La définition clinique de l'OMS pour le COVID Long pédiatrique pose problème | Long Covid Kids
La nouvelle définition de cas clinique de l'OMS pour le COVID Long chez les enfants donne une représentation trompeuse de la maladie. Cette définition risque de faire plus de mal que de bien à cette population déjà très vulnérable.
Long Covid Kids, est basé au Royaume-Uni et “représente et soutient les familles, les enfants et les jeunes vivant avec un Covid long et des maladies associées. Nous travaillons sur la sensibilisation, le soutien, la recherche et l'action pour tous les syndromes post-covid.”
· Cet article fait partie de notre dossier COVID Long du 21 février 2023 ·
Le 16 février 2023, l'OMS a publié la première définition de cas clinique pour les enfants et les adolescent·es, issue d'un processus de consensus d'expert·es, qui reconnaît les besoins de santé et les défis uniques des enfants et des jeunes.
La définition de l'Organisation mondiale de la santé
" Un état post-COVID-19 chez les enfants et les adolescent·es advient chez les personnes ayant des antécédents d'infection confirmée ou probable par le SRAS-CoV-2, lorsqu'elles présentent des symptômes qui durent au moins 2 mois et qui sont apparus initialement dans les 3 mois suivant l'infection aiguë par le COVID-19.
Les données actuelles montrent que les symptômes les plus fréquemment rapportés chez les enfants et les adolescent·es présentant un état post-COVID-19 par rapport au groupe témoin sont la fatigue, l'altération de l'odorat/anosmie et l'anxiété. D'autres symptômes ont également été rapportés.*
Les symptômes ont généralement un impact sur le fonctionnement quotidien, comme des changements dans les habitudes alimentaires, l'activité physique, le comportement, les performances scolaires, les fonctions sociales (interactions avec les ami·es, les pairs, la famille) et les étapes du développement.
Les symptômes peuvent être d'apparition soudaine après un rétablissement initial d'un épisode aigu de COVID-19 ou persister depuis la maladie initiale. Ils peuvent également fluctuer ou rechuter avec le temps.
Le bilan peut mettre en évidence d'autres diagnostics, mais cela n'exclut pas le diagnostic d'état post COVID-19.
Ce diagnostic peut être appliqué aux enfants de tous âges, en tenant compte des symptômes spécifiques à l'âge et de l'impact sur les fonctions quotidiennes."
Sammie McFarland, présidente de Long Covid Kids, a eu le plaisir d'être invitée à faire partie du groupe d'expert·es de l'OMS, qui comprenait 14 chercheur·euses cliniques, cinq clinicien·nes, trois chercheur·euses, trois défenseur·euses des patient·es, un expert en réadaptation pédiatrique et un pédiatre spécialiste du développement. En savoir plus sur la méthode ici.
Communiqué de Long COVID Kids
Long Covid Kids salue la publication d'une définition de cas clinique par l'OMS du COVID Long chez les enfants et les jeunes. Cette définition était très attendue et offre une parité avec la définition pour les adultes. Cette définition a été élaborée au cours d'un exercice conjoint entre des expert·es et des membres de la communauté ayant une expérience vécue, dans le but de parvenir à un consensus, et nous avons apprécié d'être invités à prendre part à ce processus. Cependant, nous sommes très déçu·es par le contenu publié et nous souhaitons souligner que la définition publiée suscite de nombreuses inquiétudes. À notre avis, la nouvelle définition de cas clinique de l'OMS pour le COVID Long chez les enfants donne une représentation trompeuse de la maladie.
Tout d'abord, l'OMS a choisi de mettre l'accent sur les trois symptômes les plus courants dans sa définition de base, ce qui va à l'encontre de la nature protéiforme de la maladie. Selon le document FAIR HEALTH (2021), l'anxiété est le quatrième symptôme le plus courant chez les 0-18 ans. Il en va de même pour les 30-39 ans, mais le COVID Long chez les adultes n'est pas cliniquement défini par l'anxiété.
