Éducation populaire à la santé et décolonisation en temps de négationnisme | Ana Paula Morel
Il est nécessaire que le dialogue ait lieu avec les différentes victimes du négationnisme, mais pas avec les antagonistes, les "négationnistes professionnel·les", instigateur·ices de la politique de mort. Il est nécessaire de défendre la science contre le négationnisme, mais sans tomber dans un retour positiviste, sans perdre la dimension du dialogue avec les égaux et les différents.
par Ana Paula Morel, Professeure associée à la Faculté d'Éducation de l'Université fédérale de Fluminense (UFF). Docteure en anthropologie sociale du PPGAS/Musée national/UFRJ, où elle a mené des recherches sur l'éducation autonome dans le mouvement zapatiste. Elle a travaillé comme éducatrice et chercheuse dans le domaine de l'Éducation et de la Santé à l'École polytechnique de Santé Joaquim Venâncio (EPSJV) à Fiocruz. Ses principaux domaines d'intérêt sont l'Éducation Populaire à la Santé, l'Anthropologie et l'Éducation, ainsi que les Mouvements Sociaux et l'Autonomie.
Introduction
En pleine pandémie de Covid-19, nous assistons à la montée du négationnisme en matière de connaissances sanitaires, stimulée par la montée de l'extrême droite et sa politique de mort. Les discours qui minimisent la gravité de la pandémie, souvent basés sur la diffusion de fausses informations, sont considérables. Cette croissance est extrêmement préoccupante, car contenir la propagation de la pandémie dépend non seulement du travail des scientifiques et des professionnel·les de la santé, mais aussi de la manière dont les connaissances et les soins de santé sont diffusés et se rapportent aux différentes réalités de la population. Dans ce moment, l'éducation populaire à la santé, par son attention au dialogue et à la transformation sociale, nous apporte des outils pour problématiser et faire face au négationnisme, mais elle fait également face à de nouveaux défis.
L'éducation populaire à la santé reprend l'héritage de Paulo Freire dans le domaine de la santé, en reconnaissant l'importance de prendre en compte les conditions de vie de la population dans le travail de santé et de promouvoir les réseaux de soutien social à partir du dialogue avec les différentes réalités des classes populaires. Ces préoccupations semblent encore plus pertinentes dans le contexte de la pandémie de Covid-19, qui a atteint la population de manière non "démocratique".1 La croissance du négationnisme n'atteint pas non plus la population de manière "démocratique". Comme nous le verrons, différentes positions sont impliquées dans ce phénomène, qui a particulièrement affecté le quotidien des professionnel·les de santé, des scientifiques, des enseignant·es et des éducateur·ices en santé, qui voient leurs pratiques et leurs connaissances remises en question, voire, dans des cas extrêmes, se font harcelé·es.2
Dans ce processus, nous nous rendons compte qu'il y a souvent une "crise d'interprétation", pour utiliser le terme de Valla (1996), en relation avec le problème du négationnisme. Selon l'auteur, en ne donnant pas la priorité à la vie des sujets dans les pratiques d'éducation à la santé, de nombreux éducateur·ices et professionnel·les de santé n'écouteraient pas correctement les discours de la population et ne comprendraient pas comment iels mettent en œuvre leurs savoirs. Déconnecté·es de la réalité vécue par les classes populaires, ces éducateur·ices et professionnel·les de santé ont des difficultés à comprendre le phénomène de popularisation du négationnisme à partir du discours et des actions de leurs interlocuteur·ices. En ce sens, iels finissent par attribuer la croissance du négationnisme à la simple ignorance, au " manque d'information " ou au " déficit de connaissances " (LATOUR, 2020a), et voient comme seule réponse possible à ce phénomène le retour à un " positivisme stratégique"3 fondé sur la défense de la science comme seul savoir valable, au détriment des autres savoirs.
L'éducation populaire à la santé permet de comprendre ce phénomène au-delà du " positivisme stratégique", en commençant par écouter les savoirs populaires et en affrontant précisément le fossé qui sépare les éducateur·ices et les professionnel·les de santé du quotidien de la population (VASCONCELOS, 2017). Car si l'on considère que la santé fait partie du tissu social, culturel et politique, c'est une tâche contemporaine de l'éducation populaire à la santé que de problématiser la propagation des discours négationnistes et leurs implications pour la santé de la population. Comme nous le verrons, le négationnisme est un obstacle majeur au dialogue. Ainsi, retrouver la capacité d'écoute, renforcer les réseaux de soutien social, donner du sens au débat politique, défaire les confusions, identifier les forces concrètes impliquées dans ce phénomène complexe nous semblent des pistes importantes. Cependant, cette conception est également confrontée à de nouvelles interrogations à l'heure actuelle. Certaines des questions soulevées ici ont été inspirées par l'expérience de l'enseignement de cours dans le domaine de l'éducation et de la santé à des étudiant·es de premier cycle. Lorsque nous avons discuté avec les classes des principes de l'éducation populaire à la santé dans ces cours, deux points étaient particulièrement polémiques à savoir la valorisation des savoirs populaires et la critique du scientisme. Les étudiant·es, futur·es professionnel·les de santé, ont soulevé les questions suivantes : comment remettre en question le scientisme en cette période de négationnisme croissant ? Comment valoriser les savoirs populaires et proposer une décolonisation à l'heure des fausses informations ? Peut-on assimiler les positions négationnistes de la science dans le cadre de la pandémie avec les savoirs populaires ? Est-il possible de défendre la science sans délégitimer les autres savoirs ? Plus que de donner une réponse définitive à ces questions, car il s'agirait d'un travail très vaste et collectif, nous tenterons d'indiquer des pistes et des possibilités. Des pistes qui permettent de dépasser la "crise de l'interprétation" et le "positivisme stratégique" sans pour autant renoncer à relever les défis de l'éducation populaire à la santé aujourd'hui.
