuisinant sur les barricades, en transportant du café des maisons ou des entreprises jusqu'aux barricades, en transportant des nouvelles entre les barricades, en fabriquant des molotovs sur les barricades, en empilant des pierres ou simplement en partageant des histoires.
Le maintien des barricades par le maintien de la vie quotidienne sur les barricades a permis de déterrer le "foyer" et le travail que les femmes y effectuent en tant qu’espace enfoui de travail isolé et non reconnu, pour reformuler ces activités en tant que relations publiques et collectives de lutte. L'organisation sociale du travail reproductif sur les barricades a commencé à éroder la division capitaliste genrée du travail, où le travail reproductif crée de la valeur ou de la force de travail en vue de l'extraction capitaliste. La collectivisation et la généralisation des activités de reproduction ont permis au mouvement de devenir de plus en plus "auto-reproduit" et, en tant que tel, de plus en plus menaçant pour l'ordre social.
L'autoreproduction, ou la capacité du mouvement à se reproduire directement au jour le jour sans la médiation de la division genrée du travail, ou de la force de travail invisibilisée de femmes accomplissant toutes les tâches nécessaires au maintien de la vie pour que le mouvement puisse perdurer, a permis au soulèvement de Oaxaca de se reproduire en tant que Commune. L'autoreproduction a forgé une subjectivité collective à partir des barricades en tant qu'expérience partagée de la vie quotidienne.
Lorsque les gens ont commencé à s'identifier en tant que barricadistas, puis par barricades spécifiques ("Je suis de la Barricada de Cinco Changos", ou "Je suis de la Barricada de Sonora"), il y a eu un changement clair dans l'identification subjective, loin des rôles assignés par le travail salarié ("Je suis médecin" ou "Je suis étudiant") ou d'autres subjectivités organisées par le capitalisme. Ainsi, la Commune a forgé des sujets qui s'identifiaient non pas par la marchandisation de leur travail, mais par la collectivisation des relations quotidiennes et des moyens d'autoreproduction sur les barricades.
Étant donné que que la Commune naît nécessairement de l'autoreproduction, il n'est pas étonnant qu’il soit courant de trouver principalement des femmes sur les barricades, ou que de nombreuses barricades soient composées uniquement de femmes. Les femmes ont découvert que le terrain de la lutte se trouvait précisément dans les relations informelles nécessaires à la cohésion des communautés. Les barricades tendaient également à protéger les principaux champs de bataille où la Commune se forgeait, dans les quartiers et les occupations des médias.
Au fil des mois du soulèvement et de l'augmentation du nombre d'assassinats et de disparitions, les femmes ont participé à la protection des barricades par le biais de patrouilles nocturnes et de défenses contre las caravanas de la muerte, les camionnettes des paramilitaires qui tiraient fréquemment sur les barricades. Les femmes ont commencé à assumer des activités politiques révolutionnaires historiquement définies comme masculines.
L'occupation de la télévision par les femmes
Le point d'orgue de la Commune de Oaxaca, et ce qui a été compris comme l'émergence d'un mouvement de femmes, a été l'audacieuse prise de contrôle de la chaîne de télévision et de radio publique, Canal Nueve, par des milliers de femmes le 1er août 2006. En colère contre les médias qui diffusaient des mensonges sur le mouvement, une marche exclusivement féminine appelée cazerola (casseroles et poêles) a convergé vers les portes de la station et a exigé 15 minutes de temps d'antenne. Face au refus, les femmes ont forcé l'entrée de la station et l'ont spontanément investie. Les femmes ont rapidement appris à utiliser l'équipement de la station et ont commencé à diffuser des émissions de télévision et de radio dans tout l'État.
Si, en août, l'APPO émettait à partir de deux stations de radio dans la capitale, l'horizon des possibilités du mouvement s'est élargi au-delà de ce que quiconque avait imaginé lorsque les transmissions surpuissantes des stations de télévision et de radio de l'État se sont retrouvées entre les mains des femmes de l'insurrection de Oaxaca. La collectivisation de la communication et la création de médias sous une forme communale étaient une étape nécessaire de la réappropriation de la vie quotidienne depuis ce que ces femmes appelaient ses "vérités". De nombreuses femmes qui ont repris la station ont mentionné à plusieurs reprises la présentation de la "vérité" comme une motivation pour reprendre la station et, comme l'a dit une femme avec justesse, "pour présenter un petit peu de toutes les vérités qui existent".
