8 Janvier, le 6 Janvier Brésilien | CrimethInc
Pourquoi la débâcle du 6 janvier 2021 a-t-elle été jugée suffisamment réussie pour mériter d'être répétée ? Et comment les populations marginalisées qui sont ciblées par les mouvements fascistes peuvent-elles se mobiliser pour se défendre sans légitimer les mêmes institutions de l'État que les fascistes et les centristes utilisent contre elles ?
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· Cet article fait partie de notre dossier Fascisation du 12 mars 2023 ·
Le 8 janvier 2023, des partisan·nes d'extrême droite de l'ancien président brésilien vaincu Jair Bolsonaro ont pris d'assaut des bâtiments gouvernementaux à Brasília, apparemment dans une imitation grotesque du fiasco au cours duquel les partisan·nes de Donald Trump avaient fait la même chose à Washington, DC, le 6 janvier 2021. Dans l’article suivant, nos camarades brésilien·nes racontent la trajectoire qui a conduit à ces événements et discutent des dilemmes auxquels les opposant·es au fascisme sont confronté·es au Brésil à la suite de ces événements.
Le coup d'éclat de l'extrême droite hier pose des questions auxquelles les anarchistes et autres antifascistes doivent faire face dans le monde entier.
Qui dirige les actions de l'extrême droite pour intensifier les conflits civils et transformer les institutions de l'État en champ de bataille ? Alors que beaucoup aux États-Unis ont suggéré l'implication de Steve Bannon, le Brésil et l'Amérique latine en général ont une longue histoire de coups d'État menés par des militaires locaux et des forces de droite et soutenus par des centristes ainsi que des conservateurs au sein du gouvernement des États-Unis. Contrairement à Trump, Bolsonaro lui-même était absent du Brésil lors de la prise d'assaut des bâtiments, ayant fui avant la fin de son mandat présidentiel. Il est probablement erroné de réduire ces événements aux machinations de quelques autocrates.
Qui que ce soit derrière cette opération, pourquoi la débâcle du 6 janvier 2021 a-t-elle été jugée suffisamment réussie pour mériter d'être répétée ? L'objectif des participant·es était-il de prendre le pouvoir, d'exercer une pression sur l'administration entrante ou de la pousser à réagir de manière excessive, de légitimer des tactiques extra-légales en tant qu'étape vers la construction d'un mouvement fasciste ? Ou bien n'y a-t-il pas ici d'objectif rationnel, mais seulement les effets secondaires des stratégies de campagne des démagogues d'extrême droite, la polarisation croissante d'une société qui se fragmente, et l'attraction irrésistible des tactiques mémétiques ?
Comment les populations marginalisées qui sont ciblées par les mouvements fascistes peuvent-elles se mobiliser pour se défendre sans légitimer les mêmes institutions de l'État que les fascistes et les centristes utilisent contre elles ? Comment les anarchistes et les autres personnes qui s'investissent dans un changement social profond peuvent-elles empêcher les "rebelles" d'extrême droite de monopoliser la perception du grand public des tactiques que nous serons peut être amené·es à utiliser, dans une but de libération cette fois ?
Nous espérons que cette contribution sera utile à nos camarades pour réfléchir à ces questions.
Les élections n'arrêtent pas le fascisme
Depuis la défaite de Jair Bolsonaro et la victoire de Luís Inácio Lula da Silva avec une marge de moins de 2% aux élections présidentielles brésiliennes du 30 octobre 2022, les mobilisations de l'extrême droite n'ont cessé de gagner en ampleur et en violence. Peu après l'annonce de la victoire de Lula, des manifestant·es ont campé autour des casernes de l'armée et bloqué des routes, contestant les résultats de l'élection et appelant à une intervention militaire. Nombre de ces camps étaient équipés de toilettes chimiques, de tentes et de cuisines ; iels étaient financé·es par des hommes d'affaires et des politicien·nes aligné·es sur le bolsonarisme et l'extrême droite. En novembre, la Cour supérieure fédérale a ordonné le blocage des comptes de certain·es des financeur·euses, signant des mandats de perquisition et de saisie.