Nous chercherons donc à discuter des conceptions de l'éducation à la santé mobilisées face à la pandémie et de leur rapport au négationnisme. Ensuite, nous chercherons à démêler le problème du négationnisme en nous référant à la "parole engagée", qui connaît le monde en même temps qu’elle le transforme (BRANDÃO, 2006). Enfin, nous aborderons la relation de la science avec la critique et la décolonisation des savoirs, en particulier les savoirs autochtones sur la pandémie.
Conceptions de l’éducation à la santé
Tout d'abord, il est nécessaire de souligner l'importance de la dimension éducative pour affronter le Covid-19. Les actions fondamentales de lutte contre la pandémie, visant à apporter une assistance médicale aux personnes infectées, presque toujours dans les services hospitaliers d'urgence et de soins intensifs, gagnent en visibilité. Or, il existe toute un travail qui cherche à agir juste avant que la population ne tombe malade. C'est un travail éducatif qui implique les éducateur·ices en santé issu·es d’espaces très variés (MOREL, 2021). Nous soulignons, dans ce sens, le rôle des professionnel·les dans les soins de santé primaires. Leur action se réalise souvent conjointement à des enseignant·es, des leaders communautaires, des membres de groupes et de mouvements sociaux qui agissent également comme éducateur·ices en santé.
Les actions d'éducation à la santé, avec leur diversité et leur hétérogénéité, peuvent permettre aux soins de santé, si fondamentaux à l'heure actuelle, de devenir des pratiques quotidiennes dans les territoires les plus divers - surtout si cette action est basée sur le dialogue et l’implication communautaire. À cette fin, il nous semble essentiel de discuter des conceptions de l'éducation à la santé mobilisées dans la lutte contre la pandémie et de leur rapport au négationnisme.
Nous avons déjà mentionné comment une interprétation courante du négationnisme lie sa croissance à la simple "ignorance" de la population. Cette interprétation est marquée par une conception hégémonique dans l'éducation à la santé : l'éducation sanitaire est adossée à une "culpabilisation des victimes" qui construit une image de la classe ouvrière comme "brute", " indigente", "nulle". (VALLA, 1992). Non seulement elle ne tient pas compte des facteurs multiples et complexes impliqués dans la popularisation du négationnisme, mais elle ne tient pas compte non plus du fait que l'un de ces facteurs est lié à la dissociation historique entre les politiques de santé et la population.
L'éducation sanitaire est fondée sur la lutte contre les épidémies à partir de la transmission d'"habitudes hygiéniques" aux individu·es. Lors de la pandémie de coronavirus, cette conception est présente dans l'idée largement répandue que la lutte contre le virus se limite à des changements d'habitudes individuelles, ce qui finit par éloigner cell·eux qui sont dans l'incapacité de mettre en pratique ces soins de santé. Nous savons que les mesures d'hygiène et la distance physique sont fondamentales pour la prévention du Covid-19. Toutefois, il est nécessaire de considérer comment ces soins sont en prise aves les conditions de vie de la population. Sans cette préoccupation, on crée une distance qui tend à ouvrir un espace pour le négationnisme : lorsque les connaissances en matière de santé apportent des indications qui ne cadrent pas avec ma réalité, il n'y a aucune raison de faire confiance et de partager ces connaissances.
