Des Mask Blocs se forment partout | Austin Fisher
MaskBlocABQ est un groupe anticapitaliste qui cherche à sensibiliser les gens à la pandémie en cours, alors que le gouvernement, les entreprises et les médias complices déclarent qu'elle est terminée. Pour résister à l'érosion de l'empathie, nous devons inviter les gens à participer à des actes de soin, de défense et de secour mutuel. Nous devons normaliser les actes d'entraide au milieu de la crise quotidienne du capitalisme et intégrer ces mécanismes dans notre travail d'organisation. Mais il s'agit également d'une question de sécurité sur le lieu de travail et d'une question de droit du travail.
Austin Fisher est un journaliste basé à Santa Fe. Il a travaillé pour des journaux au Nouveau-Mexique et dans son État natal du Kansas, notamment le Topeka Capital-Journal, le Garden City Telegram, le Rio Grande SUN et le Santa Fe Reporter. Depuis qu'il a commencé une carrière à temps plein dans le journalisme en 2015, il vise à utiliser le journalisme pour faire entendre des voix qui ne sont généralement pas entendues dans les débats publics sur les inégalités économiques, le maintien de l'ordre et le racisme environnemental.
· Nous aimerions dédier cette publication aux formidables camarades du Mask Bloc Paris qui s’organisent pour distribuer gratuitement des masques de qualité (FFP2) devant des établissements de santé et lors d’évènements militants (comme la Pride des Banlieues), et exiger le retour de ce geste collectif de protection mutuelle qu’est le port du masque dans les lieux de soin ·
Par un chaud samedi après-midi, cinq personnes se tiennent devant l'entrée principale de l'hôpital Presbytérien, dans le centre d'Albuquerque.
Près de la porte d'entrée tournante de l'hôpital, un groupe appelé MaskBlocABQ, réseau d'entraide qui distribue des masques et milite pour des mesures d'atténuation contre le COVID-19, a placé une boîte de masques portant l'inscription "GRATUIT" au feutre noir épais.
Iels tiennent des pancartes sur lesquelles on peut lire "MASQUES GRATUITS", "Masques qui sauvent des vies ici" et "Maintenez les masques dans les lieux de soins".
En une heure environ, iels ont distribué gratuitement 675 masques à haute filtration aux patient·es, au personnel soignant et aux visiteureuses entrant ou sortant de l’hôpital.
Que les gouvernements ou les entreprises l'exigent ou non, le groupe est déterminé à faire tout ce qui est en son pouvoir pour arrêter ou ralentir la transmission du SARS-CoV-2, le virus à l'origine du COVID-19.
Certaines personnes ont refusé le masque gratuit. Une infirmière travaillant à l'hôpital en a pris avec gratitude et a déclaré qu'elle les distribuerait à ses collègues de l'hôpital Presbytérien.
L'écrasante majorité des personnes était soit intriguée, soit neutre, soit enthousiaste face à cette distribution de masques gratuits.
Toute personne visitant l'hôpital Presbytérien doit d'abord se rendre à l'intérieur de l'hôpital pour obtenir un masque auprès de la réception, s'exposant ainsi potentiellement au virus en suspension dans l'air.
Tout se passait bien pour le groupe d'entraide jusqu'à ce que, vers 14h20, deux agents de sécurité de l'hôpital arrivent en camion, descendent et demandent au groupe de partir.
L'un des gardes nous a expliqué que l'hôpital Presbytérien n'avait pas de politique interdisant la distribution de masques, mais qu'il interdisait les rassemblements sur la propriété si quelqu'un n'avait rien à faire à l'intérieur de l'hôpital.
"Ils ne veulent pas de solliciteurs", a déclaré le gardien au groupe. "Et je sais que vous n’avez rien à vendre, vous ne faites que distribuer des masques, et je n'y vois pas de problème, je ne vois pas pourquoi quelqu'un d'autre en verrait, mais c’est notre règlement".
En réponse à nos questions à propos du groupe qui distribue des masques gratuits, Dionne Cruz Miller, directrice générale de l'hôpital Presbytérien, a déclaré lundi que le système hospitalier n'autorisait pas les "vendeurs" à distribuer quoi que ce soit sur l'un de ses sites sans autorisation.
Mme Cruz Miller n'a pas répondu à une question demandant pourquoi les masques chirurgicaux dans le hall de l'hôpital d'Albuquerque sont placés derrière un bureau et non à la vue de toustes.
Heather Booth, membre de MaskBlocABQ et ancienne travailleuse de la santé, s'est dite déçue par la réaction de l'hôpital.
"Il est décevant que la sécurité nous en empêche alors qu'iels n'exigent plus le port du masque et ne sont même pas capables d’en fournir de bons avant que les gens n'entrent à l'intérieur", nous dit Heather Booth.
Maintenir les masques dans les lieux de soin
La distribution de masques par MaskBlocABQ rejoint d'autres initiatives locales qui voient le jour aux États-Unis et dans d'autres pays.