Comme nous l'avons documenté, les chauffeurs de camions organisés par des groupes d'employeurs ont bloqué des centaines de routes à travers le pays, bénéficiant de l'indulgence de la police fédérale des autoroutes (PRF). Lorsque ces blocages ont été mis en échec, l'élan s'est déplacé vers les mouvements bolsonaristes urbains, en particulier les campements devant les casernes militaires. Les campements, qui avaient commencé avec un caractère plus diversifié, comprenant des personnes âgées et des enfants, sont devenus majoritairement masculins, avec des participants plus enclins à faire usage de la force. Les lynchages de personnes tentant de franchir les barrages, les enlèvements et même la torture de celleux qui n'étaient pas d'accord avec leurs tactiques ou leurs points de vue sont devenus monnaie courante.
Dans la nuit du 12 décembre, lors de la reconnaissance officielle du président Lula et de son vice-président Geraldo Alckmin comme vainqueurs des élections, la base de rue radicalisée du bolsonarisme a fait un pas de plus dans une répétition générale des événements du 8 janvier. Des groupes qui campaient à Brasília ont attaqué un poste de police et le siège de la police fédérale. Des partisans de Bolsonaro ont incendié cinq bus et trois voitures en réponse à l'arrestation d'un indigène nommé Serere Xavante, pasteur évangélique bolsonariste. Xavante a été accusé d'organiser un coup d'État, de proférer des menaces et de promouvoir des attaques contre l'État de droit démocratique ; le ministre de la Cour suprême fédérale, Alexandre de Moraes, a ordonné son arrestation.
Le Tribunal suprême fédéral a ordonné l'arrestation de dizaines de personnes impliquées dans les manifestations pro-Bolsonaro et dans le financement des camps. La gauche a continué à parier que la répression institutionnelle suffirait à contenir les Bolsonaristes. Compter sur des lois et des institutions qui n'ont rien fait pour freiner l'élan de l'extrême droite laisse les rues ouvertes à l'organisation des fascistes. En général, malgré les arrestations susmentionnées, la police et les autres autorités ont continué à traiter le mouvement bolsonariste avec permissivité.
L'image d'un bus en flammes, autrefois symbole de la lutte contre la répression étatique et l'exploitation capitaliste, telle qu'on l'a vue lors des manifestations contre l'augmentation du prix des billets de bus en 2013, la Coupe du monde de football en 2014 et les violences policières dans la périphérie urbaine, est désormais associée au "terrorisme d'extrême droite". La gauche légaliste et institutionnelle, représentée par le nouveau gouvernement, adopte le rôle de "défenseur de la loi et de l'ordre".
Incapable de supporter une défaite électorale, Bolsonaro a laissé ses partisan·nes se battre seul·es pour réaliser son rêve de coup d'État. Le 30 décembre, il est parti pour Orlando, en Floride, à bord de l'avion présidentiel, avec ses proches et les membres de sa famille ; l'argent public a tout payé. Son vice-président, le général Hamilton Mourão, est devenu président par intérim, faisant une déclaration louant "l'alternance du pouvoir dans une démocratie".
L'extrême droite considère désormais Bolsonaro et Mourão comme des traîtres. Mais sans Bolsonaro, les Bolsonaristes sont devenus encore plus enragés et volatiles.
La veille de Noël 2022, le chauffeur d'un camion-citerne a trouvé un engin explosif dans son véhicule et a alerté la police. L'auteur de la tentative d'attentat, George Washington de Sousa, a été arrêté et a avoué son intention de faire exploser le véhicule près de l'aéroport de Brasilia avant l'investiture de Lula, dans l'espoir de contraindre le président Bolsonaro, encore en exercice, à instaurer l'état de siège. Les autorités ont découvert un stock considérable d'armes dans l'appartement de Washington de Sousa, qui a affirmé les avoir acquises au fil des ans, motivé par les discours de Bolsonaro. Cette découverte a attiré l'attention des autorités, y compris de l'administration entrante de Lula, sur la manière dont les occupations bolsonaristes recrutaient et radicalisaient l'extrême droite.
Le 1er janvier 2023, Lula a prêté serment sous haute sécurité. Il est ainsi devenu le seul président élu trois fois par un vote démocratique au Brésil, et Bolsonaro le premier président à ne pas être réélu, ainsi que le premier président de l'ère démocratique à refuser de transmettre l'écharpe présidentielle lors d'une cérémonie d'investiture. Les images des représentant·es des peuples indigènes, des travailleur·euses, des Noir·es, des handicapé·es et des exclu·es transmettant la bannière à Lula ont circulé dans le monde entier, en signe d'optimisme, même si les mesures palliatives pour une société capitaliste en déclin évident n'offriront probablement pas beaucoup plus qu'une brève amélioration superficielle avant l'effondrement.