Historiquement, cette dissociation a été largement discutée et critiquée par l'éducation populaire à la santé, qui souligne que l'éducation sanitaire est un type d'éducation qui reproduit une pratique autoritaire visant à contrôler et à discipliner les classes populaires. L'éducation populaire en matière de santé émerge dans les années 1970, dans un contexte de résistance à la dictature civilo-militaire, avec comme référence Paulo Freire et les mouvements d'éducation populaire. Elle se réalise lorsque le travail professionnel de la santé publique fusionne avec un travail culturel d'éducation populaire par la santé (BRANDÃO, 2001). L'éducation populaire à la santé adresse plusieurs critiques au paradigme du scientisme ancré dans la neutralité et l'universalité supposées de la science, car ce paradigme partirait de l'exclusion des autres rationalités et connaissances médicales, alors que l'éducation populaire a comme point de départ du processus pédagogique les connaissances antérieures des classes populaires. Le respect des savoirs populaires, peu pris en compte dans le cadre des politiques de santé extrêmement verticalisées, est un des points qui commence à être considéré. L'éducation populaire ne se fait pas "pour" le peuple, mais "avec" le peuple, en dialoguant avec les connaissances développées dans la vie sociale, le travail, la culture et la lutte pour la survie des opprimé·es (STOTZ, 2005). Comme l'a souligné Paulo Freire, les expériences des apprenant·es sur leurs conditions de vie, qui influencent directement la santé de la population, devraient faire partie du processus pédagogique :
Pourquoi ne pas profiter de l'expérience qu'ont les élèves de vivre dans des quartiers de la ville délaissés par les pouvoirs publics pour aborder, par exemple, la pollution des cours d'eau et des ruisseaux et le faible niveau de bien-être des populations, les dépôts d'ordures et les risques qu'ils présentent pour la santé des personnes (FREIRE, 2013, p. 32)
En transposant cette préoccupation à leur travail, les éducateur·ices en santé sont confronté·es au fait que certains soins qu'iels préconisent n'ont souvent aucun sens face à la réalité de leurs interlocuteur·ices, extrêmement complexe et marquée par les inégalités. Compte tenu de cette réalité, l'éducation populaire rend urgente une réflexion sur le sens politique inhérent aux pratiques éducatives en matière de santé. Pour en revenir à la perspective freirienne, l'éducation sanitaire est donc considérée comme un type d'éducation comptable au service des élites qui fonctionnent à travers la transmission de contenus, traitant l'apprenant·e (ou la·e patient·e) comme un récipient vide à remplir. En revanche, l'éducation populaire considère l'apprenant·e comme le protagoniste du processus éducatif et voit dans le dépassement des inégalités une voie fondamentale vers le droit à la santé.
En cherchant à dépasser l'autoritarisme récurrent dans les pratiques des professionnel·les de santé auprès des classes populaires, l'éducation populaire à la santé permet de traduire, de penser et de problématiser les savoirs sanitaires à partir de réalités différentes. Cette préoccupation est un moyen de combattre le négationnisme, car l'éducation populaire agit précisément pour tenter de surmonter la distance entre les politiques de santé et les différentes réalités de la population (VASCONCELOS, 2017). Il est important de souligner que l'éducation populaire est indissociable des pratiques collectives et populaires, du " mouvement d'éducation populaire " lui-même (PALUDO, 2015). Nous voyons comment, pendant la pandémie, cette perspective a été mise en pratique par différents mouvements communautaires qui, malgré toutes les difficultés, la négligence et la violence rencontrées, agissent de concert avec les professionnel·les de santé et les enseignant·es dans différents territoires. Ainsi, des "cabinets de crise" ont été formés, des comités de santé populaire, des groupes de communication communautaire, des initiatives indigènes autonomes, entre autres formes de soutien mutuel avec d'importantes activités d'éducation et de mobilisation.
Dialoguer avec ces mouvements est un moyen de comprendre et de faire face au négationnisme, car cela nous permet d'écouter les récits des habitant·es sur le phénomène et d'aborder les soins de santé en tenant compte des conditions de vie des différents territoires. Lorsque nous avons agi avec les mouvements populaires organisés dans le cadre de la lutte contre la pandémie à Morro da Providência - une favela de la zone centrale de Rio de Janeiro -, un habitant qui travaillait comme vendeur ambulant dans la ville nous a dit qu'il continuerait à sortir pour travailler, car il préférait mourir du virus que de la faim (MOREL, 2021). "La faim donne une mort plus lente et plus douloureuse", a-t-il déclaré. Ce sont les conditions de vie inégales elles-mêmes, et non l'"ignorance", qui poussent ce travailleur à sortir dans la rue et à se trouver dans des espaces surpeuplés. Une telle question nous fait réfléchir sur les différentes positions qui existent par rapport à la croissance du négationnisme. Nous continuons, approfondissant et décortiquant ce phénomène.
Le négationnisme : instigateur·ices et victimes
Le négationnisme de la pandémie de Covid-19 ne peut être considéré comme un fait isolé, puisqu'il s'articule à d'autres négationnismes, comme le négationnisme climatique, le négationnisme historique, le négationnisme scientifique et le négationnisme du racisme, formant un phénomène complexe et hétérogène qui gagne de plus en plus d'espace au Brésil et dans le monde aujourd'hui4. Le terme négationnisme a été utilisé pour la première fois pour désigner les personnes engagées dans la négation de l'holocauste perpétré par les nazis (ROUSSO, 1985). Cette origine, liée à des mouvements d'extrême droite, est tout à fait significative, tant pour son orientation raciste que pour ses méthodes sournoises, telles que des attaques violentes contre des historien·nes et des survivant·es de l'Holocauste et des tentatives de falsification de preuves. Les actions de ces premiers négateurs ne pouvaient être assimilées aux controverses inhérentes au travail historiographique, car leur intention principale était de produire une confusion visant à réduire au silence des minorités.