"Toute les vérités" que les femmes ont voulu dévoiler à la radio et à la télévision décrivaient les conditions économiques et sociales vécues par les communautés les plus vulnérables aux effets socialement destructeurs de l'ajustement structurel néolibéral et de l'hégémonie raciste et répressive du PRI. La privatisation des ressources publiques a non seulement des effets néocoloniaux profonds sur les groupes indigènes, qui représentent 70 % de la population de l'État de Oaxaca, mais la confiscation capitaliste des ressources et des services tels que l'éducation, la santé et les infrastructures communautaires de base pèse particulièrement sur les femmes, car ces questions ont tendance à être fortement "féminisées" et mystifiées en tant que "travail des femmes".
Les émissions des femmes ont donc rassemblé des groupes indigènes, des pauvres des villes et des femmes au foyer pour analyser ces réalités quotidiennes dans tout l'État et pour galvaniser les gens afin de les inciter à prendre part au soulèvement. La capacité des "masses" à communiquer en masse a révélé non seulement une souffrance collective, mais aussi une volonté collective de poursuivre la lucha. La Commune ne se serait peut-être pas reconnue comme telle sans les images et les voix de tant d'autres et sans les vérités collectives transmises depuis la station occupée.
Contradictions de genre
La tension liée au maintien de la division sociale et genrée du travail est devenue une limite centrale à la réalisation d'une identité collective dans la lutte de la Commune de Oaxaca. Cette contradiction est apparue lors de l'occupation de Canal Nueve et a persisté sur les barricades. Lorsque les femmes ont lutté pour prendre le contrôle de la reproduction sociale sur les barricades et les plantones (les places occupées) en refusant de limiter leur contribution au mouvement à la sphère privée, la violence domestique et les menaces ainsi que le refus des hommes de collectiviser le travail domestique ont sapé toute la structure de la Commune et la capacité des femmes à rester dans les rues. Comme l'explique Ita, une participante à la prise de contrôle de Canal Nueve :
Certains camarades se plaignaient que depuis le 1er août (la prise de Canal Nueve), leur femme ne les servait plus. De nombreuses femmes ont subi des violences domestiques pour avoir participé aux occupations et aux marches ; parfois, leurs maris ont même tenté de divorcer ou de se séparer d'elles. Les maris ne voyaient pas d'un bon œil l'idée que les femmes abandonnent les tâches ménagères pour participer à la vie politique. Ils ne les aidaient pas à faire les tâches ménagères, comme s'occuper des enfants ou laver le linge, afin qu'elles puissent continuer à participer aux manifestations.
Le nombre de femmes passant à l'occupation de Canal Nueve a diminué peu à peu, car les femmes n'avaient pas d'autre choix que de rentrer chez elles pour s'occuper des enfants ou effectuer d'autres tâches domestiques. Le 21 août, après trois semaines d'occupation de Canal Nueve, les paramilitaires ont profité de la faiblesse des effectifs pour tirer sur les émetteurs du réseau, les rendant inutilisables. Pourtant, les femmes n'ont pas lâché prise : elles sont redescendues dans la rue le lendemain et ont conduit les participant·es du mouvement à occuper et à prendre en charge dix stations de radio différentes, dont quatre sont restées aux mains de la Commune pendant une période prolongée.
Bien que les travaux ménagers obligeaient de nombreuses femmes à rentrer chez elles, les femmes, dans l'ensemble, ne se soumettaient pas solennellement à la violence et aux menaces patriarcales. Une femme a continué à défendre une barricade après que son mari lui ait cassé le bras pour l'empêcher de descendre dans la rue. Comme l'a fait remarquer Eva, une femme au foyer, "personne n'est venu nous chercher pour nous faire sortir de la rue. Personne n'est venu nous chercher dans nos maisons en nous disant "allez à la lutte". Au contraire, ils nous ont dit : "Ne sortez plus de chez vous, calmez-vous" - ils nous ont réprimées. Mais nous avons osé."
Les femmes étaient tellement conscientes des contradictions de genre qui ne manqueraient pas de surgir du fait de leur participation au soulèvement qu'elles ont accroché dans le studio de télévision occupé une banderole qui est apparue à l'écran lors des premières émissions et sur laquelle on pouvait lire : "Quand les femmes avancent, aucun homme ne reste en arrière". Ainsi, les femmes ont tenté de faire appel à un sentiment d'appartenance de classe : le mouvement des femmes était un progrès pour la classe dans son ensemble. Néanmoins, la tension sur la participation des femmes au mouvement n'a jamais trouvé de résolution au profit d'un meilleur projet stratégique ou politique de la Commune. Comme le dit simplement Eva : "nous avons continué à nous battre sur deux fronts différents : contre le système et avec les hommes à l'intérieur de notre propre mouvement".