Lorsque FAIR HEALTH a répété cet exercice en 2022, en examinant les diagnostics médicaux plutôt que les symptômes, elle a constaté que chez les 0-12 ans, l'anxiété ne figurait même pas parmi les cinq premiers diagnostics.
En outre, si ces trois symptômes ont été identifiés comme les plus fréquents, cela repose sur un nombre limité d'études et ne tient pas compte du fait que chez les enfants, comme chez les adultes, le COVID Long englobe un large éventail de symptômes. C'est d'ailleurs ce que reconnaît l'OMS dans le rapport publié, où elle déclare que "en raison du manque de preuves empiriques, une large liste de symptômes devrait être considérée jusqu'à ce que davantage de données soient disponibles".
Le COVID Long est une maladie à multiples facettes où la plupart des personnes sont affectées par une série de symptômes et de dysfonctionnements qui peuvent varier dans le temps et qui ont un impact sur le bien-être, le fonctionnement quotidien et la participation sociale.
Le fait de se concentrer sur trois symptômes pourrait, par inadvertance, créer une fausse impression que seuls les enfants présentant ces trois symptômes sont affecté·es par le COVID Long et que ces trois symptômes définissent le COVID Long. Selon l'expérience des familles d'enfants atteint·es de COVID Long et de nos ambassadeur·ices cliniques et administrateur·ices, ces trois symptômes ne sont pas toujours les plus importants pour la prise en charge clinique ou le bien-être des patient·es. Comme nous l'avons appris de la communauté EM/SFC, il est vital d'identifier l'exacerbation des symptômes post-effort pour choisir une approche appropriée de l'activité afin d'éviter tout préjudice.
Enfin, la mention et la formulation de l'anxiété comme symptôme principal sont problématiques, car le COVID Long est souvent considéré comme "étant dans la tête", et l'utilisation du mot anxiété dans la définition principale peut faciliter le rejet du COVID Long comme une maladie psychologique et non biomédicale. Nous disposons de nombreuses preuves des mécanismes biologiques de la maladie et de nombreuses études sur le COVID Long utilisent désormais le terme neuropsychiatrique ou neuropsychologique pour regrouper plusieurs symptômes et souligner l'existence d'un fondement biologique des symptômes psychologiques. Nous avons déjà vu des exemples où des recherches bien intentionnées et bien menées ont contribué à minimiser le COVID Long en raison d'une formulation ambiguë dans la conclusion générale qui a ensuite été rapidement amplifiée dans les médias. Malheureusement, pour ces raisons, la définition actuelle du cas clinique de COVID Long chez les enfants risque de faire plus de mal que de bien à cette population très vulnérable.
"L'une des principales fonctions d'une définition de cas clinique est de permettre une meilleure prise en charge des patient·es et d'améliorer les résultats. Malheureusement, le cadrage principal de la récente définition par l'OMS du COVID Long chez les enfants représente mal la maladie et, par conséquent, il est peu probable qu'elle améliore les conditions de vie des patient·es et pourrait même les aggraver." Dr Jeremy Rossman, président du conseil d'administration de Long Covid Kids & Friends.
"J'ai été honorée de soutenir l'OMS dans l'élaboration de cette première définition clinique et nos membres se félicitent de la reconnaissance du COVID Long chez les enfants et les jeunes. Cependant, il est important de faire la différence entre l'anxiété en tant que symptôme ou l'anxiété due à l'absence de traitement et les autres expériences communes à toute affection de longue durée. Inclure certains symptômes plutôt que d'autres, sur la base d'une recherche limitée, limitera les familles dans leur parcours de soins. Ce processus met clairement en évidence le manque de recherche sur les enfants et les jeunes et la nécessité d'investir dans la recherche n'a jamais été aussi grande. Les enfants ont besoin d'options de traitement" Sammie McFarland, PDG et fondatrice de COVID Long Kids & Friends.