Au cours des dernières décennies, le phénomène a été renforcé par l'avènement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, augmentant sa capillarité dans la diffusion de fausses informations à travers les réseaux sociaux, tout en continuant de reproduire des méthodes similaires à celles de son origine. Actuellement, les discours négationnistes sont souvent accompagnés d'une sorte de récit qui confirme les valeurs conservatrices. Nous voyons comment plusieurs fake news qui ont circulé - comme le fait que des lits d'hôpitaux étaient vides ou que des cercueils étaient enterrés sans personne à l'intérieur pour simuler un effondrement des pompes funèbres - ont été présentées comme faisant partie d'une prétendue conspiration politique contre les gouvernements d'extrême droite.
La croissance de l'extrême droite est sans doute l'un des moteurs du négationnisme dans le monde. Cependant, le phénomène s'étend avec la tolérance d'une partie "rationnelle et respectable" de la société, comme le souligne Silvio Almeida (2020). L'auteur souligne combien les " antiracistes inversés " sont tout aussi négationnistes que ceux qui refusent de porter leurs masques en temps de pandémie, et que le négationnisme scientifique comme le négationnisme du racisme seraient antérieurs au trumpisme et à ses semblables. Ces phénomènes suscitent la condescendance des institutions politiques qui, incapables de contenir la violence et de construire la possibilité d'une participation démocratique, selon les mots d'Almeida, "se sont prêtées uniquement et exclusivement à la validation du grotesque". De plus en plus ancré dans notre société, le négationnisme a produit la montée d'une politique de la mort.
En faisant du négationnisme une politique officielle qui délégitime les connaissances scientifiques et en minimisant à tout prix la gravité de la pandémie, l'extrême droite - et tous les secteurs qui agissent en connivence avec elle - dispense l'État d'investir dans la santé publique et dans d'autres politiques publiques fondamentales pour contenir l'avancée du COVID-19. La conséquence la plus perverse de cette situation est l'intensification de la "nécropolitique", décrite par Achille Mbembe (2020) :
Le système capitaliste est fondé sur la répartition inégale des chances de vivre et de mourir. Cette logique du sacrifice a toujours été au cœur du néolibéralisme, que nous devrions appeler nécrolibéralisme. Ce système a fonctionné avec l'idée que certain·es valent plus que d'autres. Cell·eux qui n'ont aucune valeur peuvent être jeté·es.
L'argument selon lequel la pandémie est censée être démocratique parce qu'elle touche l'ensemble de la population de manière égale s'avère de plus en plus fallacieux. Les peuples indigènes, les Noir·es, les femmes, les classes populaires et les personnes âgées sont considéré·es comme des corps dont la logique du nécrolibéralisme peut facilement se débarrasser et, par conséquent, sont cell·eux qui souffrent le plus des conséquences de la pandémie.
Face aux conséquences néfastes du négationnisme pour une partie considérable de la population, il est nécessaire de s'interroger sur les raisons de sa popularité croissante. Qu'est-ce qui amène des personnes aussi diverses, qui ne reçoivent aucun financement, à répéter de telles idées ? Ces motivations peuvent-elles être réduites à l'"ignorance" ou à un simple "manque d'information" ?
Premièrement, nous pensons qu'une partie de l'action de problématisation de l'éducation populaire consiste à identifier la complexité du phénomène du négationnisme et les différents niveaux et positions impliqués. Il existe des personnes et des groupes financés, que nous appellerons ici "négationnistes professionnel·les", qui se consacrent à la diffusion du négationnisme. Ces groupes cherchent à créer une confusion intentionnelle, en utilisant le genre de méthodes insidieuses qui se sont répandues avec l'avènement des réseaux sociaux. Comme le souligne Alexandre Costa (2017) :
Le schéma est exactement le même : pour défendre leurs profits, ils s'attaquent au consensus scientifique, recrutent quelques figures du monde universitaire et des médias, sèment la confusion et démobilisent l'opinion publique, agissant en véritables marchands de doute. Il existe une abondante documentation montrant non seulement les liens entre le négationnisme et ces sombres intérêts économiques, mais aussi qu'il s'agissait de quelque chose de réfléchi, d'élaboré, avec des tactiques et un budget.
Comme nous l'avons déjà souligné dans d'autres écrits, il est donc nécessaire de différencier les " négationnistes professionnel·les " de cell·eux qui, par exemple, minimisent les risques de la pandémie parce qu'iels ne peuvent pas s'empêcher de s'exposer au virus pour aller travailler (MOREL, 2021). Ces différentes positions apparaissent en relation avec les différents négationnismes. En ce qui concerne la négation du racisme, Grada Kilomba (2019) souligne comment les sujets blancs et noirs passent par des processus totalement différents lorsqu'ils reproduisent les mécanismes de refus et de négation :
La réalité originale [du sujet blanc] - "Nous prenons ce qui leur appartient" ou "Nous sommes racistes" - est niée et projetée sur les "Autres" : Ils viennent ici et prennent ce qui est à nous", "Ils sont racistes". Pour atténuer le choc émotionnel et la tristesse, le sujet noir dira : " Nous prenons en fait ce qui leur appartient " ou " Je n'ai jamais connu le racisme " (KILOMBA, 2019, p. 178).