En tout état de cause, le sentiment d'apaisement après la "défaite du fascisme dans les urnes" n'a même pas duré une semaine.
La révolte de ceux qui sont escortés par les flics
Bien que la participation ait diminué après l'arrivée au pouvoir de Lula, les manifestations et les campements d'extrême droite se sont poursuivis. Dans les premiers jours de janvier, les partisans de Bolsonaro ont appelé à une manifestation pour le dimanche 8 janvier. Environ 4 000 personnes qui avaient manifesté aux portes des casernes dans plusieurs villes du Brésil ont pris des bus affrétés pour se rendre à Brasilia, la capitale, et ont uni leurs forces pour une manifestation de masse répudiant l'investiture de Lula en tant que président. La foule était composée d'un grand nombre de fonctionnaires, d'employé·es de représentant·es parlementaires et même d'adjoint·es au maire de petites villes. Iels ont affirmé que les élections avaient été truquées et que Lula était à la tête d'une bande criminelle cherchant à détourner l'argent du Brésil pour financer le "communisme".
Lorsque les bus sont arrivés dans la capitale, les fascistes vêtu·es des T-shirts de l'équipe de football brésilienne ont défilé en début d'après-midi, sans subir d'interférence ou de harcèlement policier dans un lieu habituellement très surveillé et difficile d'accès. Iels se sont approché·es des bâtiments du Congrès national, de la Cour suprême fédérale et du Palácio do Planalto (le palais présidentiel). Ce sont les sièges des trois pouvoirs fédéraux du Brésil : législatif, judiciaire et exécutif. Les manifestant·es ont pris d'assaut les bâtiments, détruisant les fenêtres, les équipements et le mobilier, endommageant et volant des objets historiques et des œuvres d'art rares de Candido Portinari, Emiliano Di Cavalcanti et Victor Brecheret, d'une valeur de plusieurs millions de dollars. Iels ont volé des documents et des armes au Bureau de la Sécurité Institutionnelle situé au rez-de-chaussée du Palais du Planalto, ce qui suggère la possibilité que certain·es d'entre elleux aient eu accès à l'avance à des informations sur l'emplacement de ces armes.
Comme lors des événements survenus au Capitole des États-Unis le 6 janvier 2021, les manifestant·es ont filmé elleux-mêmes tout ce qu'iels faisaient, montrant leurs visages et publiant les images en direct sur les réseaux sociaux sans se soucier des risques. Ironiquement, iels ont mené une action attaquant les pouvoirs qui étaient censé suffire à débarrasser la société du fascisme après l'élection d'un gouvernement progressiste de gauche, selon l’espoir d’une partie de la population
Les envahisseur·euses ont bénéficié du soutien tacite de la police militaire du district fédéral, commandée par le gouverneur Ibaneis Rocha ; iels n'ont rencontré aucune opposition ni répression policière pendant au moins trois heures. La police leur a permis d'entrer dans les bâtiments. Ce n'est qu'à 18 heures que la police a pris l'initiative d'encercler les bâtiments. Plusieurs vidéos montrent des policiers prenant des selfies et riant pendant que les manifestant·es envahissaient le Congrès ; d'autres montrent des policiers fraternisant avec les Bolsonaristes à l'intérieur des bâtiments envahis.
Ce n'est qu'après 20 heures que la police, y compris la Force nationale, habituellement si prompte à attaquer les enseignant·es, les étudiant·es et les peuples indigènes, a réussi à "contenir" pacifiquement la manifestation, en arrêtant environ 200 personnes. Sur les vidéos, on voit la police expulser les Bolsonaristes pacifiquement, sans aucun·e blessé·e ni mort, alors que la police brésilienne est sans doute la plus meurtrière au monde.
Cette réaction institutionnelle n'a commencé que lorsque Lula, qui se trouvait dans une ville de l'intérieur de São Paulo, a publié un décret pour une Intervention Fédérale dans la Sécurité Publique du District Fédéral, nommant le Secrétaire de la Sécurité Publique du Ministère de la Justice, Ricardo Cappelli, en tant qu'intervenant jusqu'au 31 janvier 2023. En pratique, cela signifie que la police gouvernementale (police militaire et police civile) est dessaisie de l'affaire et qu'elle est confiée à la police du gouvernement fédéral (force de sécurité nationale et police fédérale). Dans la soirée du 8 janvier, le ministre de la Justice et de la Sécurité publique a fait une déclaration indiquant que des enquêtes avaient été ouvertes, que les financeur·euses des bus avaient été identifié·es et qu'environ 200 personnes avaient été arrêtées.