Le travail reproductif était à la fois une limite à la participation des femmes et une force galvanisante pour l'autonomie des femmes et l'organisation collective. Le pouvoir de la communication et de la sociabilité à travers l'identification et la création de luttes collectives ne s'est pas seulement manifesté dans les émissions des médias occupés, mais aussi dans les discussions informelles entre les femmes de l'occupation de Canal Nueve. Lorsque, pour la première fois de leur vie, les femmes ont disposé d'un espace autonome par rapport aux hommes, elles ont constaté que le régime autoritaire de l'État et de l'économie s'étendait à leur expérience de la division sociale du travail et à la vie quotidienne à la maison et en famille. Comme le dit Ita : "Ce qui s'est passé de bien, c'est que le soir, toutes les femmes ont commencé à parler de leur vie, et c'est là que nous avons ressenti une plus grande rage de continuer à lutter, non seulement pour renverser le gouvernement, mais aussi pour nous organiser en tant que femmes afin de faire face à ce que la majorité d'entre nous vivons".
Prendre part à la Commune n’a pas consisté pour les femmes à universaliser leur participation politique aux côtés de tous les autres, mais à comprendre que leur participation était spécifiée par leur lutte contre la division sociale du travail et la marchandisation par le capitalisme du travail reproductif à l'intérieur de la maison. La tension autour du maintien de la division sociale du travail signifiait que, pour les femmes, la lutte contre le gouvernement et la lutte autour du travail reproductif devenaient une seule et même lutte.
Révolutionner la vie quotidienne en expropriant les espaces et les ressources de leurs formes marchandisées et privatisées était un principe central de la Commune de Oaxaca. Il a sous-tendu la manière dont le mouvement a évolué, passant de la demande centrale de destitution du gouverneur à une articulation de la manière dont ses politiques avaient soutenu l'empiètement du capitalisme sur toutes les sphères de la vie publique. Mais c'est l'expression par les femmes de l'exploitation au sein du foyer qui a véritablement appelé à une réorganisation de la vie quotidienne en dehors de la logique du capitalisme.
Processus informels de collectivisation
Tout comme le travail reproductif et non salarié est souvent informel, les relations sociales informelles et les gestes quotidiens de solidarité et d'entraide au sein de la Commune ont constitué un imaginaire politique au-delà - et parfois en dehors - des représentations formelles du mouvement, l'APPO.
En analysant le soulèvement de Oaxaca, la gauche a surtout placé l'APPO au centre de ses tentatives de description et d'explication de l'incroyable insurrection de sept mois contre le capitalisme et l'État. Mais cette focalisation sur les structures d'organisation purement formelles du mouvement imite en un sens la division capitaliste du travail, dans laquelle la valeur n'est produite que dans une sphère formelle, négligeant les aspects sociaux de l'organisation qui se sont produits à côté des demandes et des organisations politiques publiques. Alors que l'APPO était décrite comme un mouvement de mouvements, et que les revendications politiques émises par l'APPO - principalement la destitution du parti au pouvoir - englobaient une volonté politique collective, cette description ne permettait pas de comprendre les processus informels de collectivisation qui luttaient avec la question de la reproduction de la vie quotidienne.
Le sentiment d'identité collective qui sous-tendait la Commune de Oaxaca n'était pas uniquement une identification à l'APPO. En fait, de nombreux·ses participant·es - en particulier les femmes au foyer et les pauvres des villes - se sont identifié·es comme des militant·es du soulèvement, mais pas comme faisant partie de l'APPO. Il faudrait une enquête sociologique distincte pour examiner toutes les raisons pour lesquelles les participant·es au soulèvement ne se sont pas identifié·es à l'APPO ou comment l'APPO n'a pas réussi à englober l'ensemble des secteurs démographiquement diversifiés du soulèvement dans ses structures particulières d'organisation et de représentation ; il est certain que les femmes se sont battues en vain pour une participation plus égalitaire à l'APPO, créant une autre contradiction genrée au sein du soulèvement. Ce n'est qu'en novembre, sept mois après le début du soulèvement, que l'APPO a expressément pris en compte la représentation des genres et n'a pas réussi, même après le formidable mouvement des femmes, à assurer la parité dans la participation.
En fin de compte, l'expérience de la vie quotidienne qui a donné forme à la Commune de Oaxaca et la manière dont les femmes participantes articulent les limites de la Commune nous aident à élargir notre compréhension de la lutte comme une confrontation avec les manières dont le capitalisme a transformé le travail reproductif en une sphère féminisée, dans laquelle tout mouvement anticapitaliste sérieux doit s'engager, se confrontant directement avec la logique genrée de la reproduction de la vie sociale collective.
Publication originale (06/2016) :
Roar Magazine
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