Une différenciation des positions est également proposée par Déborah Danowski (2020) à propos du négationnisme de la crise environnementale. Il y a les grandes victimes de la crise écologique - les animaux, les plantes et les personnes les plus pauvres, qui sont les plus touchées par la crise -, il y a les coupables - les grandes entreprises de combustibles fossiles, les sociétés minières et le système financier, qui agissent directement pour propager cette crise - et il y a les spectateur·ices - une grande partie de la population qui continue à vivre sa vie sans prêter attention à la crise environnementale. Il s'agit de différentes manières de "ne pas voir" ce qui se passe, dit la philosophe.
Nous pouvons affirmer que différentes positions apparaissent également dans le négationnisme de la pandémie de Covid-19. Une partie considérable de la population est impliquée dans un certain degré de déni, soit en plaçant ses espoirs dans un supposé remède miracle, soit en niant le danger de la maladie, soit en ne mettant pas en place les soins nécessaires même si elle est d'accord sur le danger de la pandémie. Il est toutefois nécessaire de différencier les positions concernées. Les dirigeant·es déterminé·es à nier la gravité de la maladie, qui connaissent les conséquences néfastes de leurs actes, occupent une position différente de celle d'un·e travailleur·euse qui ne peut s'arrêter de travailler pour mettre en place l'isolement et finit par minimiser les dangers de la maladie. Là encore, il s'agit de différentes manières de "ne pas voir" qui produisent des effets différents. Il y a cell·eux qui nient par appât du gain, par désir de mort et d'extermination, et cell·eux qui sombrent dans le déni face à une réalité trop dure dont iels sont victimes. Il existe également de nombreuses déclinaisons de ces positions.
En soulignant combien le négationnisme climatique joue un rôle clé dans la compréhension du monde contemporain, Bruno Latour (2020a) affirme que les "intigateur·ices" de ce négationnisme seraient les élites obscurantistes, qui, face à l'effondrement écologique, ont réalisé qu'il n'y aurait plus de "monde pour tout le monde" et ont choisi de faire du mensonge une forme de politique. L'auteur utilise la métaphore du Titanic : les classes dirigeantes réalisent que le naufrage est inévitable, elles s'approprient les canots de sauvetage et demandent à l'orchestre de jouer des berceuses pendant un long moment, afin de pouvoir s'échapper avant que les autres classes ne réalisent ce qui se passe (2020a, p. 15). Une telle crise se traduit de plus en plus par l'absence d'un monde partagé dans ce qu'on appelle conventionnellement l'Occident. Face à cela, la connaissance scientifique ne peut plus se maintenir, car, selon l'auteur, pour que la connaissance prenne corps, il faut une culture commune, une vie publique, des institutions et une presse un minimum fiables. La croissance du négationnisme s'ancrerait alors moins dans une absence de connaissances que dans un "déficit de pratiques communes". Selon Latour, les gens ne se contentent pas de "croire en un monde alternatif" mais vivent réellement dans un monde alternatif où l'effondrement de l'environnement n'est pas un problème. Cette rupture des mondes rend le dialogue impossible, et même le désaccord. L'auteur affirme qu'auparavant, même si ce n'était pas un monde totalement commun, il était possible d'accepter d'être en désaccord. Maintenant cette situation n'existerait plus, car il y a une guerre entre les mondes.
De telles questions, si elles entrent dans le cadre de l'éducation populaire, nous révèlent l'importance de ne pas traiter le négationnisme comme une simple conséquence de l'ignorance de la population. Il est nécessaire d'écouter les classes populaires, en comprenant les phénomènes complexes impliqués dans la croissance du négationnisme. Cette compréhension passe par l'identification des différentes positions impliquées dans les actions négationnistes : on ne peut pas mettre sur le même plan les "instigateur·ices" et les "victimes" du négationnisme, pas plus qu'on ne peut mettre sur le même plan les oppresseurs et les opprimés - même avec toute l'attirance que les seconds peuvent éprouver pour les premiers (FREIRE, 2018). Si les "instigateur·ices" du négationnisme cherchent précisément à nier toute forme de dialogue, à partir de "l'absence de pratiques communes", l'éducation populaire gagne encore en importance en pariant sur le dialogue comme voie de transformation sociale. Dialogue à partir d'un dire de la "parole engagée" au sens dont parle Paulo Freire, entendu comme parole et action, parole qui dit et transforme le monde (FREIRE, 2018).
Cependant, serait-il possible de dialoguer avec des "négationnistes professionnel·les", engagé·es dans la diffusion de mensonges ? Dans Pédagogie de l'opprimé (2018), Freire affirme que le dialogue a lieu entre égaux et différents, mais jamais entre antagonistes : "Le dialogue n’est pas possible entre ceux qui veulent “dire” le monde et ceux qui s’y refusent. Entre ceux qui dénient aux autres le droit de prononcer une parole et ceux qui sont privés de ce droit." (p. 109). Les mots de Freire deviennent extrêmement pertinents quand on se rend compte que les "négationnistes professionnel·les", avec leurs méthodes de confusion et de réduction au silence, cherchent précisément la négation de la possibilité de dire le monde, en étant antagonistes à cell·eux qui veulent le faire.