Le groupe d'Albuquerque s'est rencontré en ligne et s'est organisé pendant la recrudescence estivale des cas de COVID-19 aux États-Unis. Bien qu'il soit désormais très difficile d'obtenir des données sur la propagation du COVID, les taux dans les eaux usées montrent cinq semaines consécutives d'augmentation dans l'ouest du pays, notamment au Nouveau-Mexique.
Samedi, ce n'était pas la première fois que MaskBlocABQ se postait devant un hôpital d'Albuquerque pour distribuer des masques, mais c'était la première fois qu'un agent de sécurité leur demandait d'arrêter, selon les membres.
La distribution de masques devant l'hôpital Presbytérien était une action directe destinée à exiger le maintien ou le retour des masques dans les établissements de santé, ce qui, selon les membres de MaskBlocABQ, est devenu encore plus nécessaire en avril lorsque tous les grands hôpitaux du Nouveau-Mexique ont abandonné l'obligation du port de masques.
D'autres groupes poursuivant des objectifs similaires appellent les gouverneur·euses des États, les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), les responsables de la santé publique et les prestataires de soins à exiger le port du masque dans tous les établissements de santé et à fournir des masques à toustes les patient·es qui s'y trouvent.
Ils affirment qu'il est dangereux, contraire à l'éthique et basé sur des données erronées de lever les obligations de port du masque dans les établissements de soins.
Les masques distribués samedi n'étaient que quelques-uns des milliers que MaskBlocABQ a reçus gratuitement de l'organisation à but non lucratif Project N95.
Le groupe local a déjà distribué 15 000 masques à des personnes et à des organisations du Nouveau-Mexique qui les porteront et les distribueront aux communautés qu'elles soutiennent.
Self Serve, un magasin d'Albuquerque, s'est porté volontaire pour être le point de collecte des masques. Le magasin offre également des masques gratuits par le biais d'un point de distribution donnant directement sur la rue.
L'emplacement central du magasin et l'enthousiasme des employé·es à faire ce travail en font un bon point de distribution, dit Kristen Fox, membre de MaskBlocABQ qui s'est jointe à la distribution samedi.
MaskBlocABQ dispose également d'un formulaire de demande qui permet d'organiser une livraison à toute personne ayant besoin de masques.
Ce travail donne à Fox l'espoir que les gens recommencent à se masquer, et que celleux qui ont continué à le faire depuis le début soient prêt·es à le faire plus publiquement et à aider à distribuer des masques.
Qui sont les plus laissé·es pour compte par la pandémie ?
MaskBlocABQ est un groupe anticapitaliste qui cherche à sensibiliser les gens à la pandémie en cours, alors que le gouvernement, les entreprises et les médias complices déclarent qu'elle est terminée. Le groupe n'a ni chef ni hiérarchie.
Debbie Cox, membre du groupe, était atteinte d'une maladie chronique avant le début de la pandémie.
"Maintenant qu'il n'y a plus de masques dans les lieux de soins, j'essaie de peser le pour et le contre entre retarder des soins de santé vitaux et de routine et attraper le COVID à l'hôpital", a déclaré Debbie Cox. Debbie Cox et d'autres membres du Mask Bloc disent que son expérience n'est qu'un exemple d'un problème beaucoup plus vaste qui touche un grand nombre des personnes les plus laissées pour compte - mais aussi reliées entre elles - par la pandémie : Les Noir·es et les Indigènes, les personnes handicapées, les malades chroniques, les homosexuel·les et les trans, ainsi que les familles cliniquement vulnérables qui restent à l'écart des écoles.
Le message de MaskBlocABQ n'est pas un message sombre et pessimiste, mais plutôt une vision de la façon dont les choses pourraient être différentes et fondées sur une compréhension radicale de la coopération, semblable aux projets décrits dans le livre "Let This Radicalize You" des auteures-activistes Kelly Hayes et Mariame Kaba.
"Pour résister à l'érosion de l'empathie, nous devons inviter les gens à participer à des actes de soin, de défense et de secour mutuel", écrivent Mmes Hayes et Kaba. "Nous devons normaliser les actes d'entraide au milieu de la crise quotidienne du capitalisme et intégrer ces mécanismes dans notre travail d'organisation au niveau du terrain."
Le groupe souhaite également aider les personnes qui n'ont pas les moyens de consacrer du temps à la recherche d'informations sur la pandémie en cours, ou de dépenser de l'argent pour des équipements de protection individuelle, des purificateurs d'air ou d'autres moyens de rester en sécurité, avec par exemple des services de distribution à domicile.
Le COVID est souvent considéré comme un risque seulement pour les personnes handicapées, nous dit Kristen Fox. Si le groupe souhaite mettre au centre la justice pour toutes les personnes handicapées, il insiste également sur le fait que le COVID représente un danger pour tout le monde.
"Il s'agit aussi bien d'une question de sécurité sur le lieu de travail et d'une question de droit du travail".
Publication originales (01/08/2023) :
Source New Mexico