"Pourquoi l’OMS dit-elle ça ? Je ne comprends pas ? Ce ne sont évidemment pas les trois principaux symptômes ! Je ne comprends pas pourquoi cette représentation malhonnête de ce que c'est que d'avoir un COVID Long et pourquoi personne ne veut nous aider ? Si on savait ce que c'est réellement, on pourrait mettre en place un plan pour nous aider à aller mieux, mais là, ça ne va pas du tout". Violet, 13 ans, avec un COVID Long depuis plus de 12 mois.
Premiers commentaires des membres de Long Covid Kids
"Vous savez que les professionnel·les de santé et celleux qui traitent les enfants vont voir ce mot en gras et dire : ..... Je vous l'avais dit et tout ramener à un problème dans la tête de nos enfants. Ce n'est pas une définition appropriée ou utile "
"Je suis membre de ce groupe depuis plus d'un an maintenant et je ne dirais pas que l'altération de l'odorat/du gout est la chose pour laquelle j'ai vu le plus de messages ou de préoccupations, c'est donc étrange que cela figure dans le top 3. Je suis aussi tout à fait d'accord avec les autres sur le fait que l'anxiété est une conséquence directe de l'impact de la maladie et qu'il ne faut pas laisser penser que seules les personnes anxieuses ont un COVID Long ou que tout est dans la tête. Il n'y a aucune mention du malaise post-effort dans la liste étendue, ce qui, je le sais, est très commun et signifie que la plupart de nos enfants, s'iels en font, doivent bien doser leur activité. Il est décevant de constater qu'il a fallu 3 ans pour obtenir une définition, et que cette première proposition passe à côté du problème. »
"Les symptômes post-covid de ma fille ont été réduits à de l'anxiété pendant deux ans, alors qu'elle avait développé de l’épilepsie".
"Je suis d'accord avec tous les commentaires ci-dessus. Mon fils a été envoyé chez un psychiatre qui lui a diagnostiqué une anxiété généralisée et lui a *promis* que ses symptômes disparaîtraient en 3 semaines sous antidépresseur. Son visage s'est illuminé. C'est si cruel. Bien sûr, ça ne s'est pas produit. Nous approchons des 2 ans"
"Je pense que c'est une honte que l'un des symptômes mis en avant soit l'anxiété. Je ne veux pas exclure complètement l'anxiété, mais je pense que l'anxiété vient du fait d'être malade de façon chronique, que personne ne sache comment vous aider, que le soutien ne soit pas constant et que les professionnel·les de santé vous gaslight constamment. Je pense que l'anxiété est un effet secondaire de la maladie elle-même, si cela a un sens. Les changements d'humeur, etc. sont des symptômes causés par la maladie et non liés à l'anxiété. Je pense simplement que cette définition, bien qu'elle aborde les autres symptômes dans la liste, conforte les professionnel·les de santé dans l'idée que tout cela est dans la tête de nos enfants, en étant l'un des symptômes énumérés en gras dans le texte principal".
"Je serais également curieux de connaître le raisonnement derrière un délai strict de 3 mois, si un enfant tombe en dehors de ce délai, cela signifie-t-il que ses affections ne pourront jamais être déterminées comme des séquelles post-aigue du SARS-Cov2 (PASC) ?".
"Répertorier l'anxiété comme l'un des principaux symptômes du COVID Long conduit à un récit spécifique qui est utilisé pour invalider systématiquement les symptômes physiques et la nécessité de diagnostiquer et de traiter correctement les patient·es atteint·es de COVID Long. La communauté médicale est prompte à rejeter tout ce qu'elle ne comprend pas ou ne sait pas comment traiter comme provenant de l'anxiété, c'est-à-dire que c'est dans votre tête, que vous avez du mal à prendre une grande respiration, que vous avez des douleurs à la poitrine, à l'estomac, des étourdissements, etc. Cela détourne la discussion de ce que la société doit faire pour aider les patient·es vers "il n'y a rien que nous puissions faire, car c'est juste psychologique".
Publication originale (17/02/2023) :
Long Covid Kids
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