Si le dialogue est la rencontre des humain·es, médiatisé·es par le monde, pour le dire et le modifier, nous comprenons qu'il n'y a pas de dialogue possible avec les "négationnistes professionnel·les", avec les instigateur·ices de la nécropolitique, les antagonistes. Il n'y a pas de construction d'un "espace démocratique" possible. Toutefois, lorsque les "négationnistes professionnel·les" parviennent à se renforcer au sein de la population, il est nécessaire de dialoguer avec ceux qui sont les principales victimes de la politique de mort en cours. Nous revenons donc aux affirmations de Freire (1986, p. 93) : "La pédagogie du conflit ne peut se passer du dialogue, du dialogue entre égaux et entre différents qui participent à la lutte, ou au cri, pour abattre le pouvoir qui nie la parole". La maxime de Paulo Freire, selon laquelle le dialogue ne peut avoir lieu avec des antagonistes, mais doit être élargi avec des égaux et des différents, prend une résonance importante dans le contexte actuel. En ce sens, il est nécessaire de ne pas confondre ou assimiler différent et antagoniste, d'autant plus si l'on considère que la "crise de l'interprétation" pointe vers un "positivisme stratégique" comme réponse au négationnisme et finit souvent par nier la différence.
Critique et décolonisation : au-delà du positivisme
L'article "Le Conseil de la santé recommande les remèdes floraux, l'homéopathie et le reiki pour aider à traiter le Covid-19" (COLLUCCI, 2020), publié par Folha de São Paulo, traite de la contradiction présumée du Conseil national de la santé (CNS) qui, "tout en soutenant les thérapies alternatives, est contre l'utilisation de la chloroquine en raison du manque de preuves". Dans le rapport, deux médecins-chercheurs sont interviewés et critiquent la recommandation des pratiques dites intégratives et complémentaires (PIC) par la CNS : "le même argument utilisé pour ne pas recommander l'hydroxychloroquine devrait guider la décision de pratiquer la médecine alternative", déclare l'un des médecins. De l'autre côté, un conseiller du CNS est interviewé pour défendre la décision du conseil : " la chloroquine elle-même est un traitement [qui n'a pas d'efficacité prouvée]. Les pratiques intégratives sont complémentaires aux soins".
Les arguments soulevés ouvrent un grand débat que nous ne pouvons approfondir ici. Nous soulignons cependant des points importants pour notre discussion. Nous avons remarqué que l'importance que la science a prise face à la pandémie a fait naître de nouveaux défis et de nouvelles tensions, compte tenu de la croissance du négationnisme. Pour défendre la science face à la diffusion d'un traitement inadéquat, comme l'utilisation de la chloroquine, certains médecins ont réagi en refusant tout type de "médecine alternative". Reprenons alors quelques questions : pourrait-on mettre sur le même plan les postures négationnistes de la science dans la pandémie et les savoirs traditionnels, tels que ceux présents dans les PIC ? Est-il possible de défendre la science sans délégitimer les autres savoirs ?
Ces questions délicates doivent être affrontées, car, au-delà du cas présenté dans le rapport, il s'agit d'une réponse plus ou moins courante des défenseurs de la science ancrée dans le "positivisme stratégique". La science est réaffirmée comme distincte de la politique et supérieure à toute autre connaissance - reléguée au rang de croyances irrationnelles - tandis que toute possibilité de critique de la science est réduite au silence.
Il convient de noter que le rôle de la critique scientifique a été extrêmement controversé. Ce que l'on a appelé le poststructuralisme, le postmodernisme - et même une partie considérable des sciences sociales - ont développé au cours des dernières décennies des théories critiques de la science diverses et hétérogènes. Entre autres contributions, nombre de ces théories ont fini par démontrer l'imprécision qui se cache derrière les soi-disant faits scientifiques, mettant en évidence les mécanismes de pouvoir qui sous-tendent le discours scientifique - ou même la science comme un phénomène "socialement construit" de plus.
On peut se demander si une telle critique ne contribuerait pas à affaiblir le discours scientifique alors que celui-ci subit une attaque conservatrice. Bruno Latour lui-même (2020b), l'un des grands représentants des science studies, a publié un texte intitulé " Pourquoi la critique a-t-elle perdu sa force ? ". L'auteur y demande si la critique, si attachée à montrer "le manque de clarté scientifique" inhérent à la construction des faits, ne collaborerait pas avec ce qu'il appelle ici le "révisionnisme instantané". Plus encore, la popularisation du négationnisme ancré dans le désir de participation serait-elle une sorte de banalisation déformée de la critique ? À propos des chemins de la critique, l'auteur affirme :
Mon argument est qu'une certaine forme d'esprit critique nous a conduits sur la mauvaise voie, nous encourageant à combattre les mauvais ennemis et, pire que tout, à être considérés comme des amis par le mauvais type d'alliés à cause d'une petite erreur dans la définition de la cible principale. Il ne s'agissait jamais de s'éloigner des faits, mais de s'en approcher ; il ne s'agissait pas de combattre l'empirisme, mais, au contraire, de le renouveler. (LATOUR, 2020b, p. 182, souligné par nous).