Le ministre de la Justice, Flávio Dino, ancien juge et ancien gouverneur de l'État du Maranhão, a également pris la parole, prononçant un discours mesuré dans lequel il a tenté de sauvegarder la légitimité des institutions gouvernementales, dépeignant les participant·es aux manifestations pro-Bolsonaro comme des radicale·aux isolé·es qui seraient traité·es comme des criminel·les, vidant ainsi l'événement de son contenu politique tout en le décrivant comme une tentative de coup d'État. Le ministre de la Cour suprême, Alexandre de Moraes, qui avait été actif tout au long de l'administration de Bolsonaro en tant que "gardien de l'ordre institutionnel démocratique", a également ordonné la destitution du gouverneur du District Fédéral, partisan bien connu du Bolsonarisme.
Aujourd'hui, au lendemain des événements, la situation reste déconcertante pour la presse et les autorités, alors que la manifestation était annoncée depuis des mois sur les réseaux Bolsonaristes.
Manifestation locale d'une vague fasciste mondiale
Il existe de nombreuses similitudes entre les événements du 8 janvier 2023 au Brésil et ceux du 6 janvier 2021 à Washington, DC. Mais il y a aussi des différences significatives, à commencer par le leadership politique des fascistes.
Jair Bolsonaro s'est toujours positionné comme un partisan de Donald Trump, s'alignant sur les mouvements d'extrême droite mondiaux comme ceux de la Pologne et de la Hongrie. Bolsonaro a des liens avec Steve Bannon, qui a servi de mentor aux fils de Bolsonaro pour la campagne présidentielle de 2018 et a affirmé l'année dernière que l'élection de Bolsonaro était la deuxième plus importante pour son mouvement. Après la défaite, Bannon et Trump ont conseillé à Bolsonaro de contester le résultat de l'élection. Malgré cela, il n'est pas possible d'affirmer qu'il y a une ingérence directe de Bannon ou de l'extrême droite internationale.
La motivation des deux invasions de bâtiments gouvernementaux est également similaire dans le contenu de la conspiration supposée : les partisan·nes de Bolsonaro allèguent que les élections ont été truquées en faveur d'une élite mondialiste sympathisante du communisme et de la Chine, dans le but de déstabiliser les gouvernements nationalistes afin de diffuser ce qu'iels appellent "l'idéologie du genre", d'encourager la consommation de drogue et de promouvoir les intérêts des cartels criminels internationaux. À l'instar de l'alt-right ailleurs dans le monde, iels se déclarent libérale·aux dans leur programme économique et conservateur·ices dans leur programme culturel. Ainsi, iels revendiquent la défense de la famille chrétienne traditionnelle comme moyen de promouvoir la suprématie blanche, la haine des personnes LGBTQI+ et l'inquiétude face à une supposée menace communiste.
Le 6 janvier 2021 et le 8 janvier 2023, une foule fasciste prétendant être les vrai·es représentant·es du peuple et refusant de reconnaître la légitimité du processus électoral qui a rejeté leur candidat a envahi le siège physique des pouvoirs constitués pour semer le chaos dans l'espoir de suspendre le résultat des élections.
Après des décennies de gestion démocratique, au cours desquelles pratiquement tous les partis ont accepté que ce soit la seule forme de politique possible à l'ère de la mondialisation capitaliste, l'extrême droite a replacé la politique sur le terrain du conflit et de la confrontation. Il est de plus en plus clair que le consensus construit dans la période de l'après-guerre autour de la formule capitalisme + démocratie libérale + droits de l'homme, qui ignorait les contradictions et les inégalités inhérentes au système capitaliste et étatique, a été rompu. Il est significatif que ce soit la droite qui parie sur cette rupture, en soutenant explicitement la guerre civile, alors que la majorité de la gauche s'accroche encore aux institutions démocratiques et à la gestion d'une paix de plus en plus précaire.