Bruno Latour (2020b) reconnaît alors que la critique ne doit pas être abandonnée, mais doit " changer de cible ". Sa proposition est que, en mettant en évidence tous les facteurs politiques, environnementaux et économiques dans lesquels les faits scientifiques sont impliqués, il est possible d'ajouter de la réalité au lieu de la réduire. Cela semble être un défi important pour la critique à l'heure actuelle.
Dans cet imbroglio, nous ne pouvons ignorer la manière dont les mouvements féministes, noirs, indigènes et autres ont soulevé des questions fondamentales pour les sciences. Nombre de ces mouvements ont critiqué les fondements de la pensée scientifique, s'opposant au sujet moderne rationnel unitaire, lié à la domination de l'homme blanc européen. De telles voix ont dénoncé le caractère homogénéisant et universalisant de la pensée scientifique. Le retour frileux au positivisme stratégique ne doit pas ouvrir la voie à un renforcement de la mise sous silence de ces voix.
Les critiques décolonisatrices ne peuvent être assimilées à un discours négationniste, tout comme les peuples qui partent d'ontologies distinctes des sciences modernes ne peuvent être qualifiés de négationnistes en raison de leur altérité. Les mécanismes cachés décrits ici, inhérents au travail des "négationnistes professionnel·les", n'ont rien à voir, par exemple, avec les pratiques des chamans qui partent d'un savoir profond accumulé par leurs peuples.
En ce sens, nous mettons en lumière les questions soulevées par les peuples autochtones à un moment où la relation entre l'émergence de la pandémie et la déforestation devient de plus en plus explicite. Cette relation est soulignée par les scientifiques ell·eux-mêmes (CUNNINGUAM, 2020) et par les peuples autochtones, qui ont gagné en reconnaissance, même si c'est à partir de références très différentes. Davi Kopenawa (2015), un important chaman yanomami, met en garde depuis longtemps contre les conséquences néfastes de la destruction de la forêt causée par le "peuple de la marchandise " (les Blanc·hes). Le chaman affirme que les grandes épidémies - ou xawara - auxquelles son groupe ethnique est confronté proviennent de la fumée qui s'échappe des mines, et qui serait à l'origine des maladies. Actuellement, ces épidémies semblent également s'en prendre au "peuple de la marchandise" qui les provoquent. Pour le chaman, la forêt ne peut être traitée comme vide, morte ou une simple ressource, car elle est vivante, composée d'une association d'esprits, de rivières, de poissons, de pluie et de vent.
Dans un article récent discutant de la lecture philosophique du peuple huni kuin sur le covid-19, l'anthropologue Els Lagrou (2020) a souligné que, pour ce peuple, la maladie des gens est causée par le fait que les chasseurs et les poissons - surtout les chauves-souris - se vengent de la destruction de leur habitat en envoyant leur nisun, un mal de tête qui peut conduire à la mort. Selon la pensée de ces peuples, la Terre est habitée par une multiplicité d'êtres avec lesquels il faut négocier. L'origine de ce coronavirus ne serait donc pas une surprise, puisque lorsqu'il y a déforestation et que les êtres qui habitent un certain environnement sont attaqués, ces derniers réagissent d'une manière ou d'une autre. Cette connaissance profonde, bien que distincte de la connaissance scientifique, ne va pas non plus dans le sens du récit négationniste. Il faudra créer des chemins au-delà des "alternatives infernales "5 selon lesquelles il faut choisir entre accepter sans critique la science comme seule forme de connaissance supérieure ou être capturé par le négationnisme qui s'oppose à la connaissance scientifique. En dépassant la résignation à ces alternatives, nous concluons que la lutte contre le négationnisme ne doit pas devenir un combat contre les luttes pour la décolonisation de la connaissance.
Pour Isabelle Stengers (1997), il est important que la science non seulement respecte les autres cultures et savoirs, mais qu'elle soit digne de leur respect. La science elle-même doit dépasser la "malédiction de la tolérance", définie par l'auteur comme la manière condescendante de traiter les mondes différents. Selon elle, la tolérance contient également un désir destructeur, car il est très facile de détruire quelque chose que l'on ne fait que tolérer. L'auteur soutient également que la science devrait établir des "connexions partielles" - pour reprendre le terme de Marilyn Strathern - avec d'autres savoirs et peuples. " Les connexions partielles " sont des rencontres pragmatiques dans lesquelles les parties ne se trompent ni ne s'englobent et peuvent même apprendre les unes des autres, sans pour autant devenir les mêmes (STENGERS, 2019).
Il pourrait y avoir une "connexion partielle" des scientifiques avec les peuples indigènes dans la lutte contre le négationnisme du covid-19. Qui sait, les questions indigènes peuvent même s'ajouter à la science - au sens où l'entend Latour (2020b) - et vice versa. Les deux peuvent, à partir de la différence, ne pas devenir identiques, mais ajouter de la réalité. En revanche, les "négationnistes professionnel·les", antagonistes, n'ont rien à ajouter, car ils ne présentent pas de "vision alternative", et ne se fondent même pas sur une quelconque théorie ou connaissance approfondie : ils ne font que mentir, cherchant à embrouiller l'opinion publique et à accélérer la dégradation des liens et des horizons.
Une telle différenciation entre différents et antagonistes est extrêmement précieuse face au négationnisme. Aussi important qu'il soit de réviser les stratégies de la critique de la science, comme le dit latour (2020b), nous ne pouvons pas perdre le sens du respect et du dialogue avec les savoirs populaires proposés par l'éducation populaire à la santé, cherchant à dépasser la " malédiction de la tolérance". Valoriser les pratiques qui représentent une systématisation des connaissances qui ont été accumulées sur plusieurs générations, ne pas délégitimer les acteurs qui ont un fort pouvoir éducatif, comme les herboristes, les sages-femmes et les guérisseur·euses (GOMES ; MERHY, 2011) sont des préoccupations qui ne peuvent être confondues avec la diffusion du négationnisme.
Conclusion
Nous espérons avoir contribué à un effort de problématisation du négationnisme du point de vue de l'éducation populaire. Face à l'absence de dialogue provoquée par le négationnisme, il semble fondamental de récupérer l'héritage de Paulo Freire, qui nous permet de dépasser la " culpabilisation des victimes ". Séparer les victimes des instigateur·ices, séparer les différents des antagonistes, sont quelques-unes des indications qui méritent d'être approfondies. Nous devons reconnaître que l'horizontalité entre le savoir populaire et le savoir technico-scientifique défendue par l'éducation populaire prend une nouvelle configuration en ce moment. Cette reconnaissance ne signifie pas l'abandon du débat sur le rôle de la science elle-même dans le rapport avec la critique, avec les mouvements de décolonisation, avec les autres savoirs et connaissances. Il est nécessaire que le dialogue ait lieu avec les différentes victimes du négationnisme, mais pas avec les antagonistes, les "négationnistes professionnel·les", instigateur·ices de la politique de mort. Il est nécessaire de défendre la science contre le négationnisme, mais sans tomber dans un retour positiviste, sans perdre la dimension du dialogue avec les égaux et les différents.
Dans ce sens, il est important d'approfondir les potentialités entre l'éducation populaire et les luttes pour la décolonisation des savoirs. Bien que Paulo Freire ait formulé sa conception pédagogique avec des références explicites aux théories critiques occidentales, son engagement auprès des mouvements populaires a conduit à la valorisation des perspectives des peuples indigènes d'Amérique latine (FLEURI, 2018). La connaissance de ces peuples acquiert une pertinence encore plus grande pendant la crise sanitaire et civilisationnelle que nous vivons, en montrant qu'ils ne sont pas une survivance du passé, mais une subsistance du futur, ce qui alerte sur l'importance d'arrêter la politique de mort en cours, afin qu'il y ait encore un monde à venir (DANOWSKI & VIVEIROS DE CASTRO, 2014).
Peut-être ces voies ouvertes contribueront-elles à la tâche ardue de l'autonomisation des pratiques communes face au négationnisme, à partir d'une praxis dialogique, en reprenant un monde partagé non pas par une seule culture, mais, comme le disent les zapatistes, par "un monde où cohabitent de nombreux mondes".
Publication originale (26/07/2021) :
Reflexão & Ação
Note de traduction :
Nous avions initialement choisi de traduire “perpetradores” par “promoteur·ices” (du négationnisme) plutot que par “responsables”, “coupables” ou “auteur·ices” pour conserver une dimension active et non-restreinte de cette responsabilité. Mais une camarade nous a très justement fait remarquer que le terme de “promoteur·ices” était un terme important et positif dans la tradition de l’éducation populaire liée à la pensée de Paulo Freire, pour désigner une forme d’horizontalité dans le partage du savoir. Il était donc particulièrement problématique de l’employer pour désigner les ennemi·es de cette tradition, les “négationnistes professionel·les”. Nous l’avons donc remplacé par “instigateur·ices”.
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Sur la manière dont les inégalités raciales sont présentes dans la pandémie de COVID-19, voir Oliveira et al. (2020).
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Cette expression est utilisée par Latour (2014), reprenant ce que les féministes appellent "l'essentialisme stratégique". Le "positivisme stratégique" est mobilisé lorsque cela est nécessaire pour donner un statut incontestable aux sciences en vertu de leur séparation supposée d'avec la politique.
Nous abordons plus en détail les origines et les causes de la popularisation des négationnismes dans Morel (2021).
Les " alternatives infernales " sont, pour Pignarre et Stengers (2013), comme un ensemble de situations formulées et agencées de telle manière qu'elles ne laissent pas d'autre choix que la résignation.