Les événements au Brésil diffèrent des événements aux États-Unis en ce que les bolsonaristes se sont regroupé·es autour de quelque chose de plus ancien que le culte de Trump, quelque chose qui est spécifique à l'histoire politique brésilienne : la nostalgie de la dictature qui a été mise en place par un coup d'État civilo-militaire avec l'aide des États-Unis en 1964 et l'allégeance à tous les aspects de la dictature qui persistent dans la société brésilienne.
Selon la formule du psychanalyste Tales Ab'Sáber : "Que reste-t-il de la dictature au Brésil ? Tout, sauf la dictature".
Contrairement à ce qui s'est passé aux États-Unis après l'élection de Biden, les forces armées brésiliennes, composées d'officiers formés dans des écoles militaires imprégnées du discours anticommuniste de la guerre froide et de révisionnisme historique qui qualifie le coup d'État civil militaire de "révolution de 64", sont un élément fondamental des mouvements putschistes. Le bolsonarisme social et électoral implique de nombreux officiers de réserve de l'armée, de la marine et de l'armée de l'air. Les officiers en service actif dissimulent à peine leur soutien aux manifestant·es pro-Bolsonaro ; depuis 2014, ils ont fait des déclarations publiques exprimant leur opposition aux partis et candidat·es de gauche. La preuve la plus évidente du soutien des forces armées aux mouvements putschistes est leur tolérance des campements devant leurs casernes, qui n'auraient certainement pas été acceptés si le contenu des manifestations avait été différent.
Dans l'espoir d'un rapprochement avec les institutions, la coalition de la gauche institutionnelle qui a remporté les élections d'octobre a nommé José Múcio au ministère de la Défense, un homme politique de droite, ami des militaires, dont le parti (le Partido Trabalhista Brasileiro) utilise la devise "Dieu, Famille, Patrie et Liberté". Dans sa déclaration sur les manifestations, Lula a admis que le ministre de la défense n'avait pas agi pour expulser les occupant·es autour des casernes.
Ce qui se passe aujourd'hui au Brésil montre la force que l'extrême droite a acquise au cours de la dernière décennie, en capitalisant sur un fascisme social diffus qui a toujours existé dans la société brésilienne. Les institutions démocratiques mises en place avec la Constitution brésilienne de 1988 n'ont pas su ou voulu se défendre contre ce phénomène. Nous l'avons constaté dès le début, avec la participation des militaires au processus de réintroduction des élections démocratiques dans les années 1980 et le "rôle constitutionnel" des militaires en tant que garants du pouvoir de l'État.
La plus grande honte pour la gauche dans son ensemble, et surtout pour celleux qui se considèrent comme radicale·aux, est que le gouvernement de Jair Bolsonaro et ses milices ont réorganisé toute la structure de l'État, démantelé la santé publique, l'éducation et les protections environnementales tout en ciblant les Noir·es et les indigènes, les femmes et les personnes LGBTQI+, le tout au milieu d'une pandémie mondiale qui a tué plus de personnes au Brésil que la moyenne par habitant dans le monde entier. Pourtant, nous n'avons pas été en mesure de réagir à ces événements, ni par une grève générale, ni par le blocage des villes et des autoroutes, ni par l'invasion du palais présidentiel.
Désormais, toutes ces actions, que nous aurions dû entreprendre pour nous défendre contre l'extrême droite, sont associées à l'extrême droite. Cela contribue à un discours qui nous peut nous paralyser, rendant impossible l'exercice de la force dont nous avons besoin contre les fascistes à l'extérieur et à l'intérieur des institutions de l'État, sans parler des autres partis qui utiliseront également les institutions du gouvernement pour continuer à nous imposer les pires effets du capitalisme.
Nous devons fomenter une révolte populaire qui implique tous les secteurs de la société privés de leurs droits, tous·tes celleux qui sont la cible des fascistes, tous·tes celleux qui souffrent du capitalisme, même lorsqu'il est géré par un gouvernement progressiste. Nous ne devons pas délégitimer l'insurrection lorsque l'appareil d'État est aux mains du centre-gauche alors que les rues restent aux mains des fascistes et des forces de sécurité. Nous devons trouver des moyens de résister, en rejetant le chantage de celleux qui prétendent que le plus important est de maintenir l'ordre, avec leur éternel moralisme en défense de la propriété privée et du pouvoir d'État.
Publication originale (10/01/2023) :
CrimethInc.
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